Surpris par le coup d’Etat du 26 juillet dernier au Niger, le Panel d’experts mandaté par le secrétaire général de l’ONU pour évaluer l’action de la communauté internationale au Sahel ne s’est plus réuni. Ne serait-ce que parceque ce ce comité est présidé par l’ex-président Mahamadou Issoufou qui es soupçonné désormais d’être partie prenante du coup d’état contre son successeur Mohamed Bazoum
C’est un des dommages collatéraux du coup d’Etat du coup d’Etat qui a renversé le 26 juillet dernier le président Mohamed Bazoum : les travaux du Panel d’experts chargé par Antonio Guterres d’auditer l’action de l’ONU au Sahel et de proposer un changement de cap a arrêté brusquement son travail. Dans le contexte politique nigérien actuel, l’ex-président Issoufou n’a plus la tête aux travaux du Panel qu’il préside.
C’est que l’ancien chef d’état se débat pour prouver qu’il n’est pour rien dans le coup d’Etat du général Abdourahamane Tiani alors même qu’il est cerné par des accusations de collusion venant de toutes parts, y compris de son successeur à la tête du Niger et du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Outre les soupçons d’avoir partie liée avec les putschistes, l’ancien président nigérien est désormais sous la forte pression d’une grande partie de la société civile nigérienne qui réclame son arrestation pour des faits présumés de corruption, d’enrichissement illicite et de mauvaise gouvernance. Le Mouvement M 62, réputé favorable aux militaires au pouvoir, demande même qu’il soit traduit devant la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre contre l’humanité et apologie du terrorisme ». Il n’y a donc pas de sérénité nécessaire pour que le Panel d’experts reprenne ses travaux à Niamey.
Gâchis énorme
Alors que les Nations unies ont déjà mis d’importantes sommes dans les activités du panel (indemnités versées aux experts, frais d’hôtel, billets d’avions, etc.), ses travaux pourraient en rester là, faute de pays d’accueil pour assurer la poursuite des travaux. A l’étranger, l’ex-président n’est plus le bienvenu dans la plupart des capitales ouest-africaines, notamment celles des pays membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour ne rien arranger à son sort, l’ex-président Issoufou, déjà en froid avec ses homologues de la région pour son rôle controversé dans le coup d’Etat du 26 juillet, s’est dit ouvertement opposé à toute intervention militaire de l’organisation régionale ouest-africaine. Il n’a pourtant jamais clairement dit son opposition au coup d’Etat lui-même. Avant même les difficultés actuelles du Panel, plusieurs spécialistes de la région avaient fait part de leur doute sur la légitimité de l’ex-président Issoufou à conduire une évaluation objective sur l’action de la communauté internationale au Sahel. Pour avoir été chef de l’Etat du Niger pendant dix ans (2011-2021), donc acteur de la stratégie antiterroriste des pays du Sahel, les mêmes experts soutiennent qu’il est « juge et partie » dans ce travail d’audit confié par les Nations-Unies. A la vérité, Issoufou doit sa désignation à la tête du Panel non pas pour sa connaissance ou son expertise sur le Sahel, mais à sa proximité avec Antonio Guterres, ancien Premier ministre du Portugal, qu’il avait connu dans les rangs de l’International socialiste (IS).
Véto de Guterres
Ironie de l’histoire, c’est le même Guterres qui a personnellement ordonné en septembre dernier la déprogrammation de la présentation par l’ex-président Issoufou du Rapport de son Panel d’expert, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Depuis le coup d’Etat du 26 juillet, et le refus persistant de l’ex-président de condamner le putsch, le pont est rompu entre « les deux camarades de l’International socialiste ». Les Nations Unies et la CEDEAO ne sont pas les seules organisations internationales où l’ancien président nigérien, lauréat 2021 du prix Mo Ibrahim pour la bonne gouvernance, n’est plus en odeur de sainteté. Après l’avoir reçu au début de cette année à Bruxelles avec tapis rouge et accolades chaleureuses, les dirigeants de la Commission européenne ne décolèrent plus envers « l’homme par qui le scandale est arrivé au Niger ». Le Haut Représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère Josep Borell a réaffirmé le soutien « sans équivoque » de l’Europe au président renversé Mohamed Bazoum, ajoutant qu’il demeurait toujours « le seul interlocuteur légitime de l’Europe ».
Carrière internationale brisée
Au-delà même des déboires du Panel d’experts des Nations Unies qu’il préside, le coup d’Etat du 26 juillet sonne le glas de la carrière internationale de l’ex-président nigérien. Fini les invitations à n’en plus finir aux conférences internationales, adieu les sollicitations pour présider tel ou tel événement ou préfacer un ouvrage sur la démocratie en Afrique. A vérité, c’est le masque qui tombe avec le renversement du président Bazoum par le CNSP. Pendant très longtemps, l’ex-président nigérien a su cacher à l’international son vrai visage. A grands renforts de communication orchestrés par l’Agence de communication parisienne Image 7, grassement payée par le trésor public nigérien, Mahamadou Issoufou a vendu l’image « de démocrate exemplaire », allant jusqu’à décrocher le prix Mo Ibrahim et siéger au Conseil d’administration International crisis Group (ICG). Cette période est désormais révolue. La mort lente du Panel d’expert sur le Sahel risque d’être pour l’ex-président Issoufou la fin d’une carrière internationale si prometteuse.
Francis Sahel