La mort à Gao ce dimanche d’un brigadier français, Alexandre Martin, a provoqué immédiatement un communiqué d’Emmanuel Macron saluant « le courage » des militaires. Leporte parole du gouvernement, Gabriel Attal, s’est fendu d’un communiqué dénonçant le terrorisme au Sahel qui pourrait, affirme-t-il sans ciller, se traduire demain par des attentats en France. Or les groupes djihadistes maliens n’ont jamais assassiné de civils dans l’hexagone, contrairement à ce qui s’est passé en Syrie avec Daech. Autant de réactions fébriles qui ne répondent pas, en ce début de campagne présidentielle, aux questions légitimes qui se posent sur les causes du désastre malien.
Comment le président français peut sortir du bourbier malien? Comment éviter qu’en pleine campagne présidentielle française, Emmanuel Macron ne se voit reprocher l’échec de la lutte contre le terrorisme en Afrique? La parade du président français, la voici: nous avons affaire à des incapables et à des opportunistes à la tète des Etats africains, a-t-il déclaré en substance. Ce qu’un Nicolas Sarkozy, un visiteur du soir de Macron, avait prétendu à sa façon, en affirmant que « l’Afrique n’était pas entrée dans l’Histoire »
Par un coup de poignard bien ajusté dans le dos des cinq États alliés de la France, Emmanuel Macron tentait, en juin dernier, de botter en touche face à la dégradation des relations entre la France et le Sahel. « Nous ne pouvons pas sécuriser des régions, déclarait-il le 10 juin dernier, qui retombent dans l’anomie parce que des États décident de ne pas prendre leurs responsabilités ». Et c’est peu dire qu’Emmanuel Macron n’a pas négocié avec les intéressés le retrait des troupes françaises comme il se devait de le faire, alors qu’il prend un tournant à 180 degrés par rapport à ses déclarations les plus récentes. Lors du sommet de N’djamena voici un an, Emmanuel Macron déclarait d’un ton martial, plus chef de guerre que jamais. « Dans les prochains mois, notre présence militaire au Sahel ne changera pas et nous allons lancer d’autres opérations majeures ». Comprenne qui pourra!
Les éléments de langage distillés par la Macronie depuis l’annonce de la fin de l’opération de Barkhane, les voici: nos alliés africains sont à la tète d’États faillis incapables d’apporter l’eau et l’électricité aux populations locales; ils multiplient les coups d’état, au Mali notamment, en tournant le dos au modèle démocratique qui est le notre; et enfin, ils envisagent même aujourd’hui d’offrir une paix des braves à certains groupes islamistes qui combattent l’armée française.
Le Sahel tel qu’il est
Paradoxalement, les amis d’Emmanuel Macron commencent à décrire le Sahel tel qu’il est et non tel que la France l’a fantasmé depuis trop d’années.
–La faillite des États du Sahel est une réalité. Elle a débuté depuis trente ans au moins, et elle a pour nom: l’héritage colonial, la mise sous tutelle des ressources naturelles par des groupes étrangers; la tradition de la Françafrique qui s’est servie en Afrique, tout en soutenant des régimes corrompus; la priorité donnée par le budget français aux dépenses militaires sur l’aide au développement, alors que la Chine ou les monarchies du Golfe, ces puissances montantes, ciblent leur coopération vers la société civile et les grands équipements..
–Les coups d’état se multiplient, c’est vrai. Ce n’est évideemment pas une preuve de vitalité démocratique. Mais ces coups de force sont souvent initiés, comme au Mali, par des officiers supérieurs soucieux du bien public et les seuls à même de provoquer une alternance dans un pays dirigé par des élites discréditées et sombrant dans une crise sans fin. Mieux vaut des militaires débutants mais de bonne volonté que des pouvoirs répressifs, aveugles et immuables comme ceux que la France de Sarkozy, de Hollande et de Macron ont soutenu au Tchad, au Gabon, au Congo, au Cameroun.
–Les régimes du Sahel cherchent un compromis avec certaines forces islamistes. Pourquoi le nier? Mais comment réagir ace à la progression des groupes islamistes et à leur influence grandissante auprès de populations de plus en plus fondamentalistes, au Sahel comme dans le reste du monde musulman? Faut-il négocier des compromis avec les mouvements islamistes les plus articulés et les moins sectaires, comme le font les régimes malien et burkinabé dans une recherche d’union nationale? Ou s’agit-il de poursuivre une guerre globale et sans fin contre une idéologie qui gagne chaque jour du terrain, comme l’envisageaient volontiers les militaires français?
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