Notre ami Seidik Abba, ancien rédacteur en chef de « Mondafrique » et actuellement chroniqueur au Monde Afrique, soupçonne le régime nigérien de l’avoir fait mettre sur écoutes. Et il en apporte les preuves dans le texte ci dessous.
Prenant prétexte de la parution d’un livre que j’ai écrit sous le titre « Niger : la junte militaire et ses dix affaires sécrètes (2010-2011)», j’ai été mis sous étroite surveillance par les services de renseignement français. Et cela à la demande de leurs collègues de Niamey. Depuis, toutes mes communications téléphoniques ont ainsi été passées au crible. Ma boite de courrier électronique a été entièrement siphonnée.
Dans ma vie de journaliste à Paris, rien ne pouvait me laisser penser que j’allais devenir une cible pour les services secrets français et nigériens. Pour obtenir en mars 2007 ma première carte de correspondant à Paris, mon dossier a été transmis par le Quai d’Orsay au ministère français de l’Intérieur pour les vérifications d’usage. Après l’enquête prévue dans ce cadre, le ministère de l’Intérieur a répondu qu’il n’avait aucune objection à ce que j’obtienne ma carte de presse. Les services concernés m’ont appelé pour m’en informer.
Depuis, mon titre professionnel été renouvelé régulièrement. J’ai donc exercé mes activités de journaliste tout à fait normalement, notamment à l’Agence panafricaine d’information (Panapress) et à Jeune Afrique. Du moins jusqu’à la publication en 2013 de mon livre « Niger : La junte militaire et ses dix affaires secrètes ».
En janvier 2014, le ministère nigérien de la Défense a assuré, dans un communiqué public, qu’il avait la preuve « qu’un nigérien, directeur de publication d’un hebdomadaire continental [j’étais à l’époque rédacteur en chef central à Jeune-Afrique] préparait la première interview exclusive du sieur Hama Amadou », un des principaux opposants au régime du président Issoufou. Le communiqué ajoutait aussi que « ce Nngérien » avait été également une des sources de « la Lettre du continent », qui donne d’excellentes informations confidentielles sur les régimes africains, mais sans en citer l’origine.
« Le nigérien », c’était moi. Pourquoi le ministère de la Défense s’intéressait-il à ma vie de journaliste? Comment pouvaient-ils depuis Niamey être au courant de ces épisodes de ma vie professionnelle, sinon en me faisant espionner à Paris? A l’évidence, la publication de mon livre où je citais des notes du renseignement nigérien a servi de prétexte pour m’imposer une surveillance. Or cet ouvrage ne saurait constituer la preuve d’une quelconque connivence avec ces informateurs. En les approchant, je n’avais fait que mon travail de journaliste.
La parution du livre n’aura été qu’un prétexte pour le président Issoufou, élu en avril 2011 mais qui commence à s’inquiéter sérieusement pour sa réélection à partir de 2013. Journaliste indépendant travaillant dans plusieurs rédactions parisiennes honorables, je suis juste perçu comme un grain de sable dans la machine médiatique bien huilée du régime nigérien actuel.
Face à mes mises en garde, un site d’information proche du pouvoir a « déploré l’atteinte à la liberté d’information » dont j’étais victime, mais pour mieux m’accabler d’une étrange façon: « Même si Seidik Abba est innocent, le régime a de bonnes raisons de le soupçonner d’intelligence avec ses pourfendeurs ». Dans les rangs militaires l’intelligence avec l’ennemi vaut peine de mort. Mais dans le monde journalistique, les contacts pris avec les opposants d’un régime politique procèdent d’un travail normal d’investigation.
J’estime, pour ma part, n’avoir fait que mon métier de journaliste. Si les autorités françaises ne cessent pas cette coopération, je garderai la conviction amère d’avoir été visé par un complot barbouzard indigne.