Confronté à des manifestations notamment dans la province de Soueïda, fief de la minorité druze et acculé économiquement, le régime syrien « joue la montre ». La Syrie a perdu la moitié de sa population et des pans de son territoire sont occupés par la Turquie, la Russie, l’Iran et des forces djihadistes liées à l’Etat islamique, tandis que le Kurdistan a fait sécession. La Syrie est devenue le champ clos de toutes les contradictions du Moyen Orient. Toutefois, il n’est pas exclu que cet ensemble de contradictions évoluent.
Les belligérants, l’Iran et l’Arabi Saoudite principalement, semblent las de ces conflits tout à la fois couteux et sans issue décisive. Des négociations sont en cours, mais sans grand espoir de stavilité.
Syrie, des manifestants demandent le départ de Bachar Al-Assad
La Syrie, douze ans de guerres civiles
La guerre civile a démarré en Syrie en 2011. Des manifestations pacifiques de musulmans sunnites, inspirées par les soulèvements du « printemps arabe » en Tunisie et en Égypte, ont débuté en mars. Les sujets de mécontentement ne manquaient pas : un pouvoir politique accaparé par une famille, les Assad, appartenant à une ethnie minoritaire, les Alaouites. Cette privatisation du pouvoir, des niveaux de corruption élevés, un chômage important, une aspiration à sortir de l’économie de guerre, l’absence de libertés politiques ont jeté la population dans la rue.
Les manifestations pacifiques ont été rapidement réprimées par le gouvernement. Les Frères Musulmans, très présents en Syrie, avaient commencé à transformer ce mécontentement en révolte politique. La répression, loin d’éteindre le mouvement contestataire, l’a intensifié. Une guerre civile brutale s’est alors instaurée financée par une mouvance salafiste qui s’est propagée dans la plupart des paus du Golfe.
Les forces impliquées
- Le principal acteur est Bashar al Assad soutenu par la Russie et l’Iran. La Russieet l’Iran sont intervenus militairement de façon décisive pour maintenir Bashar al Assad au pouvoir. Si leurs objectifs finaux des dirigeants de ces deux pays ne sont pas les mêmes, ils ont travaillé ensemble pour annihiler l’opposition et maintenir le régime de Bashar al Assad en place. L’un parce que la Syrie lui donne accès la Méditerranée et l’autre parce que le sol syrien peut être truffé de bases de missiles qui ciblent toutes Israel.
- L’Iran n’agit pas directement en Syrie, mais plutôt à travers le Hezbollah libanais qui est venu très tôt combattre les Frères Musulmans opposés à Bashar al Assad.
En juillet 2018, l’armée syrienne, le Hezbollah et les forces russes ont fait en sorte que Bashar al Assad récupère 90% de son territoire en éliminant les djihadistes du centre et du sud de la Syrie. Mais en réalité, ces « alliés » de la Syrie n’agissent pas différemment de la Turquie : ils occupent militairement des portions de territoire syrien que l’on peut dire « pacifiées ». La guerre civile subsiste dans seules quelques zones périphériques du pays hors de l’autorité de Damas
- Le Rojava, ou Kurdistan syrien est une région rebelle devenue autonome dans le nord et le nord-est de la Syrie. Depuis 2012, la majorité du Kurdistan syrien est contrôlée par des milices kurdes. Les Kurdes, dont neaucoup sont liés au PKK, le mouvement ind »pendaantisre qui est la bête noire de la Turquie, ont été armés et financés par les Etats Unis et les Européens pour lutter contre l’Etat islamique,
- La Turquie qui veut empêcher un mouvement indépendantiste kurde de faire sécession en Syrie et de s’installer à la frontière syro turque. La Turquie occupe d’importantes portions de territoire syrien et lutte contre Bashar al Assad dans le cadre d’une rivalité avec l’Iran. Les forces soutenues par la Turquie dans le nord-ouest du pays réclament le départ du président syrien Bashar al-Assad. La Turquie bombarde régulièrement les lignes kurdes en Syrie, mais elle intervient aussi sur le terrain grâce à sa milice l’« Armée nationale syrienne » (ANS), des mercenaires qui combattent les Kurdes au nord-est de la Syrie et sont financés en armes et salaires par Erdogan. Ces supplétifs sont accusés de nombreuses exactions..
- L’Etat hébreu ne dispose pas de milices sur le terrain, mais il bombarde quasiment chaque semaine et cela depuis plusieurs années, les bases de missiles iraniennes construites sur le sol syrien ou les convois de camions qui acheminent de l’armement en direction du Hezbollah libanais.
- Les Etats Unis disposent d’une base de quelques centaines de soldats pour combattre l’EI
- La nébuleuse djihadiste. Tout le monde parle de « conflit syrien », mais il n’y a pas de ligne de front claire tant les parties en présence sont nombreuses et poursuivent chacune des intérêts divergents
Une économie en lambeaux
Avant l’éclatement de la guerre civile en 2011, la Syrie avait timidement entrepris de libéraliser son économie pour passer le cap de réservés pétrolières (et donc de recettes pour le budget de l’Etat) en déclin. Le marché bancaire s’était ouvert au privé, une bourse avait resuscité et le pays avait adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Au plan sociétal, l’accès à l’éducation universelle primaire avait progressé pour les garçons comme pour les filles, la mortalité infantile était en régression et la couverture vaccinale s’avérait presque satisfaisante.
Néanmoins, de graves déséquilibres persistaient. La pauvreté sévissait dans les campagnes aggravée par une sécheresse de plusieurs années. La région du nord-est concentrait à elle seule presque la moitié des pauvres. Mais en ville, le chômage sévissait aussi (16% en 2007) et plus encore chez les jeunes.
En réalité, les entreprises avaient du mal à embaucher une main d’œuvre qualifiée et 80 % des chefs entreprises se plaignaient des « cadeaux » qu’ils étaient obligés d’offrir aux fonctionnaires pour « faire avancer les choses ».
Un demi million de morts
Le conflit entre la population et le gouvernement de Bashar al Assad démarre en 2011 sur les bases du « Printemps Arabe », c’est-à-dire des revendications de liberté plus grandes, une sortie de l’état de guerre et la fin de la corruption. Les manifestants sont sévèrement réprimés et la bataille devient guerre civile.
Selon les chiffres de l’ONU, la guerre a produit un demi-million morts, un million de blessés, un nombre inconnu de disparitions, la destruction de l’infrastructure industrielle et agricole, et l’exode de presque cinq millions de personnes en Irak, Jordanie, Turquie, Liban, plus un million de personnes qui ont rejoint l’Allemagne ou l’un des pays de l’Union européenne. A l’intérieur de la Syrie, plus de 7 millions de personnes ont le statut de personnes déplacées.
Le désordre économique a été aggravé par les sanctions économique que les États-Unis et l’Union européenne ont infligées à la Syrie par. Ces sanctions qui visaient à pénaliser la brutalité de la répression de Bashar al Assad ont privé les quelques secteurs exportateurs (hydrocarbures, phosphates) de leur accès au marché mondial. Le manque de personnel qualifié à fait le reste.
L’agriculture qui comptait pour un cinquième du PIB a été disloquée et une bonne partie des terres fertiles sont passées longtemps sous le contrôle de l’Etat islamique. L’instabilité de la monnaie syrienne est le reflet d’une économie dévastée. Avant la guerre, il fallait 47 livres syriennes pour obtenir un dollar américain. Aujourd’hui, il en faut 9 900 sur le marché officiel et 14 500 sur le marché parallèle.
60% de chômeurs
Le Centre syrien de recherche politique (SCPR) estime que plus de 60% de la main-d’œuvre (environ 3,5 millions) est au chômage, et que quelque 3 millions ont perdu leur emploi à la suite du conflit. La SCPR a également estimé que les des deux tiers des Syriens vivent dans une pauvreté extrême, et sont dans l’incapacité de répondre aux besoins alimentaires et non alimentaires de base. Les principales raisons de la pauvreté sont la perte de biens, d’emplois et d’accès aux services publics, y compris la santé et l’eau potable, ainsi que la hausse des prix des denrées alimentaires. Selon l’ONU, quelque 2,1 millions de maisons ont été détruites.
Le régime de Bashar al Assad a été porté à bout de bras par l’Iran qui a fourni de l’essence et payé les salaires des fonctionnaires. C’est ainsi que l’Iran a acheté le droit de transformer la Syrie en base militaire contre Israel.
Les pays arabes vont-ils contribuer à la reconstruction ?
En février 2023, le nord de la Syrie a été frappé par un tremblement de terre catastrophique qui a tué environ 6 000 personnes. Une fois n’est pas coutume, un afflux d’aide humanitaire a mobilisé le monde arabe. L’Arabie saoudite a effectué des livraisons de secours sans précédent dans les parties de la Syrie contrôlées par le gouvernement et, en parallèle, a décidé de raviver ses relations avec Assad.
Le tremblement de terre a marqué un tournant : à partir de ce moment, l’Iran et les Etats du Golfe hostiles à Bashar al Assad ont résolu de conduire leurs relations sur le terrain diplomatique. En mars, l’Arabie saoudite et la Syrie ont convenu de reprendre les services consulaires. En quelques semaines, l’accord s’est transformé en une ouverture diplomatique complète.
Le 1er mai dernier, Riyad a aidé à organiser une réunion avec les ministres des Affaires étrangères saoudien, égyptien, jordanien, irakien et syrien à Amman, la capitale jordanienne. Un communiqué conjoint a été publié qui émet un ensemble de recommandations humanitaires, sécuritaires et politiques pour résoudre le conflit syrien. Le 19 mai, Assad a fait son retour officiel au sommet de la ligue à Djeddah.
Aujourd’hui tous les pays arabes ont repris langue avec Bashar al Assad. Cela ne signifie pas que tout est arrangé et que les milliards du pétrole vont se déverser pour reconstruire la Syrie. Cela signifie seulement que la guerre entre l’Iran et l’Arabie Saoudite (et plus largement le monde arabe) va se poursuivre sur le terrain diplomatique. L’Arabie Saoudite va probablement tenter de négocier avec Bashar qu’il prenne ses distances avec l’Iran et le Hezbollah. Sauf que les Iraniens ont besoin de la Syrie pour demeurer en lien direct avec le Hezbollah et poursuivre leur stratégie de menacer Israel à partir de plusieurs fronts.
La Syrie est-elle encore un pays?
Encadré
Parmi les milices djihadistes encore actives, on trouve :
- État islamique (EI) : Aussi connu sous le nom de Daech, l’État islamique a été l’un des groupes djihadistes les plus puissants en Syrie. Les combattant de l’EI ont vu immédiatement l’intérêt qu’il y avait à épauler les opposants à Bashar al Assad et ont rejoint l’Armée Syrienne Libre (ASL) qui était en 2011, la principale composante de l’insurrectio, compodée d’anciens officiers de Bashar al Assad. Très rapidement, les cadres de l’EI, grâce à leur expérience acquise sur le terrain irakien contre les Américains et en raison de la volonté du régime syrien de s’en ptrendre prioritairement au mouvement démocrate, se sont distingués militairement et ont pris l’ascendant sur les autres factions, pour former en 2012 un noyau dur jihadiste, mais toujours en lutte contre le régime syrien.
- Al-Qaïda et Hayat Tahrir al-Cham (HTS) : HTS est un groupe djihadiste qui a émergé en Syrie et qui est lié à Al-Qaïda. Il a été actif principalement dans la province d’Idlib et a été en conflit avec d’autres groupes rebelles et l’armée syrienne.
- Ahrar al-Sham : Ahrar al-Sham est un groupe djihadiste qui opère en Syrie dans la région d’Idlib (voir les photos ci dessus).
Dans le deuxième volet de notre série, nous reviendrons sur « ces mauvaises fées qui se penchent sur le berceau syrien
La frontière entre le Liban et la Syrie est une passoire