Soudan, les Forces de Soutien Rapide détiennent des esclaves sexuelles

Sudan's paramilitary Rapid Support Forces commander, General Mohamed Hamdan Daglo (Hemedti), now de facto deputy military leader, attends a meeting of representatives of the tripartite mechanism in the Sudanese capital Khartoum on June 8, 2022. (Photo by ASHRAF SHAZLY / AFP)

Des combattants des Forces de soutien rapide (RSF) du gnééral Hemetti, soutenu par les Émirats et le Tchad,  ont violé des dizaines de femmes et de filles, y compris dans un contexte d’esclavage sexuel, dans l’État du Kordofan du Sud, au Soudan, depuis septembre 2023

(Nairobi, le 16 décembre 2024) – Des combattants des Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) et des milices alliées ont violé des dizaines de femmes et de filles, y compris dans un contexte d’esclavage sexuel, dans l’État du Kordofan du Sud, au Soudan, depuis septembre 2023, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces actes de violences sexuelles, qui constituent des crimes de guerre et peuvent constituer des crimes contre l’humanité, soulignent le besoin urgent d’une action internationale efficace pour protéger les civil·e·s et rendre justice.

Une femme de l’ethnie Nouba, âgée de 35 ans, a raconté que six combattants RSF portant des uniformes beiges ont fait irruption dans la propriété de sa famille et qu’un homme lui a dit : « Toi la Nouba, c’est ton jour aujourd’hui. » Elle a ensuite été violée collectivement par ces hommes. « Mon mari et mon fils ont essayé de me défendre, alors l’un des combattants RSF leur a tiré dessus et les a tués. Puis ils ont continué à me violer, tous les six », a-t-elle ajouté.

« Les survivantes ont décrit avoir subi des viols collectifs, devant leur famille ou pendant de longues périodes, y compris alors qu’elles étaient détenues comme esclaves sexuelles par des combattants RSF », a déclaré 
Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Les États membres des Nations Unies et de l’Union africaine devraient agir d’urgence pour aider les survivantes, protéger les autres femmes et filles et garantir la justice pour ces crimes odieux. »

En octobre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 93 personnes en face à face et à distance, dont 70 dans des camps informels de personnes déplacées dans la région des monts Nouba dans l’État du Kordofan du Sud, actuellement sous le contrôle du groupe armé Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (Sudan People’s Liberation Movement-North, SPLM-N). Les forces RSF, qui se battent contre l’armée nationale, les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF), pour le contrôle du pays, sont également engagées dans des hostilités contre le SPLM-N. Les chercheurs ont interrogé sept survivantes de viol, dont une qui a indiqué avoir été détenue avec 50 autres femmes et violée de manière répétée pendant trois mois. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec 12 personnes qui ont déclaré que leurs proches ou leurs amies avaient été violées, souvent lors d’incidents dont elles ont été personnellement témoins.

Au total, les survivantes et d’autres témoins ont fourni des informations sur 79 filles et femmes, âgées de 7 à 50 ans, qui ont indiqué avoir été violées. La plupart des cas documentés étaient des viols collectifs qui ont eu lieu depuis le 31 décembre 2023, dans et autour de la ville de Habila et dans une base des forces RSF ; certains cas concernaient aussi des victimes de la ville de Fayu, située à environ 17 kilomètres au sud de Habila, dans le Kordofan du Sud.

Les survivantes et les témoins ont expliqué que les assaillants étaient tous des membres des force RSF en uniforme, ou des membres de milices alliées, et quelques survivantes ont indiqué qu’elles connaissaient certains des hommes par leur nom au sein de la communauté. Parmi les cas documentés par Human Rights Watch, des combattants RSF ont violé 14 femmes et filles chez elles ou chez des voisins, souvent devant des membres de leur famille. Dans cinq de ces cas, les agresseurs ont violé les femmes et les filles après avoir tué ou menacé leurs proches.

Dans un récent 
rapport publié le 10 décembre, Human Rights Watch a documenté des meurtres à grande échelle, des enlèvements et des blessures subis par les civil·e·s, ainsi que des pillages et des incendies généralisés, à Habila et à Fayou et autour de ces villes. Ces abus et les violences sexuelles ont été perpétrés dans le cadre d’attaques généralisées commises par les RSF contre des populations civiles dans le Kordofan du Sud.

Une jeune femme âgée de 18 ans a raconté qu’en février, des combattants RSF l’ont emmenée avec 17 autres femmes et filles de Fayu vers une base militaire, où elles ont été détenues avec un groupe de 33 femmes et filles déjà présentes. Sous le contrôle total de leurs ravisseurs appartenant aux RSF, ces femmes et ces filles ont été détenues dans des conditions d’esclavage, parfois même enchaînées les unes aux autres. Tous les jours pendant trois mois, les combattants ont violé et battu les femmes et les filles, y compris cette survivante âgée de 18 ans ; ces crimes constituent aussi une forme d’esclavage sexuel. 


Aucune des femmes interrogées n’a l’espoir de voir ses agresseurs tenus pour responsables. L’une d’elles a expliqué : « Il n’y a rien que nous puissions faire pour obtenir justice. Je dois uniquement m’en remettre à Dieu. »

Le 25 novembre, Human Rights Watch a transmis un résumé de ses conclusions ainsi que des questions connexes au général Mohamed Hamdan Dagalo, le commandant des forces RSF, mais n’a reçu aucune réponse.

Les constatations de Human Rights Watch font écho à celles d’un récent rapport de la Mission internationale indépendante d’établissement des faits des Nations Unies pour le Soudan, qui 
a conclu que les forces RSF commettent des violences sexuelles à grande échelle, dont de nombreux cas d’esclavage sexuel. Human Rights Watch a précédemment  documenté le viol de dizaines de femmes et de filles par les RSF au Darfour en 2023, ainsi que des violences sexuelles généralisées, en lien avec le conflit, commises par les RSF et, dans une moindre mesure, par les SAF à Khartoum et dans les villes voisines depuis que les combats ont éclaté entre ces deux forces en avril 2023.

Les violences sexuelles liées aux conflits, en tant que violation grave du droit international humanitaire, ou droit de la guerre, constituent un crime de guerre. Les violences sexuelles peuvent constituer des crimes contre l’humanité lorsqu’elles sont commises dans le cadre d’attaques généralisées ou systématiques contre une population civile, a précisé Human Rights Watch. Lorsque des personnes sont détenues dans des conditions d’esclavage – c’est-à-dire lorsque leurs ravisseurs exercent un contrôle s’apparentant au droit de propriété sur elles – et sont soumises à des violences sexuelles, cela constitue de l’esclavage sexuel.

L’ONU et l’UA devraient déployer d’ urgence une mission pour protéger les populations civiles au Soudan, mandatée et dotée de ressources pour lutter contre les violences sexuelles, en incluant la prévention, la documentation et la fourniture de services exhaustifs à toutes les survivantes. Les États membres de l’ONU devraient également renforcer leur soutien à la mission d’établissement des faits de l’ONU, ainsi que l’a 
recommandé le Secrétaire général, afin de contribuer à ouvrir la voie à une responsabilisation efficace.

« Ces recherches mettent en évidence ce que nous entendons depuis un certain temps sur l’ampleur des violences sexuelles au Soudan : les RSF ne cessent de faire irruption dans des foyers et de violer des femmes et des filles », a conclu Belkis Wille. « Pourtant, jusqu’à présent, les victimes soudanaises ont à peine bénéficié de services, et encore moins de voies de recours ou d’actions efficaces pour mettre fin à ces crimes horribles. »