Présenté en 2017 comme l’homme le plus riche d’Afrique noire francophone avec une fortune alors évaluée à 557 milliards de Francs CFA, l’homme d’affaires rencontre depuis quelques années des difficultés dans ses investissements. Des écueils susceptibles d’entamer sa crédibilité.
Le 5 Septembre 2022, on apprenait que la justice camerounaise ordonnait à certaines banques d’exécuter des saisies conservatoires à hauteur de 259 milliards FCFA sur des sociétés « apparentées » ciblées par le milliardaire camerounais Ahmadou Baba Danpullo. Lequel réagissait ainsi à la liquidation des quatre filiales du Bestinver holding, la société d’investissement immobilier qu’il possède en Afrique du Sud. Ses créanciers lui réclamaient en effet 507 Milliards de rands, soit l’équivalent de 27, 9 millions de Dollars. Le milliardaire camerounais avait entrepris de récupérer dans son pays ce qu’il avait perdu. Des biens dont il estime la valeur à 500 Millions de Dollars.
Mitwa Ng’ambil la directrice générale de MTN-Cameroun, l’une des entreprises objet du courroux de l‘homme d’affaires camerounais a nié tout lien avec ceux qui ont sanctionné Danpullo et contesté la saisie des comptes de son entreprise. A son tour elle et d’autres ont saisi la justice. La bataille devant les prétoires se poursuit. L’action de Baba Danpullo ne fait pas l’unanimité.
« Baba Danpullo et ses avocats ont exploité cette faille juridique qui dit que si vous me devez de l’argent et qu’ensuite il y a ce qu’on appelle « apparentés » qui peuvent être affectés. Ils ont saisi les comptes de MTN et CHOCOCAM, sociétés apparentés au fonds d’investissement avec lequel il avait affaire en Afrique du Sud », analyse l’économiste Edmond Kuate. « Le tourbillon s’est arrêté », conclut-il. Le feuilleton judiciaire qu’il a déclenché montre un Ahmadou Baba Danpullo fragilisé. Lui qui était souvent présenté au Cameroun et ailleurs en Afrique comme un symbole de réussite.
De la pauvreté à la richesse insolente
Le capitaine d’industrie crève littéralement l’écran en 2017. Cette année-là, le magazine Forbes Afrique fait savoir que le Camerounais est l’homme le, plus riche d’Afrique noire francophone. Le journal estime alors sa fortune à 557 milliards de Francs CFA. Le discret moustachu a réalisé ses plus importants investissements en Afrique du Sud où il possède des centres commerciaux. La Marble Towers, de Johannesburg, troisième édifice le plus élevé du pays bâti en 1973, haut de 152 mètres et comptant 32 étages est l’un d’eux. Jeune Afrique indique que « le coût total de ses actifs immobiliers pays arc-en-ciel s’élèverait à 400 millions de dollars ». Ce Peul originaire de la région Nord-Ouest est à la tête d’un empire qui compte des entreprises dans les domaines des télécommunications, de l’agro-industrie et des médias. Il possède aussi des actions dans plusieurs entreprises publiques.
Ayant repris la Cameroon Tea Estates et la Ndu Tea Plantation, deux anciennes possessions de l’entreprise étatique Cameroon Development Corporation (CDC), ce père de huit enfants concentre depuis quelques années son énergie à la culture du thé. Notre confrère sénégalais lequotidien.sn attribue sa réussite au régime Biya. « Son ascension, Danpullo le doit en partie au pouvoir du Président Paul Biya. Lui qui a quitté l’école avant le collège, fait aujourd’hui partie des financiers des activités du Rassemblement démocratique du Peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) », peut-on lire dans un article.
Ahmadou Baba Danpullo naît le 1er Janvier 1950 au sein d’un foyer peu nanti. Scolarisé, il ne dépassera pas le cycle primaire. Il va débuter dans a vie active comme camionneur. Il se lancera ensuite dans le commerce en mettant sur pied des échoppes. Dans les années 1970, Danpullo se met à importer du riz et de la farine. Il intègre le secteur de l’industrie en rachetant au franc symbolique la Société des minotiers du Cameroun, alors en cours de privatisation. Ainsi se poursuit un parcours qui va s’avérer florissant et favoriser l’émergence de ce représentant de la nouvelle vague d’hommes d’affaires Africains. Tout se passe sans encombre pour « Baba ». Jusqu’à cette période difficile que connaissent une partie de ses investissements au pays de Nelson Mandela du fait de la pandémie du Covid-19.
Une réputation déjà ternie ?
Les créanciers du Camerounais lui ont reproché le fait de n’avoir pas respecté ses engagements à savoir rembourser les sommes empruntées en suivant un échéancier précis. Edmond Kuate, craint pour la crédibilité du businessman. « Sa réputation et sa notoriété peuvent prendre un coup. En Afrique du Sud, il était tout simplement question d’une défaillance en termes de paiement de traites. On disait qu’il avait emprunté de l’argent. Il avait été accompagné par une banque sud-africaine pour acquérir un immeuble. Il est arrivé que du fait de la Covid-19 qui avait mis à mal l’économie mondiale, il n’avait pas pu tenir ses engagements. Quand vous êtes un homme d’affaires, surtout d’une certaine hauteur et que vous êtes présenté à la face du monde comme quelqu’un qui ne paye pas ses traites et comme quelqu’un qui est en faillite au point de voir ses biens bradés les uns après les autres pour rembourser sa dette, ce n’est pas bon pour votre réputation. Je ne voudrais pas tomber dans le colportage, mais les raisons qui ont été invoquées, que je ne veux pas évoquer ici parce que je n’ai pas des éléments pour les affirmer ou pour les infirmer, ça aussi ce n’est pas bon. Cela donne l’impression qu’il n’est pas de très bonne moralité, que sa moralité en tant qu’homme d’affaires est sujette à caution. Quand ça se répand sur le marché international, les autres investisseurs qui auraient pu s’appuyer sur vous pour pouvoir faire des investissements deviennent réticents », explique le spécialiste de la macroéconomie.
Il redoute le pire pour le groupe bâti par Danpullo. « Un homme d’affaires, quel que soit la diversité de ses investissements, à chaque fois qu’un de ceux –ci est touché, il y a risque d’effondrement de son empire », assène l’expert. Bien que la bataille se poursuive devant les tribunaux, des observateurs n’excluent pas une solution politique à ce bras de fer. Les désaccords avec ses partenaires sud-africains ne sont pas le seul souci que connait Ahmadou Baba Danpullo.
Le milliardaire est préoccupé par l’impact désastreux de la crise anglophone sur son complexe agricole installé dans le Nord-Ouest, l’une des régions en proie à une rébellion séparatiste depuis 2017. Il a dû faire fermer les grandes plantations de Ndu et Ndawara à cause des violences. Danpullo réfléchit à la situation de la compagnie de téléphonie mobile Nexttel lancée avec des partenaires Vietnamiens, mais qui a arrêté ses activités depuis déjà une année suite à des désaccords entre les associés. L’ambiance à sa direction générale, visitée courant Juillet 2024, confirme l’état de sommeil.
Le portail d’entrée est grand ouvert. Les guérites à l’entrée du bâtiment sont inoccupées, le parking est vide. Les rideaux de fer demeurent baissés. Il faut pousser la porte coulissante qui donne sur le hall pour qu’elle s’ouvre. Elle est en panne. A l’entrée des bureaux, le vigile assis là où s’installent habituellement les réceptionnistes, regarde la télévision. Il n’y a personne dans l’open space qui donne sur l’entrée. L’édifice aux couleurs rouge et blanc, les couleurs de Nexttel, n’est plus entretenu. Le directeur général adjoint et porte-parole du Groupe Danpullo qui nous reçoit ce 1er Juillet dans son bureau attenant à une salle occupée seulement par des ordinateurs se montre optimiste. « Nexttel n’est pas mort. Vous voyez que les machines sont bien en place. L’entreprise va être relancée », nous lance avec assurance Moussa Ousseini.
Le Groupe Danupllo n’a pas publié de communiqué. Son conseil Me Mbanzee exprimait ses positions dans la presse. Voici le lien d’une interview qu’il a accordée au quotidien camerounais Ecomatin
https://ecomatin.net/interview-me-mbanzehe-monsieur-danpullo-na-pas-eu-un-probleme-de-remboursement-mais-plutot-la-resiliation-unilaterale-et-anticipee-de-son-contrat-de-pret
Ci-dessous le lien d’une video du Porte-Parole de Danpullo qui réagit aux problèmes que son patron rencontre en Afrique du Sud. Elle a été postée le 27 Juin 2023