Alors que les tambours de guerre se font de plus en plus assourdissants et que les vols aériens vers Beyrouth sont suspendus, le Liban retient son souffle. Des bombardements ciblés israéliens semblent imminents et devraient se concentrer sur le Sud du Liban, avec le risque de voir le Hezbollah tirer des missiles sur la capitale israélienne, un scénario hélas envisageable. À moins que la voie diplomatique, dans un ultime sursaut, ne retrouve ses droits en imposant l’application stricte de la résolution 1701, une véritable Arlésienne votée …. en 2006 et qui prévoyait une zone tampon et neutre entre la frontière israélo- palestinienne et le fleuve Litani. Sauf que les forces d’interposition de l’ONU se sont couchées face aux miliciens du Hezbollah restés les seuls maitres à bord pour entretenir un état de « ni guerre, ni paix » face à l’armée israélienne.
Avec le refus de sombrer dans le pessimisme qui caractérise le pays du Cèdre, le patron de la rédaction du site libanais « Ici Beyrouth », Marc Saikali, veut croire encore à une sortie de crise diplomatique. « La petite phrase du ministre libanais des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, écrii ce mardi matin, est presque passée inaperçue dans le brouhaha des menaces. « Le Hezbollah sera prêt à se retirer derrière le Litani, si Israël arrête ses violations. »
Et revoilà donc très précisément l’essence même de la résolution 1701 votée par l’ONU à l’issue de la guerre de juillet 2006 lorsque l’armée israélienne avait envahi le Liban avant d’être stoppée par les miliciens chiites du Hezbollah.
Sauf que pour appliquer la résolution de l’ONU, comme le note l’éditorialiste d’Ici Beyrouth, deux conditions sont requises:
– le déploiement de l’armée libanaise, pour l’instant une simple force e police au Sud Liba, et encore sans grande marge de manoeuvre, mais quii serait enfin convenablement équipée et en nombre suffisant pour s’imposer le long de la frontière.
– La signature du président de la République.
Un Liban privé de président
Le hic, c’est que le Parlement libanais, depuis des mois, n’a toujours pas élu ce président. La classe politique libanaise est tétanisée à l’idée de faire le moindre pas avant de connaître l’issue de la guerre à Gaza. Ce qui est un très mauvais calcul. « Le temps presse, note Marc Saikali, il serait stupéfiant et illégal de décider d’accords sans pouvoir les signer. Cela placerait le Liban dans une posture encore plus mauvaise qu’aujourd’hui ». Ce qui reste possible, malgré l’actuelle déliquescence générale des institutions et malgré l’effondrement économique.
La solution nécessite du courage, ce qui n’est pas la qualité principale des politiciens libanais rompus à l’art des palabres et au partage des commissions sur les marchés publics.
Sans un tel scénario, le seul à pouvoir être en charge du déploiement de l’armée dans le Sud du Liban, serait l’actuel patron des militaires libanais, le général Joseph Aoun, au cœur du dispositif de restauration de la souveraineté territoriale.
Joseph Aoun, fin équilibriste
Joseph Aoun, 58 ans, a la réputation d’un homme intègre et honnête (denrée rare au Liban). Pas de fortune personnelle, pas de propriétés hollywoodiennes, aucune affaire de corruption. Un homme simple, qui collectionne les couteaux et poignards (souvenir de sa formation dans les forces spéciales), qui ne sort pas et vit très modestement.
Il a réussi dans ses missions. Le 18 août 2017, il a déclenché, annoncé via un tweet et gagné la bataille qui a mis fin à la menace de Daesh sur le Liban. 5000 de ses soldats y ont pris part.
Pendant la « révolution » en octobre 2019, il a pu contenir les débordements et surtout, par un fin jeu d’équilibriste, épargner à ses soldats, solidaires du mouvement de révolte contre la corruption et la classe politique, de devoir choisir entre leur loyauté à l’armée et leur appartenance au peuple.
Le 14 octobre 2021 des miliciens chiites du mouvement Amal (affilié au président du parlement Nabih Berri) et du Hezbollah ont envahi un quartier chrétien. De violents accrochages s’en sont suivis. 7 miliciens ont été tués. Ce qui a évité le dérapage de cet incident en guerre civile généralisée était un communiqué de Joseph Aoun donnant ordre à ses soldats de tirer sur toute personne armée.
Faisons un rêve !!!
Pourquoi alors ce haut gradé ne signerait-il pas également l’application effective de cette résolution de l’ONU? Pour ce faire, il faudrait qu’il en ait la légitimité. Celle du président. Un président qui serait fort, respecté, adoubé par la communauté internationale, par les parties libanaises et le peuple qui est, pour le moment, la dernière préoccupation des gouvernants. Un homme exempt de tout soupçon de corruption, chose assez rare pour être soulignée, et qui a réussi à son poste.
Les petits calculs partisans, les médiations impossibles, l’attente sans fin d’une solution venue de l’étranger… tout cela fait perdre à ce pauvre peuple meurtri un temps précieux.
Le 1ᵉʳ août, c’est la fête de l’armée. La dernière, toute dernière institution encore debout.