Lors des législatives qui ont eu lieu ce mercredi au Maroc, le parti islamiste qui se trouve à la tète du gouvernement depuis 2011 a subi une spectaculaire déroute.
Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) est passé de 125 sièges dans l’assemblée sortante à 12 seulement, loin derrière la plupart des formations politiques alors qu’il aura été pendant dix ans le premier parti du Maroc. Et selon la constitution marocaine, c’est le mouvement arrivé en tète, en l’occurence le PJD, qui a nommé depuis 2011 le chef du gouvernement.
En appelant les islamistes au pouvoir et en faisant voter une constitution libérale en plein printemps arabe, le Roi du Maroc, Mohamed VI, avait joué un joli coup de poker gagnant. Une cohabitation avait démarré entre le Palais royal et le gouvernement qui permit au Maroc de traverser sans graves dommages cette période de turbulences politiques.
Ce qui est frappant, c’est que la chute spectaculaire du PJD n’a provoqué ni à l’extérieur du Maroc, ni dans le pays le moindre soubresaut. On assiste à l’écroulement annoncé d’une formation politique qui a tenu les premiers rôles, sous la férule, il est vrai, du Palais royal qui veillait à contrôler les éventuels dérapages des islamistes au pouvoir. Ce sont des partis libéraux, le RNI et le PAM, considérés comme proches des proches du Palais, qui ont emporté la mise électorale. Avec un marocain sur deux qui s’est déplacé pour voter, l’alternance politique a fort bien fonctionné au Maroc. Ce qui est assez rare dans le monde arabe et méditerranéen pour être relevé.
Un rejet clair
Traditionnellement les Frères Musulmans, cette confrérie islamiste qui a contribué largement au logiciel des principaux leaders du PJD, plaident pour un certain attentisme dans la vie politique. Histoire d’attendre que la société civile leur soit acquise et que le rapport de forces leur soit favorable. Mais cette fois au Maroc, c’est le Palais Royal qui a su patiemment attendre que le fruit soit mur et que le « Parti de la Lampe », comme on appelle le PJD, soit rejeté par les électeurs eux mêmes. Ce qui est clairement le cas.
Pourquoi le mouvement islamiste qui avait conquis une réelle assise électorale auprès des classes moyennes urbaines a reculé à ce point? Les raisons en sont multiples: les dissensions au sein du mouvement, notamment lorsque Abdellah Benkirane, une personnalité charismatique, quitte le poste de Premier ministre en 2017; l’absence d’envergure de son successeur, Saad-Eddine Al-Othmani; l’absence de tout véritable projet social et économique; les scandales de moeurs qui ont émaillé la vie publique ces dernières années; la perte d’influence au Maroc de leurs alliés turcs ou qataris; ou enfin la montée en puissance à l’inverse des Émiratis qui ne leur veulent pas que du bien.
Certes, le pluralisme politique marocain a retrouvé des couleurs. Encore faudrait-il que les partis politiques marocains dominants, type RNI ou PAM, se réveillent enfin et trouvent un nouveau souffle dans un Maroc frappé par la crise sanitaire et par le défi du développement dans une mondialisation chaotique.