Pour aider l’économie syrienne, dix sept tankers iraniens livre clandestinement son pétrole à hauteur d’un milliard de dollars. Mais les tankers fantômes peuvent néanmoins être tracés par satellite.
Huit pétroliers différents ont livré à 17 reprises au cours des six derniers mois, plus de 16 millions de barils de pétrole iranien à la Syrie. Une enquête du journal israélien Haaretz révèle que des « pétroliers fantômes » ont accosté au port syrien de Baniyas, au sud de Lattaquié, au mépris des sanctions américaines imposées à la fois à l’industrie pétrolière iranienne et au gouvernement de Bashar al Assad.
Après que les États-Unis ont eu dénoncé l’accord nucléaire iranien de 2015, le président de l’époque, Donald Trump, a relancé les sanctions sur les exportations de pétrole iranien. Son successeur, le président Joe Biden, a proposé de supprimer les sanctions pour faciliter le retour aux accords nucléaires, mais les Iraniens n’ont pas donné suite. Sans doute parce qu’ils exportent très bien leur pétrole en dépit des sanctions.
Sous pavillon iranien
Les pétroliers qui livrent la Syrie en pétrole iranien naviguent sous pavillon iranien. Ils portent le nom de Daran, Sam 121, Lotus, Arman 114, Shadi, Veronica, Sirvan Sabou et Ares. Daran est le plus petit des huit pétroliers, avec une capacité de 316 308 barils. Le plus gros est Arman 114, qui peut transporter plus de 2 millions de barils.
Selon les données de suivi des navires et les images satellites, les navires ont accosté à Baniyas au moins 17 fois, livrant 16,4 millions de barils. Selon TankerTrackers.com , qui suit les expéditions de pétrole brut dans plusieurs points d’intérêt géographiques et géopolitiques, il y a eu, entre novembre 2022 et avril 2023, 20 départs de l’Iran vers la Syrie, pour un total de 17,1 millions de barils
Des cargaisons de plus d’un milliard $.
Selon Haaretz, la valeur du pétrole iranien expédié en Syrie pendant cette période est estimée à 1,25 milliard de dollars.Pour gagner la Syrie, les pétroliers quittent l’Iran, traversent le Golfe jusqu’au canal de Suez en Égypte, seul moyen de gagner la mer Méditerranée. Pour emprunter le canal, les pétroliers iraniens sont obligés d’allumer leurs émetteurs-récepteurs afin d’indiquer leur position aux services de trafic maritime. Le système d’identification automatique (AIS) entre alors en action : il identifie le navire, sa vitesse, sa direction et son tirant d’eau, cette dernière information servant à déterminer le poids de la cargaison.
Une fois sortis du canal de Suez, les pétroliers iraniens éteignent leurs émetteurs-récepteurs pour naviguer tranquillement en Méditerranée vers la Syrie. En agissant ainsi, ils empêchent les Etats Unis et Israël de surveiller leur position. En réalité, leurs mouvements sont suivis par des satellites. Les images publiées par Haaretz montrent qu’indubitablement, des tankers iraniens se rendent à Baniyas (Syrie) pour décharger leur pétrole.
De retour dans le canal de Suez, les tankers rallument leurs émetteurs-récepteurs et les informations qu’ils donnent sur leur tirant d’eau montrent qu’ils ont bien livré leur marchandise.
De navire à navire
De retour en mer Rouge, les pétroliers « s’assombrissent » à nouveau pour dissimuler leurs déplacements. Certains retournent en Iran pour charger plus de pétrole. Mais selon TankerTrackers.com, ces pétroliers vides peuvent aussi être accostés en pleine mer par des pétroliers plus grands qui leur transfèrent une partie de leur cargaison de pétrole. Ils retournent ainsi plus rapidement en Syrie.
Pour dissimuler l’origine du pétrole transporté, ces navires se livrent à de fréquents transferts de navire à navire. Apres l’invasion de l’Ukraine, de nombreux pétroliers transportant du pétrole russe sanctionné ont également commencé à naviguer « dans le noir », avec leur AIS éteint, se livrant à des transferts de navire à navire sans surveillance.
Les « pétroliers fantômes » iraniens sont vieux et peu entretenus. Le risque de marée noire est donc non négligeable. « C’est une bombe à retardement », déclarent des ONG environnementalistes.
Reuters a calculé qu’en 2022, huit échouements, collisions ou quasi-accidents impliquant des pétroliers transportant du brut sous sanctions avaient eu lieu.
Israël a attaqué de nombreux pétroliers iraniens en mer Rouge alors qu’ils se dirigeaient vers la Syrie dans le but de bloquer le flux de fonds vers le Hezbollah. En réponse, l’Iran a attaqué des cargos appartenant à des hommes d’affaires israéliens dans le golfe d’Oman et la mer d’Oman.
En février 2021, une importante marée noire a été occasionnée par un navire libyen transportant du pétrole iranien en Syrie alors qu’il naviguait le long des côtes israéliennes avec ses émetteurs-récepteurs éteints. Le déversement, qui a été qualifié de « terreur écologique » par Gila Gamliel, ministre de la Protection de l’environnement israélien, a laissé 160 kilomètres de la côte méditerranéenne d’Israël couvertes de goudron. Le nettoyage et la restauration du rivage ont pris plus d’un mois.
Les Tankers « fantômes » iraniens au service de la Russie