L’Union africaine devrait faire pression pour que des enquêtes et des poursuites soient lancées contre l’armée malienne et son allié russe
- Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025.
- Les soldats maliens et les combattants du groupe Wagner ont accusé la communauté peule de collaborer avec des groupes armés islamistes qui se battent pour prendre le contrôle de certaines parties du pays.
- L’Union africaine devrait accroitre ses efforts au Mali pour aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables.
- Les groupes armés islamistes, qui sont impliqués dans de nombreux abus graves, ont longtemps concentré leurs efforts de recrutement au sein de la communauté peule. Les gouvernements maliens successifs ont fait l’amalgame entre la communauté peule et les combattants islamistes, mettant les Peuls dans une situation dangereuse.
(Nairobi, le 22 juillet 2025) – Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
L’armée malienne et le groupe Wagner, qui mènent des opérations conjointes contre des groupes armés islamistes depuis plus de trois ans, semblent avoir exécuté au moins 12 hommes peuls et fait disparaître de force au moins 81 autres depuis janvier, dans le cadre d’opérations de contre-insurrection conduites dans plusieurs régions du pays contre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM) lié à Al-Qaïda. Des témoins ont indiqué que des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner ont commis des abus contre des personnes appartenant à l’ethnie peule, qu’ils accusent de collaborer avec le GSIM.
« La junte militaire malienne est en fin de compte responsable des exécutions sommaires et des disparitions forcées perpétrées par l’armée et par des combattants du groupe Wagner allié à l’armée », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « La junte devrait mettre fin aux abus, révéler où se trouvent les personnes détenues, mener des enquêtes et traduire les responsables en justice. »
La participation de Wagner depuis 2021
Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles, corroborées par les Nations Unies, selon lesquelles l’armée et des combattants de Wagner ont exécuté 65 éleveurs et marchands de bétail peuls du village de Sebabougou, dans la région de Kayes, en avril après les avoir rassemblés et conduits vers un camp de l’armée.
Le 30 mars, l’armée malienne et des combattants de Wagner sont entrés dans le village de Belidanédji, dans la région de Ségou, et ont exécuté sommairement au moins six civils peuls qui s’enfuyaient ou se cachaient, d’après les récits de témoins. « Ils ont tiré dans dans la poitrine de mon ami devant moi », a raconté un homme de 47 ans. « Lorsque les soldats sont partis, nous avons récupéré cinq corps et évacué un homme blessé, mais il est décédé plus tard à l’hôpital. »
Human Rights Watch documente des abus généralisés commis par l’armée malienne et le groupe Wagner lors d’opérations de contre-insurrection à travers le pays depuis 2021. Le 6 juin, le groupe Wagner a annoncé qu’il se retirait du Mali après avoir « accompli » sa mission. Des sources au sein des services de diplomatie et de sécurité ont déclaré aux médias que les combattants de Wagner seraient remplacés par Africa Corps, un groupe paramilitaire sous le contrôle direct du gouvernement russe qui a été créé après la mort du fondateur du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, en 2023.
Le recadrage annoncé de la présence russe au Mali a coïncidé avec une série d’attaques majeures menées par des groupes armés islamistes et des groupes séparatistes touaregs en juin, au cours desquelles des dizaines de soldats maliens et quelques combattants d’Africa Corps ont été tués.
L’UA devrait accroitre ses efforts au Mali afin d’aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes sur les abus et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables. Cela est d’autant plus urgent que le Mali s’est retiré du bloc régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en janvier, ce qui prive les victimes d’abus de la possibilité de recours devant la cour régionale ouest-africaine. Une mission de maintien de la paix des Nations Unies a quitté le Mali en 2023 à la demande de la junte militaire malienne, ce qui a accru les préoccupations concernant la protection des civils et la surveillance des abus.
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