Les relations entre les militaires auteurs du coup d’Etat qui a renversé mercredi le président nigérien Mohamed Bazoum et la France ne seront pas, de toute évidence, un long fleuve tranquille. Toute intervention de la France, préviennent les militaires, mettrait l’intégrité physique de l’ex Président Bazoum en question. Une chronique signée NB
Dans une déclaration lue vendredi à la radio et à la télévision publiques nigériennes, le porte-parole du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a accusé « le partenaire français » d’avoir violé la mesure de fermeture des frontières aériennes en faisant atterrir jeudi matin un aéronef militaire sur l’aéroport international Diori Hamani de Niamey. Moins de 24 heures après cette première accusation, les militaires ont reproché à des chancelleries occidentales, particulièrement celle de la France, d’accueillir et de servir de bases-arrière à des dignitaires du régime qu’ils ont renversé aux fins de déstabilisation. En réalité, le CNSP reproche à l’ambassade de France à Niamey d’avoir accueilli le ministère des Affaires étrangères nigérien Hassoumi Massaoudou, qui en a profité pour accorder une interview à France 24 dans laquelle il appelle à la résistance contre le coup d’Etat.
Sur instruction des autorités militaires aux commandes du pays, le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Addo Elhadj a écrit aux différentes ambassades occidentales installées au Niger pour leur reprocher leurs manquements au devoir de réserve. A la veille du sommet extraordinaire de la CEDEAO prévu, le CNSP a mis en garde contre toute intervention militaire extérieure. « Le CNSP rappelle sa ferme détermination à défendre la patrie contre toute intervention extérieure organisée par la CEDEAO ou tout autre aventurier », précise un communiqué, faisant clairement allusion au projet d’une intervention militaire prêtée à la France.
Un Conseil de défense à Paris
Un sommet extraordinaire de l’organisation sous régionale est prévu ce dimanche à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria, pour discuter de la situation du Niger. Outre la suspension du pays des rangs de la CEDEAO, un projet d’une intervention militaire pour rétablir le président Bazoum serait sur la table des chefs d’Etat conviés au Sommet extraordinaire. Bien que son pays ne soit pas membre de la CEDEAO, le président de transition tchadien Mahamat Idriss Deby a été convié à la rencontre prévue ce dimanche à Abuja. Le coup d’Etat militaire au Niger a valeur de baptême Bolla Tinubu, investi président du Nigeria le 29 mai dernier et porté à la tête de la CEDEAO le 10 juillet à Bissau, en Guinée-Bissau, par ses pairs. Le successeur de Muhamadu Buhari avait alors annoncé qu’il ferait de la lutte contre les coups d’Etat le marqueur de son mandat d’un an à la tête de l’organisation sous-régionale.
À la veille du sommet extraordinaire de la CEDEAO, le président français Emmanuel Macron a réuni hier samedi à Paris un Conseil de défense extraordinaire pour discuter avec ses ministres et l’état-major des armées françaises des scénarios envisageables pour le retour à l’ordre constitutionnel normal au Niger, y compris l’option d’une intervention militaire sous le parapluie de la CEDEAO et de l’Union africaine. Avec 1500 soldats présents sur le territoire mnigérien, la France est en première ligne dans la condamnation du coup d’Etat militaire au Niger. Après la perte du Burkina Faso et du Mali, deux pays dans lesquels se sont installés de pouvoirs militaires qui lui sont ouvertement hostiles, Paris mettra tout en œuvre pour ne pas perdre le Niger.
Bien au-delà des enjeux géostratégiques, le Niger tient une place importante dans la fourniture de l’uranium à la France, produit d’autant plus stratégique qu’il entre dans l’approvisionnement des centrales nucléaires françaises qui produisent une bonne part de l’électricité consommée dans le pays.
Des menaces contre Mohamed Bazoum
Dans une déclaration rendue publique jeudi, le haut commandement des forces armées nigériennes (FAN) a estimé que toute intervention militaire, d’où qu’elle vienne, serait porteuse de risques d’abord pour l’intégrité physique du président Mohamed Bazoum qui est toujours retenu dans le palais présidentiel par les auteurs du coup d’Etat militaire.
La haute hiérarchie militaire nigérienne estime par ailleurs qu’une intervention extérieure pourrait provoquer le chaos dans le pays. Au nom de la souveraineté nationale, une bonne partie de l’opinion publique ne verrait pas d’un bon œil l’arrivée des troupes étrangères pour rétablir le régime renversé alors que la communauté internationale n’a pas manifesté la même solidarité avec le pays face aux nombreuses attaques terroristes meurtrières.
Niger : l’échec des négociations de la dernière chance