Adama Bictogo, l’héritier dont Alassane Ouattara ne veut pas

Depuis le 22 février, des populations abidjanaises sont confrontées à des chantiers de reconstruction de grande ampleur qui chassent les populations de leurs domiciles et cachent, dans certains cas, des règlements de comptes au sein du pouvoir ivoirien.

Bati Abouè

Le mardi 20 février 2024, Adama Bictogo s’est entretenu avec le Premier ministre égyptien, Moustafa Kemal Madbouli, au Caire, dans le cadre d’échanges visant à resserrer des relations bilatérales fondées sur des intérêts diplomatiques, politiques, économiques et culturels entre l’Égypte et la Côte d’Ivoire.

En Côte d’Ivoire, les violents « déguerpissements » de quartiers continuent de susciter l’émoi et la colère des abidjanais. Mais si ces destructions offrent un spectacle de désolation et de souffrances insoutenables, elles donnent aussi à voir une arrière-cour de règlements politiques et de coups-bas entre les séides du président et ceux qui rêvent de lui succéder. Et parmi ces dangereux rêveurs à éliminer figure un certain Adama Bictogo. Le président de l’Assemblée nationale est en effet devenu l’homme à abattre le jour où il s’est imposé au président Ouattara comme le seul homme de son camp susceptible de succéder à Amadou Soumahoro qui venait d’être emporté par une longue maladie.

Compte tenu des longues absences de l’ex-président qui se faisait régulièrement soigner en Turquie, Bictogo avait rapidement pris la direction des choses à l’Assemblée nationale, se mettant facilement dans la poche les leaders de l’opposition avec lesquels il savait par-dessus tout être prévenant. En conséquence, lorsque le président Ouattara voulut voir Anne Ouloto rejoindre la tête de l’hémicycle, il se rendit compte que la quasi-totalité des députés, toutes tendances confondues, avaient choisi Adama Bictogo.

A partir de là, le député d’Agboville devint l’homme à abattre, d’autant plus clairement que son inextinguible ambition pour le pouvoir ne pouvait que le conduire à voir plus haut. Alors, pour calmer ses ardeurs, le parti le parachuta à Yopougon, à l’occasion des élections municipales. Dans ce bastion traditionnel de Gbagbo, le président de l’Assemblée nationale ne pouvait que perdre, du moins c’est ce qu’on croyait au RHDP. Comment aurait-il pu en être autrement ? Le patron du parti Koné Kafana, maire sortant, avait mordu la poussière ici lors des municipales passées.

Mais Adama Bictogo avait plus d’un tour dans son sac. Contrairement à Kafana, il avait en effet réussi à diviser la coalition PDCI/ PPA-CI pour s’imposer le jour du vote. Mieux, il faisait désormais cause commune avec le fils aîné de Laurent Gbagbo avec qui on le voit désormais partout. C’est pourquoi dès que les premiers casses sont intervenus, Adama Bictogo comprit vite que c’est le lien avec les populations de Yopougon qui était menacé.

Guerres de sérail

Ces dernières années, le régime a multiplié les actions visant à saper l’autorité du président de l’Assemblée nationale qui est également le patron de la Société nationale d’édition de documents administratifs et d’identification (Snedai) et qui est, à ce titre, chargée de la confection du passeport ivoirien. Abidjan conteste en effet son titre de premier pays ayant le plus grand contingent d’immigrés et, dans ce contexte, ce sont les conditions d’acquisition du passeport national qui sont épinglées comme la cause de cette mauvaise réputation.

Avant la fin de la concession qui s’achève dans quelques mois, le ministre de l’intérieur s’est rendu en Europe pour prospecter de nouvelles entreprises. A cela, s’ajoute le dernier rapport de la Cour des comptes qui a fait apparaître que les sommes destinées à l’Etat sont confisquées par la société Snedai. Adama Bictogo a réagi par un communiqué pour balayer ces accusations. Selon lui, les sommes alléguées sont enregistrées dans un compte séquestre disponible dans deux banques de la place.

Mais ces fuites visent surtout à empêcher la reconduction de la concession de Snedai dont le propriétaire tente aussi de garder le lien avec les déguerpis et l’ensemble des populations de Yopougon. Ces derniers jours, Adama Bictogo a en effet promis de renoncer à son salaire de maire qui est de 800.000 F. Sur les 5 prochaines années, cela fera 40 millions, assure-t-il. Bictogo promet également de recaser les 1800 personnes déguerpies afin de ne pas être trop distancé dans cette guerre pour la succession de Ouattara. Qui ne manquera d’offrir de nouveaux épisodes