La guerre à Gaza est un sujet qui divise beaucoup moins la communauté africaine que la guerre en Ukraine. Les nations soutiennent en très grande majorité la cause palestinienne et appellent à un cessez-le-feu, malgré quelques dissensions. De leur côté, les groupes jihadistes en Afrique sont, sans surprise, unanimement pour la Palestine, mais sans soutenir nécessairement le Hamas.
Mateo Gomez.
L’Histoire du conflit Israëlo-Palestinien n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Les présidents de l’Union Africaine ont pris, d’emblée, une ferme position pro-palestinienne, et appellent aujourd’hui au cessez-le-feu. Les principales motivations avancées sont, d’après l’Union Africaine, la dénégation des droits des Palestiniens et le refus du « deux poids, deux mesures ». Les pays africains ont été colonisés et appliquent leurs grilles de lecture à la situation au Proche-Orient: la Palestine est colonisée par Israël, les Africains doivent être solidaires. La plupart des pays se positionnent pour la solution aux deux États.
Les prudentes exceptions
Il y a tout de même des exceptions: le Kenya, le Rwanda, le Togo, le Cameroun et le Ghana ont adopté une ligne plus pro-israélienne, en condamnant les attaques du Hamas et en proclamant leur solidarité avec le peuple hébreu face à la terreur. Pourquoi cette différence? Ces pays sont ceux qui coopèrent le plus avec Israël, notamment en matière sécuritaire, qui est, rappelons-le, le grand avantage compétitif d’Israël dans ses relations internationales.
Dans ces pays-là, de la même manière que dans les pays Arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, la colère de la rue gronde, et s’oppose aux dires de leurs gouvernements. Ces cinq soutiens subsahariens à Israël ont vu défiler dans leurs rues des manifestations pro-palestiniennes, une donne que ces pays, qui ne veulent pas s’opposer frontalement à la rue, prennent en compte: ainsi, pas de déclaration sur le droit à l’autodéfense, par exemple, où sur la défense des valeurs démocratiques d’Israël contre la barbarie Islamique. Il faut dire également que les affaires étrangères et la situation internationale sont des préoccupations de second plan par rapport à, notamment, la situation sécuritaire locale, ce qui permet aux gouvernements de rester vagues et d’œuvrer sur des marges plus larges. La prudence est de mise: il ne faut pas s’opposer frontalement à leurs populations tout en s’assurant la coopération continue (car fructueuse) avec l’État hébreu et ses coffres.
L’Afrique du Sud vent debout
La guerre entre Israéliens et Palestiniens divise moins que le conflit en Ukraine. La résolution de l’ONU du 4 mars 2022 demandant le retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine ne fut pas votée que par 36 des 54 nations africaines, soit une courte majorité. On reste loin de l’écrasante majorité pro-palestinienne qui émerge aujourd’hui.
Depuis le début de l’invasion russe, le continent a essayé de diverses façons de se positionner comme un médiateur dans le conflit, notamment l’Afrique du Sud de Cyril Ramaphosa se présentant comme un intermédiaire neutre et fiable. Mais cette fois, la diplomatie de Pretoria est sur une tout autre ligne. L’Afrique du Sud a été le pays africain à majorité chrétienne le plus virulent dans sa critique d’Israël, le qualifiant, comme Nelson Mandela l’avait fait lors de sa présidence, d’ »État Apartheid ». Aucun autre pays n’a engagé des efforts de médiation et presque tous insistent sur le fait que l’attaque du 07/10 ne peut pas être isolée de son contexte historique.
Le groupes Jihadistes divisés
Et au-delà des États? Les groupes jihadistes, qui peuvent contrôler des territoires non-négligeables, méritent d’être étudiés, notamment si on considère que le Hamas est un mouvement terroriste. La Palestine est un enjeu essentiel pour le Jihad global. Ils voient Israël comme l’influence néfaste de l’occident loin de ses terres, et donc à combattre par tous les moyens. Soutenir la Palestine signifie combattre l’occident.
Néanmoins le Hamas ne fait pas l’unanimité. La plus grande critique qui lui est adressée est sa visée nationale, avec l’organisation d’élections, l’administration étatique et les alliances avec des pays comme l’Iran ou le Qatar. Or Pour Al-Qaïda, la cause palestinienne n’est pas un combat national mais religieux: il s’agit avant tout du combat sacré de l’Islam contre le judaïsme. L’État Islamique soutient encore moins le Hamas: pour eux, le refus d’appliquer la Sharia au pied de la lettre et l’alliance avec l’Iran chiite sont des affreux blasphèmes. Ils ont même excommunié le groupe et ont traité l’organisation d’apostats, de faux musulmans. Pour eux, Israël n’est pas l’ennemi car il est occidental, mais tout simplement parce qu’il est juif.
Les islamistes maliens anti Hamas
Cette position se retrouve souvent en Afrique, où les divers groupes jihadistes sont pro-palestiniens, mais pas pro-Hamas. Le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM), très présent au Sahel et notamment au Mali, ainsi que « Al-Shabbaab », actif en Somalie, ont tous deux apporté leur soutien aux Palestiniens mais sans soutenir le Hamas.
Reste que ces groupes n’ont pas vraiment la capacité ni l’envie d’influencer le conflit. Le Jnim, par exemple, se concentre notamment sur son propre pré carré, regardant rarement hors du Sahel. Pour illustrer, s’ils s’attaquent aux troupes françaises dans la région, c’est non pas parce que c’est la France, mais parce qu’ils sont dans la région. La logique est similaire pour Al-Shabaab, qui n’a pas la capacité de se projeter à l’étranger. On ne peut pas pour autant éliminer l’hypothèse des attaques opportunistes ou organisées, comme ils en ont déjà organisé en Afrique de l’Est, avec deux attaques contre des ambassades États-uniennes et une contre un hôtel Israélien. Il reste cependant très peu probable qu’une campagne systématique au nom de la Palestine soit lancée, faute de moyens.
Mateo Gomez.