Aucun vainqueur dans la guerre du Proche-Orient 

Fin octobre 2024, soit un plus d’un an après le début de la guerre dénommée « Tempête Al Aqsa », note notre chroniqueur le 24 octobre, aucune partie directement impliquée dans cette guerre ne peut se prévaloir d’une victoire. Et surtout pas Israël.

Malek Elkhoury, figure marquante de la société civile libanaise

Trois populations paient un prix très cher au conflit actuel. D’abord, évidemment, les Palestiniens, puis les Libanais et, enfin les Israéliens eux-mêmes. Certes le prix payé n’est pas le même pour chacune de ces 3 catégories. Toutes les forces locales sont affaiblies, peu importe s’il s’agit d’états ou d’entités rebelles. Hamas, l’Autorité Palestinienne, les Houthis, Le Hashd esch-Chaabi d’Irak, Hezbollah, l’Iran, mais aussi la Jordanie, l’Egypte et Israël. Les autres pays arabes, principalement ceux du Golfe, ainsi que la Turquie, la Russie, la Chine ont plus ou moins brillé par leur silence ou par un soutien camouflé à l’un ou l’autre des camps en conflit.

Parallèlement à cette guerre, des rapprochements, voire des négociations, ont eu lieu. Soit pour tenter de calmer le jeu, voire cesser la guerre, soit pour libérer des otages, soit pour des raisons stratégiques et/ou politiques. Le principal accord (à mon avis la principale, pour ne pas dire la seule dynamique positive) est celui entre l’Iran et l’Arabie Saoudite (initié par la Chine).

Les va-t-en-guerre continuent leur jusqu’auboutisme et les autres continuent d’espérer l’accalmie. Qui l’emportera ? Il est trop tôt pour se prononcer, la tragédie n’est pas encore terminés. Certains ne sont pas encore écrits, d’autres ne sont pas encore mis en scène. Peut-être même que certains auteurs et acteurs ont de nouvelles idées, soit machiavéliques, soit magiques.

Un de ces principaux actes manquants reste l’intensité du conflit entre l’Irann et Israel. Tout récemment une fuite américaine a divulgué les potentielles cibles iraniennes. Est-ce pour tromper l’ennemi et frapper d’autres cibles ? Est-ce une taupe à l’intérieur du système américain ? Ou est-ce une fuite délibérée de la part des va-t-en-guerre, ou des partisans d’une accalmie, pour entraîner l’Amérique dans la guerre ou au contraire l’arrêter, car sans issue ?

Selon la réplique israélienne, l’Iran pourrait considérer qu’il s’agit d’un match nul ou, au contraire, qu’Israël a dépassé les lignes rouges des règles de cette guerre. Dans ce cas, comment réagira l’Iran ? Elle pourrait le faire directement, à travers son axe de la Résistance ou les deux en même temps.

Lerisque d’embrasement

Si Israël dépasse ces lignes rouges et que l’Iran répond – ce qui semble être le plus réaliste –, la guerre pourrait s’étendre et les Américains être directement impliqués. Face à ce camp israélo-américain soutenu par l’OTAN et la majorité des pays occidentaux. L’axe adverse (Russie-Chine-Iran-Corée du Nord) possède au moins une grande capacité de nuisance, sinon plus par la possession de l’arme nucléaire.

Pourra-t-on contenir cette extension de la guerre et la laisser dans son cadre régional ou débordera-t-elle de son contexte ? Les risques de débordement doivent être sérieusement pris en considération.

Les Palestiniens, que ce soit l’Autorité Palestinienne, le Hamas ou les autres factions armées sont en position défensive, saignés par des pertes considérables.Affaibli, Hezbollah n’a pas encore perdu sa capacité de frappe ni organisationnelle. Les Libanais souffrent de cette guerre, confrontés à ses fractures internes au moins depuis 2019.

Si l’armée d’Israël conserve une supériorité militaire considérable, sa population, son économie, sa structure sociologique et démographique sont déstabilisés. Même les munitions et certaines armes commencent à manquer. De même les pertes militaires, autant en hommes qu’en matériel ,sapent le moral des troupes.

L’Irak et le Yémen, deux autres pays de l’axe de la Résistance ont aussi subi des frappes israéliennes et américaines. L’Iran aussi est en retrait: son régime est contesté et ses alliés décimés.

Les Américains en « posture » d’arbitres

Les Américains, qui craignent plus que tout l’imprévisible, risqueraient-ils de s’embourber? Jusqu’à maintenant, ce sont les seuls qui semblent avoir gagné des points. Les Américains peuvent se présenter comme étant les seuls à pouvoir « aider » à l’arrêt de la guerre mais aussi à la reconstruction. Evidemment leur objectif camouflé est de dominer entièrement cette région extrêmement riche en matières premières, en marchés potentiels, et de bloquer l’avancée de la Chine vers l’Afrique ou l’Europe.

Il est certain qu’aujourd’hui, quelques jours avant les élections américaines, les Américains peuvent se prévaloir d’avoir affaibli autant leurs alliés que leurs ennemis et pourraient imposer, après le 20 janvier 2025 (date de la prise en charge du nouveau président), leurs règles. Eventuellement pouvoir instaurer le « Nouveau Moyen-Orient » dont ils rêvent depuis des décennies.

Si la guerre continue au-delà des 2 dates fatidiques des 5 novembre 2024 et 20 janvier 2025 et qu’ils n’auront pas réussi à faire cesser le bruit des canons, ils risquent de perdre tout ou partie de ce qu’ils ont gagné jusqu’à aujourd’hui. Si la guerre s’arrête sur un statu quo, ce ne sera que partie remise à dans quelques années. A moins qu’entre-temps, des négociations s’enclenchent et n’aboutissent par la voie du dialogue à des accords entre les différentes factions.

J’espère vivement que cette dernière option aboutisse, car aucune puissance, si puissante soit-elle, n’a aujourd’hui la possibilité de dominer entièrement une région, encore moins celle des Proche- et Moyen-Orient.