Un an après la mort de Mahsa Amini, la République islamique d’Iran continue de faire du voile un signe d’adhésion à l’islam et réprime férocement toute dissidence. Mais l’esprit de résistance au sein de la population demeure vivace. Le régime semble incapable d’évoluer. À quand la prochaine crise ?
Le 16 septembre 2022, la mort de Mahsa Jini Amini, une jeune femme d’origine kurde, dans les locaux de la police des mœurs de Téhéran, a déclenché une vague de manifestations qui a duré six mois, bouleversé la vie quotidienne de plus de 165 villes, provoqué des centaines de morts, et amené à l’arrestation de 20 000 personnes.
La révolte de 2022 pour les droits, la vie et la liberté des femmes a suscité de la part du pouvoir les mêmes réactions que les manifestations de 2017-2018 contre les difficultés économiques, ou les manifestations de 2019 contre la hausse des prix du gaz : la répression aveugle. Le pouvoir a réprimé sans réformer.
Protestations iraniennes éclatées
Les manifestations en Iran depuis 2017 partagent deux caractéristiques clés : la spontanéité et la décentralisation. Le caractère spontanée de ces protestations reflète les tensions et le mécontentement qui couvent au sein de la société iranienne. Mais le manque d’organisation politique empêche ces manifestations de maintenir leur élan et de créer et entretenir une dissidence nationale.
Le succès de Khamenei face à la révolte qui gronde partout est d’avoir maintenu l’unité de l’élite dirigeante par élimination de tous les éléments réformistes ou modérés restants. Pour Kourosh Rahimkhani, journaliste et maître de conférences au Département de sciences politiques de l’Université George Washington, « le régime a perdu sa capacité à coopter les groupes d’opposition. L’élite dirigeante a maintenu sa cohésion, mais au prix d’une réduction de la participation politique de segments de la société qui espéraient provoquer un changement par des voies formelles comme les élections ».
Le recours à la force privilégiée
La capacité de l’État à résoudre les problèmes par consensus et par des méthodes non coercitives a diminué, l’accent étant mis de plus en plus sur le recours à la force physique. L’imposition du voile par la violence et l’arrestation et la détention des opposants montre la volonté des dirigeants de faire appel à la force plutôt qu’à rechercher une solution pacifique.
Les manifestants ne disposent pas des moyens de renverser le régime ; mais l’establishment théocratique est contraint d’intimider toujours plus la population pour la dissuader de descendre dans la rue.
Trois scénarios d’évolution sont possibles.
- Toujours plus de répression. Le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) devient plus important encore au sein du système politique afin de réprimer le soulèvement en Iran. Plus le système politique penche vers la coercition, plus l’influence du CGRI sur la politique iranienne va s’accroitre.
- Un changement de régime. Une partie importante du gouvernement de la République islamique fait défection et participe aux manifestations de rue. Une telle rupture interne au sein des structures étatiques pourrait créer une opportunité pour l’émergence d’un nouvel ordre politique.
- Le statu quo. L’autorité de l’État s’érode au point qu’il ne peut plus imposer le voile par la force par exemple. Les vagues de protestations se poursuivent sans renverser le régime. L’État devient inefficace ou ultra violent, exacerbant la désillusion et la perte de confiance des citoyens. Le résultat serait un effondrement des fonctions de l’État et la création d’un vide de pouvoir qui pourrait donner lieu à une instabilité régionale ou à l’émergence d’acteurs non étatiques.
À quand la prochaine crise ?
Iran, 4000 manifestation dans 282 villes