Vladimir Poutine tente de reprendre la main en Afrique et de sortir la Russie de son isolement international.
L’intérêt des pays africains pour le second sommet Russie-Afrique qui s’est terminé le 28 juillet à Saint-Pétersbourg n’est pas difficile à expliquer. Les combats en Ukraine ont eu de graves conséquences pour l’Afrique à commencer par les exportations de céréales via la mer Noire (avant la guerre, quinze États africains recevaient plus de la moitié de leurs importations de céréales soit d’Ukraine et/ou de Russie).
Les pays africains ont également été touchés par la hausse des prix de l’énergie déclenchée par les sanctions occidentales sur les exportations de pétrole et de gaz russes. Cela a à son tour alimenté l’inflation sur le continent et, parallèlement à la détérioration de la situation économique extérieure, a porté un coup dur à la stabilité financière. Certains pays africains ont connu une dégradation de leur notation de crédit et une augmentation significative des coûts d’emprunt.
Il est également important de rappeler que l’Afrique constitue l’un des plus grands blocs électoraux régionaux aux Nations Unies. Même si certaines résolutions de l’ONU peuvent sembler insignifiantes, elles joueront toutes un rôle dans tout processus de paix éventuel en Ukraine. Les dirigeants africains – tant individuellement que collectivement – pourraient également jouer un rôle de médiateur entre Moscou et Kiev.
L’Ukraine dénigrée, forcément
Dans son discours d’ouverture au sommet Russie-Afrique, le président russe Vladimir Poutine a non seulement promis entre 25 et 50 000 tonnes de céréales gratuites au Burkina Faso, au Zimbabwe, au Mali, à la Somalie, à la République centrafricaine et à l’Érythrée. Il a présenté la Russie comme un allié de nations africaines en dénigrant l’Ukraine : Poutine a déclaré que sur les 32,8 millions de tonnes de marchandises exportées d’Ukraine, plus de 70 % étaient destinées à « des pays à revenus élevés et supérieurs à la moyenne, principalement vers l’Union européenne ». Pendant ce temps, des pays comme l’Éthiopie, la Somalie et le Soudan avaient reçu moins de 3 % des exportations ukrainiennes.
Poutine a aussi annoncé que les pays participants au sommet « passeraient progressivement aux monnaies nationales, y compris le rouble, pour effectuer les paiements financiers dans le cadre d’accords commerciaux ». C’est une indication supplémentaire de la tendance mondiale croissante vers la « dédollarisation » ou le commerce entre les pays dans leur propre monnaie nationale ou dans une troisième monnaie pour défier l’hégémonie financière des États-Unis.
L’un des principaux moteurs de ce changement est le groupe BRICS et la Nouvelle Banque de Développement (NDB), qui offriront aux pays une alternative non seulement en matière de commerce, mais surtout en matière de dette. La dette libellée en dollars américains a continué à plonger les pays encore plus dans la crise économique tout en les obligeant à se tourner vers le FMI et la Banque mondiale, dominés par les États-Unis, pour obtenir des accords de prêt axés sur l’austérité.
Des dettes annulées
Poutine a déclaré aussi que la Russie avait annulé 23 milliards de dollars de dette des pays africains et allouerait plus de 90 millions de dollars supplémentaires à l’allégement de la dette.
Ce deuxième sommet Afrique – Russie avait également pour but de sortir la Russie de son isolement diplomatique et économique. Le premier sommet Afrique – Russie en 2019, a été considéré comme le point de départ du retour de la Russie en Afrique, dans un contexte de confrontation mondiale avec l’Occident.
À l’époque, la Russie disposait effectivement d’un levier majeur sur le continent : les liens tissés pendant la période soviétique ; une réputation non ternie par la colonisation ; et une expertise dans des domaines cruciaux comme la sécurité, les soins de santé et l’éducation.
Au sommet de 2019, Poutine avait promis que la Russie et l’Afrique doubleraient leurs échanges commerciaux en quatre ou cinq ans en se basant sur les dizaines d’accords commerciaux d’une valeur estimée à 15 milliards de dollars.
Mais quatre ans plus tard, force est de reconnaître que non seulement les volumes commerciaux n’ont pas doublé, mais qu’ils ont même diminué. Sans parler des investissements directs russes en Afrique qui représentent actuellement environ 1 % du total des flux entrants.
Les diverses controverses autour des mercenaires de Wagner – violations des droits de l’homme et nouvelle forme de colonialisme de la canonnière – n’ont pas aidé non plus à la bonne image de la Russie en Afrique.En d’autres termes, depuis le dernier sommet de 2019, les liens économiques de la Russie avec l’Afrique se sont effilochés. Seuls vingt-sept pays ont envoyé des personnalités politiques de premier plan au sommet, contre quarante-cinq pays en 2019.
Néanmoins, si Poutine voulait vérifier que la Russie n’était pas seule dans un monde injuste, alors le rassemblement a atteint son objectif.