Grandissime favori parmi tous ceux qui sont appelés à succéder à Bédié à la tête du parti, Tidjane Thiam reste néanmoins sous la menace des statuts du PDCI qu’il avait quelque peu snobé durant son exil professionnel en Europe.
C’est maintenant l’heure du jugement pour Tidjane Thiam qui espère prendre la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) le 16 décembre prochain, après le décès d’Henri Konan Bédié. L’ancien directeur général de l’ex-Crédit Suisse, dont la fortune et les relations professionnelles à travers le monde font fantasmer ses supporters, doit en effet affronter les statuts du parti, dont certaines dispositions sont pour lui clairement rédhibitoires.
Pour prendre la tête du PDCI, il faut en effet être membre du bureau politique pendant au moins dix ans sans discontinuer, participer aux activités du parti et payer régulièrement ses cotisations. Ces règles basiques, l’actuel président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited ne les remplit pas. Pour cause, depuis son départ forcé en Europe, dans la foulée du coup d’Etat militaire qui a renversé Henri Konan Bédié en 1999, il n’avait plus remis les pieds en Côte d’Ivoire qu’occasionnellement et pour des raisons familiales. Sorti pour cette raison des petits papiers du parti, Tidjane Thiam n’a retrouvé sa place qu’en mai 2023, soit quatre mois avant le décès d’Henri Konan Bédié.
Au PDCI, les membres du bureau politique sont nommés entre deux congrès. Or après le 10è congrès, qui s’est tenu en 1996, l’arrière petit neveu d’Houphouët-Boigny n’a plus figuré sur la liste du bureau politique bien que le parti soit passé par deux nouveaux congrès, le dernier en date étant celui de 2013. C’est d’ailleurs l’argument utilisé par une association des cadres du PDCI qui explique que Tidjane Thiam n’ayant « plus figuré sur une liste du bureau politique jusqu’à sa réintégration en mai 2013 », ne peut pas prétendre à la succession de Bédié.
Pour ne rien arranger, l’arrière petit neveu d’Houphouët n’aurait pas attendu les conclusions de la dernière réunion du bureau politique pour mettre les voiles. Mais quoiqu’en disent ses détracteurs, les partisans de Thiam ne veulent pas s’en laisser conter. Il y a quelques jours, une cinquantaine d’élus du parti comprenant des députés et des sénateurs ont appelé à sa candidature parce que « par sa jeunesse, son dynamisme, son entregent et son parcours professionnel et politique, (Thiam) est assurément l’homme de la situation, capable de refaire du PDCI-RDA une machine de reconquête et nous faire gagner la prochaine élection présidentielle », ont-ils écrit.
Le soutien sans réserve des élus à la candidature de Thiam est assez compréhensible. L’ancien patron de l’ex-Crédit Suisse aurait en effet mobilisé sur fonds propres – mais était-ce réellement sur fonds propres ? – un milliard de Fcfa pour financer les candidats du PDCI aux dernières élections municipales et régionales. Henri Konan Bédié en faisait du reste tout autant.
Dès lors, Tidjane Thiam a convaincu une grande partie du landernau politique local qu’il peut valablement remplacer Bédié à la tête du PDCI. C’est d’ailleurs ce que ne cesse de seriner sa garde rapprochée politique qui tente à présent de renvoyer aux calendres grecques le débat sur l’application stricte des textes du parti, trop embarrassant pour Thiam qui s’est inscrit sur la liste électorale nationale, là aussi, seulement en mai dernier.
Z. Bati Abouè