Le théâtre du Gymnase, à Paris, présente depuis le 3 mars et jusqu’au 8 Mai 2022 la pièce de théâtre Lawrence d’Arabie, mise en scène d’Eric Bouvron, avec Kevin Garnichat (dans le rôle de Lawrence d’Arabie), Alexandre Blazy, Matias Chebel, Stefan Godin, Slimane Kacioui, Yoann Parize, Julien Saada, et Ludovic Thievon.
Une chronique de Fabienne Touma
Le théâtre du Gymnase, à Paris, présente depuis le 3 mars et jusqu’au 8 Mai 2022 la pièce de théâtre Lawrence d’Arabie, mise en scène d’Eric Bouvron, avec Kevin Garnichat (dans le rôle de Lawrence d’Arabie), Alexandre Blazy, Matias Chebel, Stefan Godin, Slimane Kacioui, Yoann Parize, Julien Saada, et Ludovic Thievon.
Lawrence d’Arabie, connu sous le nom de Thomas Edward Lawrence, a marqué son temps par son souhait de créer une nation arabe unie et indépendante. Dès son enfance, . Il invente dès son plus jeune âge des jeux de guerre et d’exploration en s’identifiant aux héros de batailles. Il a toujours aimé raconter des histoires surtout celles de ses combats qu’il imagine de toute pièce. Il appuie même ces contes par des trouvailles archéologiques. Un métier qu’il exercera plus tard et qui lui permettra de voyager un peu partout. Sa première envie fut d’aller en Terre sainte pour connaitre l’histoire de l’Orient mythique qui le fascine de plus en plus. C’est ainsi qu’il prend des cours d’arabe afin de se rendre sur place et de pouvoir communiquer avec les peuples arabes. Ce voyage, qui débute en Syrie, lui ouvre les portes de son destin, celui de la révolte arabe. Durant la Première Guerre mondiale, l’empire ottoman, allié des Allemands, contrôle le désert d’Arabie. Le jeune agent, écrivain et archéologue britannique, passionné de culture arabe dont il parle aussi la langue, gagne la confiance des Arabes et devient un agent de liaison entre la Grande-Bretagne et les forces arabes.
C’est l’histoire de cet homme, de son voyage et de son périple dans la péninsule arabique qui est raconté dans la pièce d’Eric Bouvron.
Echappée belle en Jordanie
Afin d’écrire sa pièce conjointement avec Benjamin Penamaria, le metteur en scène s’est rendu en Jordanie pour comprendre comment a basculé le destin extraordinaire de Lawrence. Il rencontre alors les bédouins et se plonge dans le monde arabe grâce à la rencontre d’Assid Mansour qui l’aide à comprendre le point de vue et la vision que les bédouins avaient de Lawrence. Le metteur en scène cherche aussi à mieux comprendre comment s’est déroulée cette Première Guerre mondiale et surtout quel a été l’effet de l’accord Sykes-Picot, suite à la chute de l’empire ottoman, sur Lawrence. Ce fut bien évidemment une trahison pour ce dernier puisque cet accord a partagé les pays de la région entre la Grande Bretagne et la France, ce qui a détruit le rêve d’unité arabe de Lawrence d’Arabie et ce pourquoi il s’est battu toutes ces années.
Ce que cherche à mettre en valeur le metteur en scène c’est un sentiment universel, une limite humaine à laquelle fait face Thomas Edward Lawrence, entre dévotion pour le monde arabe et attachement à ses racines et origines britanniques. La pièce de théâtre n’est donc pas un documentaire, comme le précise bien Bouvron, mais plutôt la réaction face aux conséquences des mensonges des grandes puissances de l’époque… Comment réagir ? « Jusqu’où ira sa loyauté à l’égard de ses frères d’armes quand il mesurera l’étendue du mensonge orchestré ? », souligne le synopsis de Lawrence d’Arabie. Telle est la question que se pose le metteur en scène dans sa pièce.
L’hospitalité des Bédouins
Le spectateur est immergé dans l’histoire dès son entrée dans le théâtre, accueilli comme dans le désert d’Arabie, avec une boisson chaude et de la musique orientale joué en direct. Une atmosphère conviviale qui perdura tout le long de la pièce. Les comédiens prennent ensuite le relais dès le lever de rideau et nous convient au cœur de l’histoire, de leur discussion, de leur action et de leur intimité dans une mise en scène tragique mais aussi comique.
Ce sont neuf comédiens, dont une chanteuse et danseuse ainsi que deux musiciens, qui donnent vie aux multiples personnages que rencontrent le spectateur lors son voyage. C’est le vêtement et l’accessoire qui sont vecteurs du changement de personnage. Un comédien peut ainsi passer du rôle de la mère de Lawrence à celui du prince Fayçal, ou du rôle du jeune algérien Dahoum à celui d’un simple soldat, uniquement à travers le changement de costumes ou d’accessoires qui s’opère subtilement sur scène. Ce qui n’est pas commun au théâtre ou au spectacle de manière générale. Ici, le comédien change d’identité, d’accent, de personnalité, de statut et de nationalité sous les yeux du spectateur sans l’usage de maquillage ou de masque pour changer de visage.
Même le changement de lieu et de pays s’opère de la même manière. Pas besoin de décors ou de projection. Le vêtement et l’accessoire reste vecteurs de sens en déterminant le pays ou le lieu tout en laissant une marge d’imagination et de visualisation au spectateur. Les comédiens ont même recours à la mimique de certains accessoires, exécutée d’une manière très précise qui laisse entrevoir l’objet en question.
Le seul qui n’est pas affecté par toute cette mise en scène est le personnage principal Lawrence, que Kevin Garnichat interprète avec brio. Ce qui est évident puisque toute la pièce tourne autour de son périple professionnel mais surtout émotionnel. Le metteur en scène nous permet de voir, entre autres, évoluer l’émotion d’un comédien interprétant un seul personnage et l’évolution émotionnelle d’un comédien interprétant plusieurs personnages. Ainsi, Eric Bouvron semble expérimenter jusqu’où peut aller l’interprétation d’un comédien.
Il reste que tout semble être parfaitement maitriser afin de laisser une grande place à l’histoire et surtout à la dimension que souhaite mettre en valeur le metteur en scène. Celle de la réaction face à des mensonges et une trahison, malgré la dévotion totale pour la cause. Un sujet universel qui s’applique à la politique encore de nos jours, mais aussi à toute histoire et toute situation. D’où le réalisme stupéfiant de la mise en scène. Les seuls éléments qui rappellent que c’est une pièce de théâtre sont tout d’abord la musique et les chants, interprétés en live sur scène, et qui ont pour but d’instaurer une ambiance et une émotion. Ensuite, la juxtaposition sur scène de deux actions se déroulant au même moment constitue un effet plutôt cinématographique. Quand le metteur en scène fait un focus sur l’une des deux scènes, la seconde se met en pause et vice versa.
Cette mise en scène simple mais ingénieuse prouve plusieurs choses. Tout d’abord, la capacité extraordinaire et infini d’interprétation de personnages en un laps de temps très court, d’où parfois cette identification à la schizophrénie, et ce uniquement par le langage corporel, la voix et quelques accessoires. Ensuite, ce pouvoir de recréer une ambiance et une émotion à travers la voix et la musique, mais aussi avec la lumière, qui font voyager le spectateur dans le lieu souhaité.
Lawrence d’Arabie, l’immensité du désert au coeur de Paris
