Les Libanais espéraient la paix, mais les tensions politiques et les frappes israéliennes ravivent l’instabilité. L’émissaire américain, Amos Hochstein, qui arrive ce lundi à Beyrouth, apportera-t-il un répit durable, ou ce calme apparent n’est-il qu’une accalmie avant une tempête inévitable ? Jamais le pessimisme n’a été aussi prégnant au pays du Cèdre.
Alors que les Libanais avaient accueilli avec soulagement l’accord de cessez-le-feu, espérant une trêve durable, la réalité les rattrape brutalement. Après avoir célébré les fêtes de Noël et du Nouvel An dans une parenthèse de répit apparent, le pays s’enfonce dans un climat d’incertitude croissante. Les drones israéliens, omniprésents les 25 décembre et 1er janvier, ont rappelé que la guerre n’est jamais loin. Une résidente de Beyrouth témoigne : « Au Liban, même la guerre joue la carte de l’ironie. Les drones, symboles de surveillance et de menace, sont devenus comme des facteurs de fêtes. Ils survolent nos zones de tension, distribuent leurs “cadeaux” et nous rappellent que Noël et le Nouvel An ne nous éloignent jamais du danger. »
Dans le même temps, les raids israéliens se sont intensifiés, frappant aussi bien le sud du Liban que la frontière libano-syrienne. Ces frappes, qui visent notamment des positions du Hezbollah, s’accompagnent d’une rhétorique de plus en plus belliqueuse de la milice. « Les cibles ont été neutralisées après que l’armée libanaise n’ait pas répondu à une demande israélienne d’intervention », a affirmé Avichay Adraee sur X, mettant en lumière une accusation implicite d’inaction du côté libanais.
Le blocage politique
À chaque action militaire, la probabilité d’une nouvelle confrontation armée grandit. Pendant ce temps, le pays s’enlise dans une paralysie politique. Le scrutin présidentiel prévu le 9 janvier semble déjà vidé de sens, un « coup d’épée dans l’eau » selon un analyste politique. Les négociations, elles, piétinent. Si le général Joseph Aoun semble émerger comme un candidat potentiellement consensuel, aucune certitude ne se dessine.
Wafic Safa, figure influente du Hezbollah, a brisé son silence après avoir échappé à une frappe israélienne ciblée le 10 octobre dernier. Il a déclaré que « le Hezbollah n’oppose son veto qu’à Samir Geagea, chef des Forces libanaises », confirmant ainsi que la milice continue de dicter son agenda politique.
Des provocations calculées
Sur le terrain, le Hezbollah multiplie les provocations pour réaffirmer son omniprésence, défiant ouvertement les institutions libanaises. Dernier exemple : une manifestation motorisée autour de l’enceinte de l’aéroport de Beyrouth, en réponse à la fouille d’un avion iranien par la douane libanaise. « Le fait que les valises iraniennes soient enfin fouillées montre que le Liban n’est plus totalement sous l’emprise de Téhéran », commente un observateur. Ce geste, aussi rare que symbolique, est perçu comme un tournant, un timide effort de réaffirmation de l’autorité libanaise.
Pour le Hezbollah, toutefois, cette initiative constitue un affront. « Avec cette démonstration de force, la milice réaffirme qu’elle est encore et toujours le faiseur de loi », estime un internaute.
Dans ce contexte tendu, les Libanais n’ont que peu de raisons d’espérer. Entre frappes israéliennes, provocations internes et paralysie politique, la guerre semble être la seule prévision plausible. « Le Liban reste pris en otage par des forces qui jouent leurs propres intérêts, loin des aspirations d’un peuple lassé par des décennies de conflit et d’instabilité », conclut un habitant de Beyrouth, le ton empreint de fatigue et de résignation.