Nos révélations sur des trahisons au sein du Front de libération de l’Azawad 

C’est une histoire de trahison à l’intérieur d’un groupe armé touareg déchiré à mort par l’accélération du conflit au Nord du Mali depuis 2023. Une histoire de trahison qui a coûté la vie à Fahad Ag Almahmoud, tué par une frappe de drone au petit matin du 1er décembre 2024, le lendemain de la création du Front de Libération de l’Azawad (FLA), comme Mondafrique l’avait raconté. Un pacte d’honneur qui n’a pas été respecté avait été conclu par les chefs des principaux mouvements touareg et maures de la région  

Le cerveau du complot découvert tout récemment est un chef d’unité du GATIA, le Groupe d’autodéfense des Touareg Imdhad et alliés, le groupe loyaliste d’auto-défense que Fahad Ag Almahmoud avait créé avec son aîné El Hadj Gamou, dont il était le bras droit depuis 2012 jusqu’à leur rupture récente, lors de la reprise des combats entre l’armée malienne et les groupes du nord. A ce moment-là, les combattants avaient dû choisir leur camp. On ne pouvait être qu’avec ou contre Bamako.

Le général Gamou, désormais gouverneur de Kidal, a continué d’exercer son autorité sur une partie des hommes, tandis que d’autres ont préféré suivre Fahad Ag Almahmoud qui se retourne contre les forces armées maliennes et leurs alliés russes de Wagner, qui subissent des revers cuisants (voir ci dessous).

Cris de liesse après l’attaque du convoi russe carbonisé à Tinzawaten

Mossa Ag Emandjal, accusé le 10 mai de trahison par le mouvement, était de ceux qui avaient au départ rejoint la rébellion. Il s’est fait arrêter dans les derniers jours d’avril alors qu’il tentait de soudoyer – moyennant 500 millions de francs CFA – les combattants du FLA qui tenaient prisonniers deux Russes après es combats de Tinzawaten, où avait été décimé le 27 juillet 2024 un convoi des forces armées maliennes et de leurs alliés russes.

Dans un communiqué publié le 10 mai, le FLA a félicité ses «services de renseignement» qui ont «réussi à découvrir, infiltrer et démanteler une cellule d’espionnage et de sabotage opérant au profit de la junte de Bamako.»

Et la rébellion touareg d’expliquer: «Les individus interpellés ont reconnu avoir transmis à l’ennemi un nombre important des coordonnées de positions des forces de l’Azawad dans le but de les cibles à l’aide de drones. Ils avaient également tenté d’identifier l’emplacement de prisonniers FAMA et Wagner détenus par le FLA. Pour ce faire, ils avaient organisé une large tentative de corruption des gardes moyennant d’importantes sommes d’argent. « La manoeuvre a pu échouer grâce au patriotisme et au professionnalisme des forces de sécurité du Front ayant infiltré la fameuse cellule d’espionnage depuis sa création ».

Trahison et collaboration avec l’ennemi

Le FLA promet de «traduire devant la justice» les personnes arrêtées «dès la fin des investigations» pour qu’elles répondent «de leurs actes de trahison et de collaboration avec l’ennemi.» Les combattants de l’Azawad rendent la justice localement par l’intermédiaire de leurs cadis (juges traditionnels islamiques).

Selon des sources de Mondafrique, Mossa Ag Emandjal aurait avoué être à l’origine du renseignement qui a permis la frappe dans laquelle Fahad a perdu la vie. A l’époque, les témoins avaient rapporté que le drone semblait le cibler particulièrement et l’avait pris en chasse lorsqu’il s’était enfui en courant, au point de se demander s’il ne portait pas une puce ou une balise à son insu. Dans le même périmètre, sept autres notables et combattants avaient péri également ce jour-là dans une autre frappe de drone. 


Mossa Ag Emandjal aurait dénoncé le gendre du général Gamou, Klima Ag Ouffen, comme étant le commanditaire de l’opération, probablement montée et financée par la sécurité d’Etat malienne. Les têtes des autres personnalités clé du FLA, en particulier Bilal Ag Acherif et Alghabas Ag Intallah, seraient également mises à prix dans le cadre du même complot.

Fahad Ag Almahmoud, cible prioritaire

Fahad Ag Almahmoud tué au Mali: le chef touareg devenu une légende

Si Fahad Ag Almahmoud a été tué le premier, c’est parce qu’il était à la fois le plus facile à atteindre, par ses anciens camarades de lutte passés à l’ennemi, mais aussi l’une des cibles prioritaires, à cause de son influence sur le GATIA, le redouté groupe d’auto-défense.

En effet, le GATIA a combattu durant des années aux côtés des forces armées maliennes contre les indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) puis contre l’Etat islamique au Grand Sahara. Certains voyaient d’ailleurs dans le GATIA une milice supplétive de l’armée nationale, mieux placée qu’elle sur le plan communautaire et géographique pour frapper ses ennemis «de l’intérieur.» Le GATIA est la force militaire qui a fait le plus de dégâts au MNLA jusqu’en 2018.

Le basculement de l’ancien secrétaire général du GATIA dans l’autre camp en 2023 a donc été perçu à Bamako comme une menace brûlante. Reste que l’implication soupçonnée du général Gamou dans le meurtre de son ancien secrétaire particulier, bras droit et quasi frère éclaire cet  assassinat d’une lueur particulièrement sordide.