France 3 dresse le portrait bienveillant de la ville la plus métissée de France. Sans rien occulter des travers de la cité phocéenne mais en insistant sur sa capacité de résilience. Une chronique d’Olivier Toscer
Il était une fois Marseille (110 min), un film de Hugues Nancy sur France 3, le mercredi 6 avril 2022
« Je suis née il y a près de trois mille ans, bien avant que la France ne devienne la France. Je suis l’un des plus beaux ports qui borde les eaux de la Méditerranée, une ville-monde où viennent se réfugier tous les peuples de la terre. Je suis une cité rebelle, fière de ma singularité. Ici, le football est roi et mes supporters rêvent toujours de gloire. Mais, depuis longtemps, en raison de la violence des hommes, j’ai aussi mauvaise réputation. À cette noirceur qui me colle à la peau, je vais répondre en faisant chanter et danser la France. Voici mon histoire que vont la raconter ces Marseillais qui n’aiment rien autant que leur ville. On m’a appelée Massalia la grecque, Marsiho la provençale, et personne n’a jamais réussi à m’enchaîner. Je suis la plus vieille ville de France, je suis… Marseille. »
Ainsi débute cet autoportrait de Marseille que Clara Luciani, l’enfant du pays choisi pour raconter la ville vieille de près de trois mille ans, a accepté d’incarner. Elle qui a passé son enfance en bordure des quartiers nord de la ville où elle a fait ses études, Clara Luciani « est » Marseille dans ce récit de 2 600 ans d’une histoire mouvementée et passionnante.
« L’OM, c’est mon équipe nationale »
Voici l’autoportrait de la plus ancienne ville de France. Une ville dont les paysages portent les stigmates d’un destin contrasté. Porte de l’Orient, carrefour de commerce et d’immigration, Marseille est une mosaïque aux 111 quartiers et 200 nationalités.
« Marseille, c’est pas la France, sourit un linguiste de l’université Aix-Marseille. D’ailleurs l’identité marseillaise se suffit à elle même ». Plus loin dans le film, un supporter de l’Olympique de Marseille renchérit : « l’OM, c’est mon équipe nationale à moi ». Le ton est donné : les Marseillais sont des séparatistes avant l’heure, pas tout à fait français, pas tout à fait étranger non plus et un peu tout cela à la fois. .
Tour à tour, quelques Marseillais célèbres (Robert Guédigian, Macha Makaieff, Akhenaton, le chanteur du groupe I Am…) et d’autres plus anonymes, livrent leur vision d’une ville particulière où « on est d’ici, mais on vient d’ailleurs ».
Marseille, un kaléidoscope français
A la fois point de départ vers les colonies et point d’arrivée de tout le peuple de la Méditerranée, Marseille est une sorte de kaléidoscope français dont on ne sait jamais par où le prendre.Le film se concentre surtout sur les brassages du XXème siècle: sa communauté italienne, les vagues successives d’immigration post-Première guerre mondiale où Arméniens, russes blancs ou juifs de Turquie s’ajouteront, au sortir du second conflit mondial, aux travailleurs algériens, pour finir par se fondre dans un creuset méridional un peu foutraque mais qui, jusqu’ici, à toujours tenu, quelqu’en soit le prix
Le film rappelle que si les tabors marocain et les tirailleurs algériens ont été les premiers à délivrer, sabres au clair et baïonnettes aux canons, la Bonne Mère de l’occupation allemande à la fin de la guerre, leurs descendants suant comme dockers sur le port ou ouvriers dans la gigantesque usine de sucre Saint Louis durent longtemps se contenter de paillasses dans les bidonvilles.
Contraint et forcé par l’arrivée de 100 000 pieds-noirs en 1962, le maire socialiste et proche de Mitterrand, Gaston Defferre se décide alors d’agrandir la ville au nord. Qui se souvient que les grandes barres HLM des quartiers-Nord ont été construites sur des terrains à l’époque peuplés de belles bastides, rachetées à prix d’or aux notables de la ville ? C’était l’époque des Trente glorieuses, des années d’insouciance qui profitaient à tout le monde, même aux immigrés, avant que n’éclatent les crises des années 70, qui vont détruire le tissu industriel de la ville et plonger ses habitants les plus fragiles dans la misère.
La légende noire de Marseille
Née pendant l’entre-deux guerres avec la mafia corso-marseillaise, la ville de Marseille revient à la Une de l’actualité. Mais cette fois-ci sous l’aspect des gangs de cité, du trafic de drogue et des règlements de comptes. Du racisme aussi. Le film revient longuement sur l’assassinat d’un jeune musicien comorien par des colleurs d’affiche du Front national en 1995. Il l’explique par les rancœurs toujours tenaces issues de la guerre d’Algérie. Dans le creuset marseillais où toutes les communautés ont droit de cité, se côtoie pour le meilleur et pour le pire, anciens harkis, ex-indigènes, anciens FLN mais aussi OAS à la retraite et militants d’extrême-droite de toutes sortes. Forcément, parfois le cocktail explose.
C’est le destin hors du commun d’une ville comme Marseille. Il méritait que l’on filme son histoire si riche. Reste un regret : en choisissant d’évoquer tous ses faits d’armes et toutes ses désillusions de cette communauté humaine hors norme, en se perdant parfois dans de longs développement sur l‘architecture et le patrimoine touffu de la ville, le documentaire virevolte entre mille thèmes. Quitte à les survoler plus qu’à les faire comprendre.
Le mystère de la planète « Mars » reste entier.
Carnet de route (2/8), Alger, une ville qui se mérite