La plupart des adversaires du Président malgache Andry Rajoelina, candidat à sa succession, exigent l’annulation de l’élection présidentielle. Tel n’est pas le cas de Siteny Randrianasoloniaiko, qui devient le principal challenger du scrutin du 14 novembre, en bénéficiant de soutiens forts aussi bien aux Émirats qu’en Russie.
Siteny Randrianasoloniaiko est le plus souvent désigné par son seul prénom. 47 ans, une voix forte et une carrure d’athlète, Siteny est champion de judo, président de la fédération malgache et de l’Union Africaine de judo, autant de titres qui vont expliquer pourquoi le principal opposant malgache a aujourd’hui accès à Poutine, judoka lui aussi..
Siteny est un ancien du parti présidentiel et sa notoriété est réelle dans le Sud de Madagascar, très pauvre et méprisé depuis l’Indépendance. Avec son assise régionale, il espère peser face aux candidatures des caciques de la classe politique malgache, dont Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009 et candidat de nouveau à la Présidence, du moins jusqu’à la décision récente des opposants de boycotter le scrutin.
Tout en ayant financé grâce à des fonds venus de Dubai, le 20 octobre, un immense rassemblement au Colisée d’Antsonjombe pour le compte des onze candidats d’opposition à la présidentielle, Siteny s’est démarqué très vite de ses alliés d’un jour. Dans une récente déclaration commune, le collectif des opposants avait décidé en effet qu’ils s’opposaient à la tenue de l’élection présidentielle le 16 novembre prochain, en se tirant une balle dans le pied.
En revanche, Siteny Randrianasoloniaiko n’a pas hésité à tourner casaque et à partir en campagne seul contre le Président sortant. N’avait-il pas débuté sa campagne avant l’heure et avec des moyens considérable? Ne dispose-t-il pas désormais d’une équipe nombreuse, de gardes du corps impassibles face aux menaces, d’un avion et d’hélicoptères, et aussi d’un solide trésor de guerre?
Des appuis émiratis
Siteny Randrianasoloniaiko, le candidat n°13 d’une élection qui comptait treize postulants au départ, a choisi Vohémar au nord du pays pour lancer sa campagne électorale officielle, non sans avoir assuré ses arrières financiers par de nombreux déplacements à l’étranger. En France en revanche, il n’est guère attendu. Seul l’infatigable Jean Pierre Raffarin, l’ami et l’obligé de Pékin, l’a rencontré.
Dès le mois de mars 2023, Siteny Randrianasoloniaiko s’était déplacé à Dubaï où un malgache discret, gros propriétaire immobilier, l’avait assuré de l’appui de REALTV, une chaîne incontournable du paysage audiovisuel à Madagascar. Souvent victime de brouillages, ce media a su s’imposer auprès du public malgache, en cautionnant la posture de Siteny candidat des pauvres.
Malgré ces connexions avec les puissants Émiratis, un « Siteny » très conciliant dans sa recherche de soutiens étrangers a rencontré les Qataris, dont le Premier ministre devenu incontournable en Afrique, Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim al-Thani. Par ailleurs, « Siteny » parvient à être reçu par le Pape et se crée un réseau d’appui catholique américain.
Un soutien russe discret
Après l’interférence russe dans l’élection 2018, détaillée par le New York Times, les Russes restent toujours à Madagascar à la recherche d’un candidat idéal, qui puisse leur offrir des contreparties minières contre un soutien international. « Siteny » pourrait être celui là .
Longtemps dirigé par Yevgeny Prigozhin, aujourd’hui décédé, le groupe Wagner détiennent des intérêts économiques ou mènent des opérations d’influence politique dans sept autres pays africains, dont Madagascar. Or un rapport publié le 16 février 2023 par l’organisation Global Initiative Against Transnational Organized Crime, évoque une rencontre entre Siteny et un recruteur russe lié à Wagner.
La lettre confidentielle fort bien informée et basée à Paris, « Africa Intelligence », va beaucoup plus loin dans la description des liens qui uniraient le candidat à la Présidentielle aux intérêts russes. Les réseaux financiers de « Siteny » passent en effet par l’homme d’affaires roumain Marius Vizer Jr. » C’est avec ce dernier, écrit « Africa Intelligence » qu’il co dirige Liberty Madagascar depuis plus de dix ans. La société achète et exporte des minerais industriels (chrome, mica, cuivre), des pierres précieuses (saphir, rubis et diamant), ainsi que de l’or.détient deux entreprises établies à Madagascar en son nom propre. »
Détail supplémentaire qu’apportent nos confrères d' »Africa Intelligence », le père de Marius Vizer Jr, président de la Fédération internationale de judo (FIJ), est l’intime du premier cercle de Vladimir Poutine, judoka lui-même. Un hasard qui fait bien les choses, « Siteny », adepte lui aussi de ce sport, est le vice président de la FIJ.
Dans ces conditions, la diplomatie française penche, le 14 novembre, en faveur de l’actuel président Andry Raojelina, qui était reçu à l’Élysée au printemps dernier! « Monsieur le président, lui déclarait Emmanuel Macron publiquement, je souhaitais vous dire l’amitié qui lie nos deux pays, vous renouveler aussi mon attachement à ce que vous réussissiez là où vous êtes, et mon attachement personnel à la réussite des projets que vous avez à conduire au service de votre peuple ».
Si ce n’est pas un soutien du Président français vent debout contre l’influence russe en Afrique, cela y ressemble.