Jeudi 24 juillet 2025, le président chinois Xi Jinping a reçu les dirigeants de l’Union européenne à Pékin pour célébrer le 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques.
Lyazid BENHAMI
Zhou En Lai et sir Christopher Soames à Pékin en mai 1975.
En 1975, la Communauté économique européenne engageait des relations formelles avec la République populaire de Chine, alors en pleine transformation interne. Depuis, les deux entités ont profondément évolué : l’Europe a consolidé son intégration politique et monétaire, tandis que la Chine s’est imposée comme une puissance économique majeure. Cette évolution parallèle a naturellement rapproché leurs intérêts dans de nombreux domaines.
Aujourd’hui, l’UE et la Chine sont interdépendantes sur les plans commercial, industriel et technologique. Le commerce bilatéral atteint des niveaux records – près de 740 milliards d’euros en 2023 – et les flux d’investissements réciproques traduisent une dynamique profonde, bien au-delà de la simple complémentarité économique.
Des multiples tensions
Cette interdépendance n’est cependant pas exempte de tensions. Derrière les chiffres, des frictions subsistent: accès asymétrique aux marchés, déséquilibres réglementaires, préoccupations sur les droits de propriété intellectuelle ou encore concurrence technologique exacerbée. L’Europe exige davantage de réciprocité, tandis que la Chine promet l’ouverture. La crédibilité de cette promesse déterminera l’avenir de leur coopération économique.
Mais ces tensions, bien qu’importantes, ne doivent pas occulter la nature systémique de la relation: l’UE et la Chine ne peuvent ni ignorer ni marginaliser l’autre. Elles doivent donc apprendre à « coexister stratégiquement », en bâtissant des garde-fous clairs et durables.
Des défis globaux
Au-delà du commerce, l’UE et la Chine partagent une responsabilité cruciale dans la gestion des biens publics mondiaux. Sur le climat, par exemple, leurs engagements en matière de neutralité carbone – 2050 pour l’UE, 2060 pour la Chine – les positionnent comme des piliers potentiels de la transition écologique mondiale. Avec le retrait relatif des États-Unis des accords climatiques sous l’administration Trump, leur leadership commun devient plus que souhaitable: il est indispensable.
En matière de gouvernance internationale, les deux parties défendent le multilatéralisme. Elles s’appuient sur des institutions comme l’ONU ou l’OMC pour stabiliser les relations internationales, dans un contexte où les règles établies sont souvent contestées. Cette posture partagée peut devenir un levier pour renforcer les normes globales et promouvoir une régulation équitable, notamment dans les domaines émergents comme l’IA, la cybersécurité ou la santé mondiale.
Les échanges culturels, universitaires et scientifiques constituent un socle discret mais essentiel du partenariat UE-Chine. Des projets de recherche communs, des programmes universitaires partagés, et des initiatives artistiques renforcent les liens humains. Ces interactions nourrissent une compréhension mutuelle qui amortit les tensions diplomatiques et alimente une forme de « diplomatie des peuples ».
Construction et lucidité
Le futur des relations sino-européennes dépendra de leur capacité à gérer leurs différences tout en consolidant leurs points de convergence. Le monde entre dans une ère de polycrises – instabilité géopolitique, transformation numérique, transition écologique – qui appelle des réponses collectives. Ni l’Europe ni la Chine ne peuvent y répondre seules.
Cela exige de repenser leur partenariat sur une base stratégique: transparence, dialogue structuré, mécanismes de confiance mutuelle et vision commune de la stabilité mondiale. Il ne s’agit pas d’effacer les désaccords, mais de les inscrire dans un cadre coopératif mature.
« Dans un monde en transition, l’Europe et la Chine ont la responsabilité – et l’opportunité – de devenir des architectes de stabilité, de durabilité et de coopération. »
Célébrer les 50 ans de relations diplomatiques entre l’UE et la Chine, ce n’est pas simplement honorer le passé, c’est poser les fondations d’un avenir commun. Dans un monde en recomposition, leur relation peut devenir un pilier d’équilibre. À condition de conjuguer ambition stratégique et réalisme politique, l’Europe et la Chine ont l’occasion d’écrire ensemble un nouveau chapitre – plus lucide, plus exigeant, mais surtout porteur d’avenir.