Les plus anciens se souviennent de ce sketch mémorable des “Inconnus”. Il parodiait un journal télévisé durant lequel un journaliste tentait d’expliquer la situation au Liban. Un régal d’absurdité tellement, à cette époque, dans les années 80, personne ne comprenait plus rien à la guerre au Liban.
Marc Saikali, directeur du site « Ici Beyrouth »
Les opinions mondiales se lassent vite des conflits qui s’éternisent et échappent à leurs repères. C’est de nouveau le cas. L’actuelle guerre au Liban ne fait plus la Une des journaux. Un ami journaliste dans une grande rédaction parisienne me disait que sa hiérarchie hésitait à l’envoyer en reportage à Beyrouth, parce que la situation “s’enlisait”. Destructions, raids, morts et blessés, réfugiés, discussions sur des cessez-le-feu, puis retour à la case départ. Autant, pour les Libanais, la catastrophe est quotidienne; autant, à l’étranger, elle devient “normale”. Et cela peut durer très longtemps.
Une info chasse l’autre
Le Liban est en train de sortir de l’actualité. Une information chasse l’autre dans les médias du monde. C’est naturel. Les Libanais, eux, vivent au rythme des bombes, des réveils en sursaut et des informations qui leur rappellent qu’il n’y a pas d’issue à cette folie qu’ils n’avaient pas demandée.
Dans ces conditions, il faudra des mois et des mois avant que le cauchemar s’arrête. S’il s’arrête. Parce qu’il peut y avoir des baisses et des montées de tensions et de combats, sans raisons réelles, dans un conflit qui ne se terminerait jamais. Avec des pics de violences, de nouveaux foyers de guerre…
Beaucoup s’accordent à penser que la situation restera inchangée jusqu’à l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier. Après? Le Liban n’est certainement pas la priorité du nouveau président américain. Il faudra attendre encore. Et si l’administration américaine décide de mettre le holà aux combats, il restera encore à voir les contours d’un éventuel nouvel accord. Quelques mois de plus.
« L’unité des fronts contre Gaza »
Le 8 octobre 2023, les Iraniens ont ouvert, via leur obligé libanais du Hezbollah, les portes de l’enfer pour le petit Liban et son peuple. Cela, au nom de la fameuse “unité des fronts” avec Gaza. Une doctrine que tout le monde a désormais mise de côté, y compris le Hezbollah, sans que cela n’affecte en rien la poursuite des combats. Trop peu, trop tard. Même chose pour la non moins fameuse résolution 1701. “L’axe de la résistance” ne voulait pas en entendre parler. Désormais, c’est la revendication principale dudit axe. Trop peu, trop tard. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tiré la sonnette d’alarme. De nombreuses personnalités libanaises demandaient l’application de la résolution onusienne depuis… 2006. Sans succès. Il a fallu plus de 3.500 morts et des destructions que le pays mettra des décennies à effacer pour que la milice pro-iranienne concède que c’est… sa propre demande maintenant.
Même chose pour la fameuse Ligne bleue délimitant la frontière avec Israël. Avant le conflit, il restait 13 points litigieux à régler. Cela aurait pu être fait par la négociation. Mais non! Il a fallu foncer dans cette guerre qui ne regardait pas le pays. Aujourd’hui, des villages ont été rasés et les soldats israéliens sont à l’intérieur du Liban. Se retireront-ils un jour? Nul ne le sait. Pour les “résistants”, c’est pain bénit pour justifier le maintien des armes contre une nouvelle “occupation”. Et le cycle est reparti.
Donc, toutes les mauvaises décisions pour le pays ont été prises. Absolument toutes. Les conséquences sont encore difficiles à mesurer tant elles sont nombreuses. Combien faudra-t-il encore de morts pour que les Gardiens de la révolution iraniens et leurs patrons laissent le Liban tranquille? Staline disait qu’un mort, c’est une tragédie; un million, c’est une statistique. Pourvu qu’à Téhéran, on n’ait jamais entendu parler de la phrase du tyran soviétique.