Difficile de dire aujourd’hui qui du président de transition Mahamat Idriss Deby ou du Premier ministre Succès Masra bénéficie du soutien de la France pour la présidentielle qui a lieu ce lundi 6 mai prochain au Tchad.
Entre les deux candidats à la présidentielle tchadienne, Emmmanuel Macron penche pour Mahamat Idriss Deby qu’il a récemment reçu à déjeuner à deux reprises à l’Elysée et auquel il a donné son feu vert, en « parrain » attentif, pour qu’il se présente à la Présidentielle.
Rappelons nous qu’après la mort subite du président Idriss Deby, le 20 avril 2021, à la suite de tirs mal identifiés alors qu’il commandait son armée contre les rebelles dans le Nord du pays, un thèse avait prévalu alors auprès des autorités françaises: l’enjeu essentiel de cette succession était moins de veiller au respect de l’Etat de droit au Tchad que d’assurer la stabilité du pays à tout prix. Une stabilité en trompe l’oeil, comme on peut le craindre aujourd’hui, alors que l’opposant et actuel Premier ministre, Succès Masra, a durci le ton en cette fin de campagne et croit en sa victoire dimanche.
Tchad – Succès Masra croit en sa bonne étoile
Emmanuel Macron, un protecteur embarrassé
Le président français qui considère le Tchad comme son meilleur allié en Afrique s’était pourtant déplacé pour adouber le fils du dictateur Idriss Déby, Mahamat Deby. Ce dont Emmanuel Macron aurait pu se dispenser. Ainsi soutenu, le fils Déby ne tardait pas à suspendre le fonctionnement normal des institutions tchadiennes pour une durée théorique de dix huit mois dans un coup d’état de père en fils qui ne disait pas son nom.
Or le jeudi 20 octobre 2023, alors que Mahamat Déby venait d’annoncer une prolongation de cette « transition » bien peu démocratique pour une durée de deux ans, une manifestation massive de l’opposition est réprimée avec une rare brutalité. Résultat, les forces de sécurité tirent sur la foule, cinquante personnes sont tuées. Le Quai d’Orsay « condamne » la répression du régime, sans un mot pour les victimes.
Et la porte parole du ministère français des Affaires Etrangères d’ajouter de façon inhabituelle: « la France n’a joué aucun rôle dans ces événements qui relèvent de la politique intérieure tchadienne ». On ose l’espérer! Cette déclaration traduit bien la gène du pouvoir français, « parrain » embarrassé du pouvoir tchadien.
La DGSE vote Deby
La France, qui a été à la manœuvre dans la formation du tandem Deby/Masra à la tête du Tchad, ne vote pas unanimement pour un seul candidat. Au nom de la stabilité et de la continuité, les armées françaises et la direction de la sécurité extérieure (DGSE, renseignements extérieurs) votent pour Mahamat Idriss Deby, le fils de l’ancien dictateur et ami de la France auquel il a succédé dans une sorte de coup d’état familial.
Notre ami Deby fa d’ailleurs confirmé qu’il restait au Sahel un allié sûr du lobby militaire et des services en offrant aux soldats français chassés du Niger une porte de sortie. Un choix dans la pure tradition héritée de son père Idriss Deby Itno, fidèle parmi les fidèles des armées et des services français.
Le Quai d’Orsay pro Masra
Pour les diplomates du Quai d’Orsay, le Premier ministre et ex opposant Succès Masra apparait le choix le plus judicieux. Il incarne mieux le discours d’alternance que la France soutient, après plus de 34 années de pouvoir Deby fils et père à la tête du Tchad. Les diplomates sont également plus à l’aise avec Masra parce qu’il leur évite le reproche du double standard régulièrement fait à la France.
Paris en effet peut soutenir Mahamat Deby, au pouvoir après un coup de force, tout en ferraillant au quotidien contre Assimi Goïta au Mali, Ibrahim Traoré au Burkina Faso et Abdourahamane Tiani au Niger, sous prétexte qu’ils sont en place après un coup d’état. Cette même France s’accommode du « bon coup d’Etat » au Gabon et en Guinée-Conakry, mais fustige le « mauvais coup d’Etat » au Burkina Faso, au Mali et au Niger.
Mahamat Deby ou Succès Masra à la tête du Tchad après les élections, ce ne sera pas bonnet blanc ou blanc bonnet pour la France qui a souhaité publiquement maintenir sa présence militaire au Tchad contrairement aux Américains qui ont déja a morcé un retrait. À l’heure où le précarré français au Sahel, du Mali au Niger et au Burkina, a disparu dans une trappe, l’armée française, présente à N’Djanemadepuis un siècle, maintiendra-t-elle son alliance avec le Tchad après laPrésidentielle? Une certitude, une certaine fébrilité est manifeste,cesderniers jours, à Paris sur le devenir de la transition tchadienne.