En raison de son rôle dans le violent dénouement de la crise ivoirienne et plus particulièrement dans la chute de l’ancien président Laurent Gbagbo, la condamnation définitive de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison dont un an ferme dans l’affaire dite des écoutes par la justice française, n’est pas passée inaperçue.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
A Abidjan, ceux qui suivaient les déboires judiciaires de Nicolas Sarkozy en France pour corruption et trafic d’influence se comptaient sur le bout des doigts d’une seule main. Probablement parce que « ces gens ont toujours de bons avocats et savent passer entre les mailles des filets », a affirmé un ancien haut cadre de l’administration de Laurent Gbagbo pour justifier le désintérêt. Ou encore parce que, sur le fond, « c’est toujours un spectacle dont on connaît l’issue », a dit un autre.
Pour un certain nombre d’Ivoiriens en revanche, c’est « un grand soulagement » de voir le successeur de Jacques Chirac passer une année dans une cellule de prison avec un bracelet automatique au pied. Selon son avocat, Me Spinosi, Nicolas Sarkozy « se conformera à la sanction prononcée », même s’il va néanmoins saisir « dans les semaines à venir » la Cour européenne des droits de l’homme « pour obtenir la garantie des droits que les juges français lui ont déniée », quoique cette saisine n’empêche pas l’exécution de la peine.
Un ennemi de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique
Ancien ministre des infrastructures économiques et porte-parole du gouvernement de Laurent Gbagbo, Ahoua Don Mello, vice-président du Parti des peuples africains (PPA-CI), parti dirigé par l’ancien président, a affirmé que « c’est un ennemi de la gauche ivoirienne et de l’Afrique souveraine qui vient d’être neutralisé », ce qui est « une bonne chose même », a-t-il ajouté même s’il reconnaît que cette « peine est sans commune mesure avec ses crimes commis en Côte d’Ivoire, en Libye et au sahel suite aux massacres que continuent de perpétrer les djihadistes après la chute de Kadhafi. »
Nicolas Sarkozy avait joué un rôle majeur dans la chute de Laurent Gbagbo en avril 2011, se gargarisant auprès des médias occidentaux d’avoir fait sortir Gbagbo pour Alassane Ouattara. La crise ivoirienne est née à la suite d’une intervention directe de Sarkozy dans le processus électoral ivoirien. Il avait, sans qu’il n’en ait le droit, demandé par écrit à la Commission électorale indépendante de proclamer les résultats du scrutin alors que celle-ci avait perdu la main en raison des délais impartis.
Le président de la Commission Youssouf Bakayoko finira quand même par proclamer les résultats dans le QG d’Alassane Ouattara avant que la France n’intervienne militairement. 18.000 civils officieusement sont morts pendant les affrontements à Abidjan et dans plusieurs villes du pays, tandis que seulement 3.000 ont été annoncés, la presse française et bientôt du monde entier désignant Laurent Gbagbo comme le seul coupable de leur décès.
Nul n’est au-dessus de la loi
En octobre dernier, Robert Bourgi, un ancien conseiller officieux de Nicolas pour l’Afrique avait expliqué le niveau d’engagement de l’ex-président dans les événements qui se sont déroulés en Côte d’Ivoire. Il l’avait appuyé d’une anecdote selon laquelle M. Sarkozy aurait promis dans un accès de colère incontrôlable de vitrifier l’ancien président lorsque celui-ci avait refusé de quitter le pouvoir à sa demande.
Mais cette condamnation de Nicolas Sarkozy a également fait réagir du parti ou des proches de Laurent Gbagbo. Un cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), parti qui avait soutenu Alassane Ouattara au 2è tour de l’élection de 2010, Jean-Yves Esso a estimé que cette « condamnation sonne comme un signal fort » selon lequel personne, même au plus haut niveau, n’est au-dessus des lois. »
Pour lui, la condamnation définitive de Nicolas Sarkozy « ternit l’image politique de l’ancien président et suscite des interrogations sur le fonctionnement de la démocratie française » face ses « zones d’influence en Afrique subsaharienne avec en point d’orgue, la Côte d’Ivoire de Ouattara. »
La décision dans cette affaire, aussi appelée « Bismuth », intervient alors que l’ancien locataire de l’Elysée doit comparaître à partir du 6 janvier, et pour quatre mois, devant le tribunal de Paris, dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle 2007. En Côte d’Ivoire, elle intervient à 11 mois d’une élection présidentielle capitale pour laquelle le président sortant, ami de toujours de Nicolas Sarkozy, pourrait briguer un quatrième mandat au mépris de la loi électorale ivoirienne qui prescrit que le président de la République sortant est rééligible une fois.
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