La pêche crée un solide contentieux entre le Sénégal et la Mauritanie

 Au Sénégal, le secteur de la pêche peine à sortir de la crise. Malgré la résiliation de l’accord de pêche, les ressources se font encore rares. Une situation qui installe d’ailleurs le malaise avec la Mauritanie où des centaines de Sénégalais sont interpellés pour une activité de pêche hors zone, sans contrat de travail. Ce secteur est mal en point, accentuant ces dernières années, le phénomène de l’émigration clandestine. Aujourd’hui, l’État prépare des concertations pour surtout relancer la pêche artisanale. 

Demba Dieng (correspondance)

Le Sénégal et la Mauritanie, deux pays aux frontières communes ont décidé d’exploiter ensemble les réserves gazières du Grand Tortue Ahmeyim (GTA). Le projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA) est développé par l’association composée de la Société mauritanienne des hydrocarbures, Petrosen, BP et Kosmos Energy. Il devrait fournir environ 2,5 millions de tonnes par an de gaz naturel. Cependant les relations entre les deux pays sont minées actuellement par un malaise lié au secteur de la pêche. Même si des accords de pêche existent entre les deux États, les pêcheurs sénégalais qui accèdent aux eaux Mauritaniennes sont interpellés et emprisonnés s’ils ne disposent pas de contrat de travail.

Une situation ne rassure pas e secrétaire général du syndicat national des pêcheurs du Sénégal, Moustapha Dieng. « Ce à quoi on assiste actuellement en Mauritanie, ce n’est pas rassurant. Les relations sont tendues on assiste à des rafles et les pêcheurs sont les principaux cibles. On leur demande des contrats de travail sinon ils sont emprisonnés. Et nous savons tous qu’il n’y a pas de contrat de travail dans le secteur de la pêche artisanale », regrette-t-il.

Pêcheur originaire, Ousmane Ndoye a vécu ce début de mois de mars, une situation compliquée. « Nous avons été arrêtés. Les policiers nous ont demandé une carte de séjour et nous avons demandé les formalités pour s’en procurer et nous avons immédiatement été embarqués et détenus pendant neuf jours dans des conditions compliquées », explique le pêcheur. 

La ministre des affaires étrangères dépêchée 

En l’espace de 45 jours, deux autorités sénégalaises se sont déplacées en Mauritanie. Il s’agit du premier ministre Ousmane Sonko. Et récemment la ministre des Affaires étrangères et de l’Integration africaine, Yacine Fall. Selon un rapport de la commission parlementaire plus de 400 Sénégalais sont actuellement détenus en Mauritanie dont en majorité des pêcheurs.

À Nouakchott, au plan diplomatique, l’autorité sénégalaise s’est dit porteuse d’un message du président de la République, en se montrant assez prudente. « La ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Yassine Fall, porteuse d’un message du chef de l’État sénégalais à son homologue mauritanien a été reçue en audience par Mohamed Ould Cheikh El Gazhouani. Dans le cadre du renforcement des relations bilatérales entre le Sénégal et la Mauritanie, Mme Fall a effectué une mission officielle d’une journée en République islamique de Mauritanie », a publié son ministère le jour de la visite.

Cependant la proximité des visites de ces deux autorités sénégalaises en terre mauritanienne montre qu’il y a un véritable malaise notamment lié à la gestion du secteur de la pêche. Si la ministre des Affaires étrangères et de l’intégration africaine n’a pas abordé publiquement le sort des Sénégalais en détention en Mauritanie, elle l’avait dénoncé récemment à l’Assemblée nationale. « On ne doit pas les maltraiter, on ne doit pas les mettre dans une situation de précarité ou de vulnérabilité comme on l’a vu récemment », avait elle répondu aux députés.

Un secteur en crise

 Entamé il y a cinq ans, l’accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne a pris fin le 17 novembre 2024. L’accord de pêche qui  prévoyait la pêche de 10 000 tonnes de thon et 1 700 tonnes de merlu noir contre 3 millions d’euros reversés en contrepartie. Quelques mois après le départ de ces bateaux étrangers, la réapparition des espèces rares tels que le gros thon a été noté selon le secrétaire général du syndicat national des pêcheurs du Sénégal Moustapha Dieng. « Depuis l’arrêt des accords de pêche avec l’Union européenne, nous avons vu des espèces réapparaître dans certaines zones. Il s’agit surtout des gros thons qui étaient pêchés par les bateaux étrangers. Nous en avons débarqué plus de 300 kilogrammes », estime-t-il. Mais cela dit il n’a pas eu d’impact sur l’activité de pêche. Car déplore le pêcheur, l’État n’a pas pris des mesures d’accompagnement. « Rien n’est fait depuis, les acteurs sont laissés à eux mêmes ça moyen. Il faut des mesures d’accompagnement et une politique dé développement de la pêche. Nous avons de petites pirogues qui peuvent pas prendre 100 kilogrammes. Il faut de grandes pirogues pouvant pêcher plus de 10 tonnes en même temps », précise M. Dieng. Pour lui, la raréfaction du poisson actuellement au Sénégal est liée à plusieurs facteurs tels que le phénomène du changement climatique et le manque de moyens techniques des pêcheurs sénégalais. L’autre facteur, à ses yeux,  est l’interdiction de la pêche nocturne. « Cette mauvaise décision du gouvernement plombe le secteur. C’est pour cette raison que nous peinons à approvisionner le marché. Ce qui nous contraint à importer », ajoute Moustapha Dieng. 

Entre 600000 et 700000 emplois

Au Sénégal, ces dernières années, l’émigration clandestine a repris du poil de la bête. Pas un mois sans qu’il n’y ait de nouveaux départs. Entre le 10 et le 15 mars 2025, environ 400 candidats ont être interpellés. La date opération a eu lieu dans la zone de pêche de Dionewar, à près de 100 kilomètres de Dakar. Aujourd’hui face à la situation du secteur, le Gouvernement travaille sur un plan la relance et le développement du sous-secteur de la pêche artisanale qui est vitale à l’économie nationale.

En Conseil des ministres. le Président de la République Bassirou Diomaye Faye a instruit son gouvernement d’engager des concertations inclusives avec les acteurs. Cela d’après lui, pourrait contribuer à la redynamisation de ce sous-secteur qui fait face à d’énormes contraintes, ces dernières années. Pour le Président Bassirou Diomaye Faye, la pêche artisanale est un sous-secteur crucial pour l’économie nationale notamment en termes de création d’emplois locaux et de génération de devises.

Au Sénégal, selon les données officielles, la pêche contribue à 3,2% du Produit intérieur brut (PIB), avec un apport annuel au budget de près de 300 milliards FCFA. Les emplois directs et indirects varient entre 600 000 et 700 000.

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