Le lourd contentieux entre le Mali et l’Algérie

Les relations entre le Mali et son voisin algérien ont atteint un niveau de tensions inédit. Après le rappel des ambassadeurs à Alger et Bamako, nul ne peut prévoir jusqu’où ira l’escalade entre les deux pays.
 
Seidik Abba, rédacteur en chef de Mondafrique
 
 
 Œil pour œil, dent pour dent. Les autorités maliennes ont visiblement décidé de ne rien laisser passer de ce qu’elles considèrent comme une « ingérence persistance de l’Algérie » dans les affaires internes de leur pays. Cette fois, ce sont des propos attribués au ministre algérien des Affaires étrangères qui ont provoqué l’ire de Bamako. Selon la junte malienne, le chef de la diplomatie algérienne a tenu des propos « inamicaux » sur la stratégie malienne contre le terrorisme.

La connivence algérienne avec « les terroristes »

 
« Visiblement, les succès indéniables des Forces armées et de sécurité du Mali ainsi que la pression exercée sur des groupes terroristes soutenus par l’Algérie ont du mal à passer chez certains responsables algériens, nostalgiques d’un passé révolu », s’indignent les militaires au pouvoir à Bamako. Derrière ces accusations au vitriol, se cache une rupture totale de confiance entre l’Algérie et le Mali qui furent pourtant très proches. A la demande de l’Algérie, le Mali de Moussa Traoré avait reconnu en 1973 le République arabe saharaouie (RASD). Le territoire malien avait servi de base-arrière aux combattants algériens lors de la guerre de libération nationale contre la colonisation française (1958-1962).
 
Après avoir dénoncé en janvier 2024, l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) au Mali, plus connu le nom d’Accord d’Algérie, la transition malienne estime que l’Algérie n’a plus désormais aucun rôle à jouer dans la crise du Nord, qui devient pour Bamako une affaire de politique intérieure malienne.
 
À Alger, la lecture de la situation est différente. En effet, la diplomatie algérienne et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) continuent de considérer que l’Algérie reste légitime, malgré la dénonciation de l’Accord d’Alger, pour jouer le go between entre le pouvoir malien et l’ex-rébellion touarègue. Plusieurs responsables de la Coordination des mouvements armés (CMA), structure fédérative des irrédentistes touaregs, ont été reçus en 2024 à Alger. Après la dénonciation de l’Accord d’Alger, les militaires au pouvoir ont organisé un dialogue inter-malien en mai 2024 auquel n’ont pas pris part les organisations de l’EX-CMA. Pour les autorités de Bamako ceux qui se sont mis en dehors du processus interne et qui souhaitent poursuivre la lutte armée après la reconquête de Kidal, en novembre 2023, sont « des terroristes » que l’Algérie n’a pas à recevoir.
 
 

L’ombre de l’imam Dicko

 
Outre les propos jugés « inamicaux » par le Mali et l’accueil par les officiels algériens des ex-rebelles que Bamako considère comme des « terroristes », le pouvoir malien n’a guère apprécié le tête-à-tête organisé en décembre 2023 à Alger entre le président algérien Abdelmajid Tebboune et l’imam Mahmoud Dicko, considéré aujourd’hui comme la bête noire des généraux aux commandes de l’Etat. Ancien allié des militaires pour renverser le régime de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) en août 2020, la figure emblématique des religieux maliens n’est plus jamais revenue au Mali depuis sa réception en grandes pompes par le président algérien. Plusieurs sources maliennes soutiennent que l’imam Dicko vit désormais entre le Nigeria et l’Algérie qui lui assurerait « le gîte et le couvert ».
« Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale invite l’Algérie à recentrer son énergie sur la résolution de ses propres crises et contradictions internes, y compris la question Kabyle, et à cesser de faire du Mali un levier de son positionnement international », proteste le Mali qui réaffirme qu’il ne permettra plus l’implication de l’Algérie dans ses affaires internes et « de mener une stratégie éculée de pompier-pyromane ».
 
L’escalade verbale entre les deux pays a été suivie par le rappel en 2024 des ambassadeurs respectifs à Alger et Bamako. Tout semble désormais indiquer que la dégradation des relations algéro-maliennes pourrait franchir un nouveau cran en 2025. Wait and see.