Les générateurs privés sont devenus, depuis la guerre civile voici quarante ans, un moyen pour les Libanais de pallier l’incapacité du gouvernement à assurer le courant continu dans le pays.
Les générateurs privés sont devenus, depuis la guerre civile (1975-1990), les accessoires intimes d’une (très) grande partie des Libanais. Chacun, ou presque, en a un chez soi. Ils ont pour mission de pallier depuis des décennies l’incapacité de l’État fournir de l’électricité 24 heures sur 24. Car durant la guerre, les infrastructures électriques ont été endommagées, voire détruites. Et elles n’ont jamais été reconstruites. Cette situation a engendré la naissance d’un nouveau commerce – parallèle – : celui des générateurs. Les Libanais appellent les gérants de ce commerce : la « mafia des générateurs ».
Lorsque l’électricité de l’État (appelée « dawlé » par les Libanais) s’en va – plusieurs fois par jour – le générateur prend le relais pour un certain temps, jusqu’à ce que la dawlé revienne. Mais installer un générateur finit par revenir cher puisqu’il y a deux factures à payer à la fin du mois. Une pour l’électricité de l’État et l’autre provenant du générateur.
Les générateurs – qu’ils soient résidentiels (privés ou de quartier) ou commerciaux – n’ont cessé de prendre de l’importance au fil des ans. Au point d’être devenus, comme le rappelle le quotidien L’Orient-Le Jour, « la principale source d’alimentation en courant des Libanais, y compris à Beyrouth, alors que la capitale a longtemps bénéficié du ‘privilège’ de ne subir que deux à trois heures de coupure de courant par jour ». Selon une étude publiée par la Banque mondiale en 2020, près de 40 % du courant fourni en 2019 provenait des générateurs, contre 22 % en 2008 ; un ratio qui était supposé dépasser la barre des 50 % entre 2022 et 2023 dans un scénario pessimiste qui impliquait qu’aucun investissement n’était fait entre-temps.
Une « mafia » dépendante
Mais la crise socio-économique qui s’est abattue sur le pays en 2019 a changé la donne. Ces générateurs fonctionnent au mazout. Et avec la crise, le pays du Cèdre connait des pénuries de mazout. En témoignent les files d’attentes interminables devant les stations-services. Résultat : les Libanais vivent aujourd’hui avec 2 à 3 heures d’électricité par jour maximum. Télévision, machine à laver, réfrigérateurs, airs conditionnés, tous les appareils sont touchés. Les gens doivent jeter des choses du fait de la rupture de la chaîne du froid.
Les gérants du commerce de générateurs privés n’ont pas été épargnés par la crise. « Avant cette (nouvelle) crise, il existait déjà une ‘mafia des générateurs’ électriques qui fleurissait sur la crise du manque d’électricité », explique Alex Issa, docteur associé au centre de recherche internationale de Sciences-Po Paris, cité par le quotidien La Croix. Il ajoute que maintenant « cette mafia est dépendante d’une autre nouvelle mafia : celle des carburants ».
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