La presse sénégalaise sous le charme d’Ousmane Sonko

Au Sénégal, le parti au pouvoir a facilement remporté les élections législatives anticipées qui se sont déroulées le dimanche 17 novembre 2024. Mais au-delà du parti au pouvoir, qui voit se dessiner un énorme raz-de-marée, c’est la victoire d’un homme, Ousmane Sonko, désormais Premier ministre depuis la victoire au premier tour de Bassirou Diomaye Faye, qui se retrouve amplement légitimé après avoir été écarté de la présidentielle.

A Dakar, la correspondance particulière d’Elvis Diallo

Ce lundi, les premiers résultats provisoires du raz-de-marée du Pastef attendu à l’occasion des élections législatives anticipées du dimanche 17 novembre, commençaient à s’afficher dans la journée. La radio RFM créditait ainsi le parti au pouvoir de 119 sièges sur 165, tandis que la plateforme citoyenne Vie publique annonçait 129 sièges, et le site d’information Dakaractu 131 députés. Mais quelles que soient les variations, l’ensemble des projections dessinent une victoire « écrasante » du parti au pouvoir, issue que réclamait d’ailleurs Ousmane Sonko.

Le lendemain, sur les kiosques à journaux, les principaux quotidiens sénégalais étaient ainsi sous le charme du parti au pouvoir. Le Soleil utilisait l’image d’une « la déferlante Pastef » pour expliquer la défaite renversante de toutes les grosses pointures de l’opposition, de Barthélémy Diass, l’ancien maire de Dakar, à Amadou Ba, ancien Premier ministre et deuxième lors de la présidentielle, et Macky Sall, l’ancien président de la République, le seul à parler de « fraude massive » dès la fin des dépouillements.

Victoire historique du Pastef

Le Pastef a fait de son adversaire historique et tête de liste de la coalition Wallu Taku, Macky Sall, une bouchée. Le Quotidien, d’ordinaire très critique envers le pouvoir et particulièrement envers Ousmane Sonko, salue cette victoire irréprochable du Parti emmené par le Premier ministre sénégalais. Même constat pour Leeral info. Ce journal assure à sa une que « Pastef lamine l’opposition » sur la base des « résultats provisoires (qui) indiquent une avance significative du Pastef, tant sur la liste proportionnelle nationale que sur la liste majoritaire départementale », écrit-il.

Le Public, l’autre quotidien d’informations générales, fait le même constat en affirmant que « le peuple a (ainsi) confirmé le Pastef », et permis de faire une démonstration de maturité politique de l’ensemble du pays. Sud quotidien observe également un raz-de-marée qui « a balayé tout sur son passage », tel un tsunami. Cette victoire, selon le journal, tue toute velléité de cohabitation de l’opposition qui n’a jamais été en mesure d’inquiéter le pouvoir. Et pour cause, « le peuple, détenteur de la souveraineté » en a décidé ainsi lors de ce scrutin qui a vite pris les allures d’un référendum pour ou contre Sonko, le Premier ministre.

 

La victoire de Sonko

Cette énorme claque administrée à l’opposition est aussi la victoire personnelle du Premier ministre, Ousmane Sonko, qui a non seulement pris la tête de la liste Pastef pour en découdre avec les anciens pontes du pouvoir Macky Sall qui l’ont empêché de prendre part à la présidentielle, mais il les a battus à plate couture, démontrant ainsi son impact sur la vie politique de son pays.

Sud quotidien voit surtout dans cette victoire, la revanche d’Ousmane Sonko. « Empêché à tort ou à raison, par tous les moyens, de prendre part à la présidentielle du 24 mars dernier, l’actuel Premier ministre avait parrainé le secrétaire général du Pastef pour le porter à la tête de la magistrature. Un fait inédit au Sénégal qui avait augmenté son capital sympathie », rappelle le journal. Même constat pour Direct news qui explique que « Sonko a gagné. Il a, à force de persévérance et de détermination, montré que rien de grand ne peut se faire ni ne se fera sans générosité ni héroïsme », écrit le rédacteur en chef de Direct news.

 

Faible affluence

Seul bémol, le taux de participation qui est d’un peu plus de 40%, et qui est bien loin de l’affluence observée lors de la présidentielle de mars dernier au cours de laquelle 61,3% de sénégalais avaient pris part au vote, ou même des législatives de 2022 qui avaient enregistré un taux de participation de 46,6%. Mais cette victoire éclatante est surtout un boulevard pour le parti au pouvoir. Outre les multiples urgences du quotidien, le pouvoir sénégalais sait en effet qu’il va devoir faire face aux impatiences en raison des nombreuses promesses théorisées autour de son programme « panafricanisme de gauche » comportant le vote du budget 2025, l’abrogation d’une loi d’amnistie contestée, la renégociation de contrats jugés léonins avec les partenaires étrangers et la transformation de l’État et de sa justice.

Le quotidien L’Observateur cite aussi parmi « les dossiers chauds qui attendent la quinzième législature » le vote d’une loi durcissant les peines contre l’homosexualité.

Porté par une euphorie populaire, Bassirou Diomaye Faye, bras droit d’Ousmane Sonko avait été élu président de la République du Sénégal au premier tour de la présidentielle de mars dernier. Pendant huit mois, les deux hommes ont vécu une cohabitation conflictuelle avec une Assemblée nationale toujours dominée par l’ancienne majorité. Bassirou Diomaye Faye l’a alors dissoute dès que les délais constitutionnels l’ont permis, en septembre, provoquant les législatives anticipées de dimanche qui font le solde de tout compte de l’ancienne génération de politiciens

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)