La photo ci-dessus, prise voici deux jours dans le palais présidentiel syrien, a suscité l’ire de la presse du Caire proche du maréchal Abdelfettah Said Khalil El Sissi. On y découvre au centre le chef de HTC et nouveau maitre de Damas, Ahmed Al Charâ, alias Al Joulani, avec à sa droite un des leaders des frères musulmans égyptiens, Mahmoud Fethi, qui réside en Turquie et sur sa gauche, le conseiller des relations extérieures du parti du président Erdogan.
Aussi bien en Syrie, en Tunisie, en Égypte qu’aux Émirats, les Frères Musulmans, qu’ils soient massacrés, emprisonnés ou exilés, avaient été, ces dernières années, quasiment effacés du paysage politique arabe. Dans le conflit entre Palestiniens et Israéliens provoqué par l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, les « Frérots », comme on les surnomme, avaient la plus grande peine à se positionner, même avec leur duplicité habituelle, entre un soutien incontestable au Hamas palestinien, formation d’inspiration frériste, et une détestation du régime chiite iranien, comme l’avait confirmé voici quelques moisà Mondafrique le responsable du département de formation des Frères musulmans en Syrie, Samir Abou Al-Laban, pour qui « Khomeiny est une anomalie ».
Cette perte d’influence s’expliquait par l’atomisation de cette mouvance après les revers subis en Égypte et en Tunisie. Depuis le coup d’État militaire qui porta au pouvoir le maréchal Sissi en 2013, les Frères musulmans égyptiens s’étaient divisés en trois chapelles: l’une clandestine au Caire, une faction à Londres, et une troisième à Istanbul. Ajoutez que leurs plus ardents défenseurs, à savoir la Turquie et le Qatar, s’étaient rapproché, sinon réconcilié, avec l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, autant de régimes qui classent les Frères musulmans parmi les organisations terroristes.
Enfin, en 2022, la Confrérie a perdu ses deux figures les plus marquantes, le prédicateur qatari Youssef Qaradawi, longtemps animateur sur Al-jazeera de l’émission La Charia et la Vie. Et l’Égyptien Ibrahim Mounir, le Guide suprême par intérim, en exil à Londres.
Cette relégation de la confrérie touche-t-elle à sa fin avec l’écroulement du régime syrien? La rencontre à Damas dont Mondafrique publie la photo dénote en tout cas une proximité entre les trois leaders syrien, turc et égyptien avec les Frères Musulmans. D’autant que par ailleursn le nouveau pouvoir syrien a donné peu de signes d’ouverture aux mouvements d’opposition syriens et n’a pas amorcé de véritable rencontre avec les représentants des principales minorités vivant en Syrie. D’où un possible retour sur la scène moyen orientale de la confrérie, soubassement de l’Islam politique arabe honni par les monarchies pétrolières et les occidentaux.
Le maréchal Sissi sur le grill
La présence à Damas de Mahmoud FETHI, un membre très actif des frères musulmans réfugié en Turquie, n’a pas manqué de provoquer une vive inquiétude de la part d’un régime égyptien en proie à une réelle déstabilisation. La gestion du maréchal Sissi, délaissé par ses amis séoudiens, est plombée par une crise socioéconomique profonde, un endettement colossal et une fermeture du champ politique jamais démentie.
L’opposant Egyptien est bien connu des services de sécurité du Caire. Mahmoud Fethi, membre du mouvement les déterminés, a joué un rôle actif dans les évènements de 20 précédant la chute d’un autre président maréchal, Hosni Moubarak. Très jeune, il a occupé le poste d’un des conseillers du premier adjoint du guide de la confrérie des frères musulmans, entre 2012 et 2013, Khayrat Al chater.
Depuis Istanbul, il a réussi à mettre sur pied une structure dénommée « l’instance légitimes des droits et des réformes » qui avait pour but d’intégrer une parie de la tendance salafiste, en rupture avec son parti, « El Nour », qui avait apporté son soutien au coup d’Etat du maréchal Sissi contre le président Morsi
Très actif depuis la capitale turque depuis sa sortie d’Egypte le 30 mai 2013 où il a, tout récemment, formé un courant politique très élargit à la mouvance islamiste dénommé « la nation Egyptienne ». Cette initiative de rapprochement des mouvements laïcs et nationalistes, notamment de l’opposant Aymen Nour refugié lui aussi en Turquie inquiète, non seulement le régime égyptien, mais aussi les monarchies du golfe (voir l’article ci dessous).
Les ambiguités des Saoudiens face au Hamas palestinien