Au fil de meetings et de cérémonies d’hommage multiformes appelant à sa candidature en 2025, Alassane Ouattara met en scène un soutien populaire qui rendrait légitime sa candidature à un 4è mandat qui viole la constitution ivoirienne limitant les mandats présidentiels à deux.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
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Alassane Ouattara prépare l’annonce officielle de sa candidature à un 4è mandat
Jamais trois sans quatre. Le président ivoirien Alassane Ouattara qui devrait briguer un quatrième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire en 2025 en surfant sur la victoire de l’équipe de football ivoirienne à la CAN 2024. Comme il y a cinq ans, cette candidature sera inédite au regard de la constitution ivoirienne qui limite les mandats présidentiels à deux. Or Alassane Ouattara est à la tête de la Côte d’Ivoire depuis le 11 avril 2011. Son deuxième et dernier mandat prenait officiellement fin en 2020.
Il avait d’ailleurs fallu la mort subite de son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, intervenue à quatre mois du scrutin, pour que le dirigeant ivoirien revienne dans la course, déclenchant une série de violences à travers tout le pays. Ces heurts avaient fait officiellement 85 morts et plus de 500 blessés selon des sources gouvernementales.
Plusieurs opposants avaient été arrêtés, notamment au domicile du président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, porté à la tête d’un Conseil national de la transition (CNT) par l’opposition qui avait choisi de boycotter le scrutin. Le CNT mettait surtout fin au mandat du président Ouattara au profit d’une transition politique.
Moi ou le chaos
Cette fois, c’est au fur et à mesure de meetings de soutien minutieusement scénarisés et des cérémonies d’hommage qui le sont tout autant dans diverses régions du pays qu’Alassane Ouattara prépare l’annonce officielle de sa candidature à un 4è mandat. Les Ivoiriens ne se font d’ailleurs d’autant moins d’illusions sur une telle issue que le pays est habitué aux violations de la loi par ses gouvernants. Ces mises en scène de liesse vont accréditer l’expression d’une volonté populaire supérieure en faveur du chef de l’Etat qui a éliminé tout concurrent possible au sein de son propre camp.
Ainsi, après une série de meetings organisés par le parti du président Ouattara pour préparer les esprits à sa prochaine candidature, c’est maintenant le « peuple » qui a la parole dans le cadre de cérémonies d’hommages entièrement téléguidées de bout en bout par le régime. Ainsi, le samedi 27 avril dernier, plusieurs milliers de personnes représentant les populations Atchans et Akyé et leurs différents alliés ont exprimé leur indéfectible attachement à Alassane Ouattara à Songon, à 43,4 km d’Abidjan. Celles de la région de l’Agneby-Tiassa devraient suivre le 4 mai prochain à Agboville où Laurent Gbagbo a récemment tenu sa « Fête de la Renaissance ». Pour déplacer ces foules sur les lieux de la manifestation, le régime via ses argentiers, directeurs généraux d’administration publique, privés et élus mobilise des dizaines de millions de francs CFA pour assurer la logistique et mettre les manifestants à l’aise en leur assurant per diem et argent de poche.
Un nouveau duel Gbagbo-Ouattara
Pourtant, l’hostilité politique n’est plus vraiment la même. Car contrairement à 2020, la candidature de l’ex-président, Laurent Gbagbo, expulsé du fichier électoral, officiellement pour sa responsabilité dans le casse de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) durant la crise post électorale, mais en fait parce qu’il fait peur au régime de Ouattara, a paradoxalement rendu légitime celle de son adversaire. À 80 ans lorsque le scrutin présidentiel aura lieu, Gbagbo n’était plus attendu sur la ligne de départ, fatigué après sa longue détention à la prison de la Cour pénale internationale (CPI) et partisan d’une limitation de l’âge lors de l’élection présidentielle. Ce qui était d’ailleurs le cas avant qu’un référendum, promu par le président Ouattara, qui aura 83ans à la prochaine Présidentielle, n’abroge cette disposition.
Laurent Gbagbo espère maintenant qu’Alassane Ouattara va entendre raison et rendre possible son éligibilité en 2025 comme lui-même l’avait fait à son égard grâce à l’article 48 de la constitution. Mais pour l’heure, le président ivoirien n’a toujours pas répondu au courrier du Parti des peuples Africains (le parti de Laurent Gbagbo) qui l’invite, depuis le 15 mars, à une négociation sur le sujet. La perspective de ce match retour ne rassure pas tout le monde dans le pays mais pour Edwige K, « c’est la seule façon d’assurer la paix lors de l’élection présidentielle à venir ».
La violence électorale menaçante
En réalité, il faudrait plus que la participation de Gbagbo à la prochaine élection présidentielle pour gager la pacification du processus électoral. La Commission électorale penche en effet largement du côté du régime qui a le plus grand nombre de représentants et à qui profite également le découpage électoral fait sur mesure par une administration dévouée au RHDP. A cela, il faut ajouter le fichier électoral national, notamment ses millions de doublons et d’anomalies diverses dénoncés en septembre 2023 par la responsable des Sentinelles anti-fraude électorale (SAFE) du PPA-CI, Me Habiba Touré.
En Côte d’Ivoire, le jeu politique tourne essentiellement autour des leaders des principaux partis politiques. De sorte que, en l’absence d’Henri Konan Bédié décédé le 1er août 2023, l’élection présidentielle de l’année prochaine est déjà perçue comme la revanche du deuxième tour de l’élection de 2010 qui avait déjà opposé Gbagbo et Ouattara. Et les partisans de l’ancien qui rêvent du remake de cette opposition sont particulièrement déterminés à forcer la main au président ivoirien.
La pauvreté de l’offre politique
Treize ans après son retour en première ligne, l’ancien président ivoirien retrouve cependant une Côte d’Ivoire qui a prouvé son dynamisme économique avec la construction de maintes infrastructures publiques. Mais le pays n’a toujours pas franchi un cap sur le plan social. En dépit des chiffres du gouvernement qui sont souvent sujets à caution, la masse des pauvres se situe entre 40 et 50% de la population nationale dont 65% de femmes. Les jeunes sont les plus touchés par le chômage puisque sur plus de 60% de demandeurs d’emploi inscrits à l’office national de demandeurs d’emplois, 91% sont jeunes et sans qualification.
Pourtant, ces questions sont rarement au cœur des débats publics en Côte d’Ivoire, à l’exception de l’épineuse question du surendettement, qui se chiffre à 25.000 milliards, se traduit par un service de la dette égal à 68% de ses recettes fiscales.