Burkina Faso (3/3) : le président Kaboré en sursis face à la progression djihadiste

Espérant reprendre la main, le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré s’est engagé le 26 novembre à former une nouvelle équipe gouvernementale et à mettre fin aux dysfonctionnements dans les forces de défense et de sécurité. Mais rien n’indique que ce sera suffisant pour sauver son régime.

Le président Kaboré en sursis

 

La recette avait marché une première fois : face à la colère générale suscitée par l’attaque terroriste qui avait coûté la vie à plus de 160 personnes en juin dernier à Solhan, dans le nord-ouest du pays, le président Kaboré avait limogé les ministres de la Défense Cherif Sy et celui de la sécurité publique Ousséni Compaoré.

Couplée à la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale, l’éviction des deux ministres lui avait offert un répit. 

Grogne dans les casernes  

Le chef de l’Etat burkinabé pensait ainsi s’être tiré d’affaire. Au moins jusqu’à la fin de cette année 20201. Hélas, la pression des groupes djihadistes, qui contrôlent désormais pas moins d’un tiers du pays, n’a pas faibli. Par son ampleur et son bilan très lourd (53 gendarmes tués), l’attaque terroriste perpétrée le 14 novembre dernier à Inata, dans le nord-ouest, a provoqué une onde de choc nationale qui menace désormais la survie du pouvoir burkinabé.

Cette fois, la grogne ne s’est pas limitée aux forces politiques et à la société civile : elle a gagné les casernes après la révélation que le détachement de gendarmerie ciblée par l’attaque djihadiste à Inata n’était plus ravitaillé depuis plusieurs semaines. Selon une source digne de foi, une réunion tendue a eu lieu entre le président Kaboré et la hiérarchie militaire à la veille des manifestations populaires organisées le samedi 27 novembre par l’opposition et la société civile à Ouagadougou et dans plusieurs grandes villes brukinabé.

Signe de la gravité du moment, le président Kaboré est apparu à la télévision nationale le vendredi 26 novembre, tard dans la soirée, les traits tirés, la voix monocorde et désemparée, pour promettre toute la lumière sur les « dysfonctionnements et la bureaucratie » révélés par la tragédie d’Inata. Comme après l’attaque de Solhan, il s’est, à nouveau, engagé à former une nouvelle équipe gouvernementale plus resserrée et plus cohérente. 

Le président Kaboré dos au mur 

Pour nombre d’observateurs avertis, le « je vous ai compris » lancé par les présidents Kaboré aux forces politiques et à la société civile tout comme les gages donnés aux forces de défense et de sécurité arrivent bien trop tard. Le scepticisme est d’autant plus permis que la stratégie actuelle du pouvoir ne met pas le Burkina Faso à l’abri d’une nouvelle attaque de la même ampleur que celles de Solhan et Inata.

Ebranlés par des attaques quasi-quotidiennes de basse intensité mais surtout par les tragédies de Solhan et d’Inata, le président Kaboré et son gouvernement auraient le plus grand mal à survivre à une grande opération terroriste. Les menaces viendraient alors de la rue, qui avait renversé le prédécesseur de Kaboré en octobre 2014, mais surtout des militaires excédés de voir leurs frères d’armes tombés quotidiennement, en raison, notamment, de la mauvaise gouvernance et de la bureaucratie. En dépit de sa réélection confortable à la fin de l’année 2020 (plus de 57% dès le 1er tour), le président Kaboré semble totalement dépassé par le défi sécuritaire. Beaucoup trouvent les raisons de cet affaiblissement dans le décès en août 2017 de Salif Diallo, son éminence grise, et sa prise de distance avec Simon Compaoré, ancien Maire de Ouagadougou, troisième homme du triumvirat avec Kaboré qui avait renversé le régime de Blaise Compaoré.

À l’épreuve du pouvoir, le président Kaboré est apparu un homme seul, peu préparé à tenir le gouvernail dans un pays sous la pression permanente des groupes djihadistes. 

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