Les habitants de Huwara (Cisjordanie) sont en état de choc après la nuit de violences qu’ils ont subi dans la nuit du 25 au 26 février. Plusieurs centaines de résidents juifs des colonies voisines ont pris d’assaut Huwara, en brulant des dizaines de véhicules, en pénétrant de force dans des habitations pour y mettre le feu et en brutalisant toutes les personnes rencontrées.
La localité palestinienne de Huwara doit être rasée, a affirmé Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances qui est à la tête du parti d’extrême-droite Sionisme religieux. Une phrase qui a entraîné des réactions en chaîne au sein de l’opposition israélienne et de nombreux pays, dont les États-Unis.
Cette attaque a fait un mort palestinien et 390 blessés.
Cette attaque est une première dans l’histoire des relations israélo-palestiniennes
Pour la première fois dansl’histoire israélienne, une action concertée a mis face à face des civils contre des civils, l’armée pourtant proche semble avoir refusé d’intervenir. Jusqu’à présent : chaque fois que des violences étaient commises contre les habitants juifs des implantations de Cisjordanie, c’était l’armée et la police israéliennes qui pourchassaient les agresseurs, les emprisonnaient et détruisaient leur maison. Là, la police et la justice ont été le fait de civils eux-mêmes.
Une culture de la violence
Cette nuit d’émeute infligée à un village arabe de 7 000 habitants s’inscrit dans une continuum. Huwara est depuis longtemps un foyer de violence entre Israéliens et Palestiniens. Le village est situé le long de la Route 60 qui serpente à travers la Cisjordanie. Les Palestiniens d’Huwara caillassent au quotidien les voitures des Israéliens qui empruntent cette route.
Le 26 février, un habitant de Huwara a froidement abattu Hallel Yaniv, 22 ans, et Yagel Yaniv, 20 ans, deux frères coincés dans un embouteillage. Ce double meurtre suivi comme chaque fois par des festivités, des feux d’artifice et des distributions de friandises et de gâteaux au sein de la population arabe locale, a connu une riposte inattendue. Les juifs ont investi le village la nuit et ont incendié des voitures et brisé les vitres des commerces de Huwara.
Le double meurtre des frères Yaniv par un habitant de Huwara s’inscrit dans le mouvement de révolte palestinienne qui a débuté il y a environ un an et demi et dont l’épicentre se situe dans les villes arabes de Jénine et Naplouse en Cisjordanie. Le Shin Bet, le service de sécurité intérieure d’Israël, a signalé 158 incidents de cocktails Molotov lancés sur des Israéliens et 24 attaques par balle pour le seul mois de janvier. Sur une base quasi quotidienne l’armée israélienne et les services de police investissent Jénine et Naplouse et les villages environnants pour arrêter des cellules de clandestins qu’ils qualifient de terroristes. Pour l’armée, il s’agit d’enrayer la révolte avant qu’elle ne se généralise.
Crise nationale en Israel.
En revanche, l’attaque d’Huwara par les habitants des implantations a aussi représenté un choc pour une grande partie de la population israélienne. D’autant qu’Israël est aujourd’hui profondément clivé par la réforme du système judiciaire. Cette réforme qui vise à réduire le pouvoir de la Cour Suprême que la droite de gouvernement considère comme trop intrusive a provoqué une révolte de la gauche et des élites urbaines israéliennes. Semaine après semaine, la gauche manifeste contre ce qu’elle considère être le « meurtre de la démocratie » et contre des ministres qui sont issus des implantations juives de Cisjordanie.
Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, qui est un chef de file du mouvement des implantations et président du Parti du sionisme religieux, a déclaré mercredi 1er mars que « le village de Huwara devrait être effacé », mais il a ajouté : « Je pense que l’État d’Israël devrait être le seul à le faire, pas des particuliers ».
Smotrich qui est partisan de l’annexion d’une partie de la Cisjordanie, a été vivement critiqué par les élus de l’opposition et a corrigé le tir en affirmant qu’il voulait seulement exprimer son soutien à une action ciblée contre les terroristes.
Le premier ministre Netanyahu a a solennellement déclaré que les citoyens d’Israël devaient s’abstenir de faire justice eux-mêmes.
Lignes jaunes
L’attaque contre Huwara n’a pas manqué non plus d’être internationalisée. Le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré que les propos de M. Smotrich étaient « répugnants » et constituaient une incitation à la violence. Le dirigeant américain a appelé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à les condamner.
Ned Price a ajouté mardi que Washington s’attend à ce qu’Israël poursuive les émeutiers et indemnise les maisons et les biens perdus. Lundi, le Département d’État américain a publié un rapport mondial sur le terrorisme indiquant les forces de sécurité israéliennes empêchaient rarement les attaques des colons juifs contre les Palestiniens ou arrêtaient ceux qui les commandaient.
L’espoir d’Aqaba
Fin février 2023, un sommet, le premier du genre, a réuni des responsables d’Israël, de l’Autorité palestinienne, d’Égypte, des États-Unis et de la Jordanie, tous assis autour d’une même table à Aqaba, dans le sud de la Jordanie, pour évoquer les questions de sécurité. Les pays arabes qui ont signé un traité de paix avec Israel sont aujourd’hui conscients que la violence qui sévit en Cisjordanie peut s’étendre partout.
Les pays arabes riverains d’Israël sont d’autant plus conscients du rayonnement possible de cette violence qu’elle est en partie financée et fomentée par le Hamas et le Jihad Islamique Palestinien, eux-mêmes financés et armés par l’Iran. Même si les cellules terroristes de Jénine et Naplouse ne sont pas directement reliées à l’Iran, c’est quand même ce pays qui les arme et les soutient indirectement, à travers le Hamas et le Jihad Islamique Palestinien.
La nuit de violence qui a touché le village de Huwara ne peut que conforter les régimes arabes qu’il est urgent d’agir pour calmer les esprits.
Agir mais pour faire quoi ?
Le pire est qu’aucun signe positif ne semble émerger de cet entrelacs de contradictions et de violence. Entre un Israel profondément divisé sur des questions de politique intérieure et les pressions internationales qui vont croissant, il est difficile de discerner une quelconque issue qui puisse enrayer la spirale de la violence.