L’ancien président ivoirien estime qu’un simple acte administratif suffirait à le réinscrire sur la liste électorale avant la prochaine élection présidentielle prévue dans un peu moins de deux ans et attend, sans vraiment l’avouer, que son successeur le rendre éligible comme lui l’avait fait à son égard le 27 avril 2005.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
REJOIGNEZ LA CHAINE WHATTSAPP DE MONDAFRIQUE
https://whatsapp.com/channel/0029VaGzyWS1noyxUdC89Z1c
On est en avril et c’est peut-être le moment où les dieux peuvent être cléments en Côte d’Ivoire. En tout cas, c’est aussi ce que doit logiquement espérer Laurent Gbagbo qui veut que son nom soit re-inscrit sur la liste électorale par le biais d’un simple acte administratif. Comme lui-même le fit pour Alassane Ouattara qui devint éligible le 27 avril 2005 grâce aux immenses pouvoirs de l’article 48 de la Constitution.
L’ancien président ne veut donc pas judiciariser cette affaire qui serait, de toute façon, du bain bénit pour ses adversaires qui l’attendent sur ce terrain pour faire traîner sa demande. C’est pourquoi Gbagbo a choisi de faire monter directement la pression sur le président ivoirien qui a tout intérêt à ce que la Côte d’Ivoire soit en paix à moins de deux ans de l’élection présidentielle prévue en 2025. Au titre de cette pression, le parti de Gbagbo a envoyé, le 15 mars dernier, un courrier pour demander des discussions politiques au régime du RHDP sur le cas Gbagbo. Parallèlement, les cadors du Parti des peuples africains (PPA-CI) multiplient des déclarations, soit pour démontrer que le PPA-CI n’a pas de plan B et n’envisage pas « d’alternative à Gbagbo », soit pour dénoncer la vacuité de l’accusation selon laquelle l’ancien président se serait rendu victime d’un casse au préjudice de la Bceao durant la crise postélectorale.
La paix n’est pas un vain mot, c’est un geste attendu de Ouattara
Les militants du PPA-CI considèrent également la solution politique comme l’approche la plus efficace pour remettre Gbagbo dans le jeu électoral sans mettre en danger la paix sociale puisque lui-même avait fait de même pour Alassane Ouattara. Toutefois, Ouattara continue d’opposer une omerta de rigueur à cette demande dans la mesure où ses services n’ont pas encore répondu au courrier du PPA-CI. En conséquence, Laurent Gbagbo est de nouveau monté au créneau en profitant, le 13 avril 2024, de la tribune du comité central extraordinaire de son parti pour rappeler les deux enjeux majeurs des mobilisations à venir. A savoir : assurer son éligibilité, l’inscrire sur la liste électorale ne suffisant pas, et décocher grâce à cela la victoire finale en 2025.
L’ancien président ivoirien sait en effet jouer de l’odeur de la victoire puisque cette déclaration a été longuement ovationnée par les militants. Alors que la victoire d’Ousmane Sonko au Sénégal avait semblé écorner la légitimité de Gbagbo qui aura 80 ans en 2025 (Ouattara, lui, en aura 83) et ragaillardi, de fait, ceux qui espéraient la promotion d’un candidat plus jeune, la « Fête de la renaissance » a totalement retourné les rapports de forces internes et le peuple du PPA-CI est de nouveau mobilisé derrière son chef historique. Désormais comme lui, Gbagbo ne veut pas que sa retraite politique ait un goût d’amertume. C’est pourquoi « il a décidé de faire face à cet ultime défi », admettent ses partisans lorsqu’on les interroge.
Le PDCI peut-il être un allié sûr ?
Ce risque est d’autant plus réel que la position attentiste de Tidjane Thiam semble indiquer que le nouveau président du PDCI-RDA hésite à marcher dans les pas de son prédécesseur, feu Henri Konan Bédié, qui, en juillet 2019, avait clairement amorcé un processus d’alliance avec Gbagbo. Dans les rangs du RHDP, toujours présidé par Alassane Ouattara, on se prend à rêver que le PDCI-RDA version Tidjame Thiam, reviendra dans l’alliance avec le RHDP, au nom de l’héritage d’Houphouët-Boigny.
En tout cas, Laurent Gbagbo continue de croire en ses chances. Selon son entourage, il n’a pas exclu de réunifier son camp avec cette grande échéance qu’il ne veut pas perdre. De sorte que la perspective de voir la gauche ivoirienne unie derrière Gbagbo est encore une hypothèse beaucoup plus sérieuse que ce que l’on pourrait penser. Parce que ses anciens partenaires ont également tout à gagner, expliquait récemment en petit comité un membre du comité de contrôle.
Pour ce militant de la première heure, rien n’est donc perdu même si le PDCI-RDA et le RHDP se rabibochaient dans les prochains mois. Le contexte international et sous-régional constitue, pour lui, autant de motifs d’espoir. Parce que, martèle Laurent Gbagbo, « les Africains ne veulent plus confier leur destin à la France et à l’Occident. Ils voient ce qui se passe en Ukraine et savent plus que jamais que les Occidentaux auraient pu financer leur développement s’ils l’avaient voulu ». En quoi il n’a pas tort.