Le soutien des producteurs de cacao à Alassane Ouattara

Le président du syndicat agricole de Côte d’Ivoire, Marcel Tia, a dénoncé, mardi, dans une vidéo disponible sur les réseaux sociaux, le supposé don de 50 millions de FCFA fait par des producteurs de la filière café-cacao au président Alassane Ouattara, le 6 juillet dernier à Yamoussoukro, correspondant au montant de la caution nécessaire pour briguer un quatrième mandat à la tête du pays.

Correspondance à Abidjan, Bati Abouè

La manœuvre est aussi vieille que le monde, sauf qu’en l’espèce le syndicat agricole de Côte d’Ivoire (CONACI) a eu le courage de dénoncer la mise en scène dans une vidéo disponible depuis mercredi sur différents réseaux sociaux. Son président, Marcel Tia, y explique que la décision de faire un don de 50 millions au président Alassane Ouattara pour l’aider à briguer un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire n’émane pas des producteurs ivoiriens. Qu’en réalité, il s’agirait d’une sordide mise en scène du directeur général du Conseil café-cacao, Yves Brahima Koné, pour couvrir les centaines de milliards détournés dans cette filière et épargner ainsi sa gestion menacée par un audit.

La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, fait face à une campagne intermédiaire sans ferveur particulière. Il y a pourtant quelques mois, le gouvernement a consenti à un relèvement du prix bord-champ du kilogramme de cacao qui est passé de 1.000 FCFA depuis plusieurs années à 1.500 FCFA. Mais en dépit de cette conséquente revalorisation, la colère des producteurs n’est pas totalement retombée en raison d’une conjoncture internationale des prix du cacao particulièrement généreuse. L’autre réalité du terrain est que les quantités de cacao projetées pour la campagne intermédiaire restent majoritairement introuvables, coûtant quelques mesures fortes telles que le retrait de permis d’achat à plusieurs exportateurs d’origine libanaise, les dirigeants du conseil leur reprochant d’acheter au-delà du prix autorisé.

Un hommage des producteurs mis en scène

C’est pourtant dans ce contexte qu’une cérémonie d’hommage des producteurs de cacao au président Ouattara a eu lieu le 6 juillet dernier à Yamoussoukro, dans la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Le Conseil café-cacao a mis la main à la poche pour y mobiliser des milliers de personnes dont des milliers de faux paysans motivés par l’appât du gain facile.

C’est au cours de cette rencontre présidée par le Premier ministre Robert Beugré Mambé qu’un chèque de 50 millions de FCFA lui a été officiellement remis au chef du gouvernement ivoirien visant à payer la caution d’Alassane Ouattara qui n’a toujours pas fait connaître son intention de briguer un quatrième mandat. Au terme de la constitution ivoirienne, seulement deux mandats sont autorisés mais Alassane Ouattara en est déjà à son troisième mandat et devrait logiquement rempiler pour un quatrième en 2025.

Le fait que les producteurs de cacao ivoiriens paient la caution du président Ouattara vise à démontrer leur soutien à son égard et à donner une preuve d’acceptation du quatrième mandat de trop de celui-ci. C’est que depuis plusieurs semaines, le régime ivoirien met en scène un soutien populaire en multipliant des scènes d’hommage au gré des régions et maintenant des catégories sociales. Mais le syndicat agricole de Côte d’Ivoire refuse de s’en laisser conter. Son président, Marcel Tia, dénonce cette manœuvre, d’autant que toutes les associations de producteurs sont apolitiques et sont interdites, du moins en théorie, de s’engager à financer la campagne d’un candidat à l’élection présidentielle. Autrement, il ne s’agirait plus que d’une stratégie de politisation de la filière visant essentiellement à maintenir les producteurs loin des centres de décision du conseil café-cacao.

Le gouvernement ivoirien ne fait en effet rien pour que soit créée l’interprofession de la filière qui peut, à elle seule, permettre aux producteurs d’accéder aux réunions où se décident le coût de la collecte et d’évacuation du cacao, ainsi que sa commercialisation. Régulièrement mis sous pression par les producteurs, le conseil café-cacao a finalement décidé de ne pas mettre en place ladite structure, faute d’une organisation de paysans répondant aux critères, s’est énervé Marcel Tia. Pour lui, si le gouvernement voulait vraiment voir les producteurs intégrer les centres de décision du conseil café-cacao, il ferait en sorte que « les anciennes unions soient encadrées et appuyées financièrement avec des équipements nécessaires pour les rendre opérationnel »