Le procès des terroristes du Bataclan ne doit pas provoquer des amalgames

Alors que débute le procès des auteurs des odieux attentats du Bataclan du 13 novembre 2015 (131 morts, des centaines de blessés), la confusion de la classe politique reste totale sur les questions qui touchent de près ou de loin à l’islamisme, au communautarisme ou encore à une vision conservatrice de la pratique religieuses musulmane. L’Islam antichambre du terrorisme, voici bien le raccourci auquel il faut prendre garde de ne pas céder.

L’hommage profondément émouvant qui va être rendu aux victimes des attentats et à leurs familles ainsi que et la dénonciation du poison djihadiste ne doivent pas renforcer la méfiance de la société française face aux communautés musulmanes. Ces fidèles doivent être  absolument libres, dans un pays laïque, de vivre leur foi religieuse, y compris sur un mode conservateur, voire fondamentaliste, qui peut bousculer nos modes de vie traditionnels.

Emmanuel Macron, en tentant une avancée sémantique avec le terme de « séparatisme » islamique, ne semble pas avoir beaucoup fait progresser la cohésion de la société française sur ces questions sensibles entre toutes

Emmanuel Macron prononcera enfin, le 2 octobre,
le discours sur l’Islam qu’on attendait
depuis trois ans

Intégrisme, Communautarisme, Radicalisme, Islamisation, Islamo-gauchisme, Salafisme, Djihadisme, Fondamentalisme, Islamisme, ou encore Islamisme radical, ou aussi islam radical. La classe politique française ne manque pas d’imagination pour nommer le mal absolu. Dans leur esprit, la présence de quelque sept ou huit millions de musulmans en France serait un sacré caillou dans la chaussure de leur chère France. !

Dans le long discours fondateur qu’il commet aux Mureaux, Emmanuel Macron s’est pris les pieds dans le tapis de prière. Ce président français inventif sort de son chapeau le concept de « séparatisme islamique », vite rebaptisé « séparatisme islamiste », pour mettre en avant désormais la défense des « principes républicains ».

Le séparatisme s’est dissous dans la proposition de loi que les députés examinent, ce mardi 2 février , à l’Assemblée Nationale. Au grand dam d’une grande partie de la droite pour qui l’islamisme est la source de tous les maux.

Un Islamisme à géométrie variable

La connotation qui s’attache au terme d’islamisme a fortement évolué ces dernières années. Longtemps des universitaires reconnus comme Olivier Roy ou François Burgat décrivaient l’islamisme comme la tentative de mouvements d’opposition, souvent interdits, d’utiliser la religion musulmane dans leurs combats contre des pouvoirs autoritaires arabes, sans nécessairement recourir à la violence.

Lors du glorieux printemps arabe de 2011-2012, des révoltes populaires ébranlent les dictatures arabes les plus féroces. Les élections qui succèdent à ces mobilisations voient des mouvements affichant un référentiel religieux, l’emporter largement du Caire à Rabat en passant par Tunis et Tripoli. Stupeur parmi les élites intellectuelles et politiques européennes qui assistent à l’agrégation des valeurs islamiques et démocratiques.

On en est plus là. aujourd’hui. L’hiver arabe a balayé le printemps arabe. Au sud, les appareils sécuritaires ont repris le dessus notamment en Tunisie et en Egypte, sur les révoltes populaires. Au Nord, l’islamisme qui avait acquis ses lettres de noblesse est devenu un gros mot pour une grande partie de la majorité actuelle, les Schiappa, Darmanin, et autres « laïcards » qui distillent leur venin islamophobe.

Ce qui est cocasse de la part d’un ministre de l’Intérieur petit fils de l’adjudant chef algérien Moussa Ouakid.

Le souci d’Emmanuel Macron de mettre fin
à « l’abandon des territoires périphériques »
ne survivra pas à l’assassinat de Samuel Paty

L’Islam politique, un oxymore

La laïcité telle qu’elle est définie dans la loi de 1905 suppose une séparation entre la sphère privée et la sphère publique et garantit le droit de chacun d’exercer la religion de son choix. Dans la tradition républicaine française, on s’accommoderait fort mal d’un mouvement politique qui imposerait ses croyances religieuses au pouvoir. Mais un tel parti existe-t-il, sauf dans l’excellent roman de Michel Houellebecq, « Soumission ». Lequel, non sans talent, met l’accent sur le réveil identitaire d’une partie de la communauté musulmane tournée vers une vision fondamentaliste de l’Islam en matière de mixité ou de port du voile.

Tariq Ramadan, charismatique mais dévoyé

Le très charismatique Tariq Ramadan aura été sans doute le seul à caresser l’espoir d’entrainer une partie des cités délaissées de la République dans un vaste mouvement identitaire et alter mondialiste àqui se serait inscrit dans la vie publique française. Mais notre BHL des banlieues, bon orateur et fin dialecticien, n’a jamais transformé l’essai, plus soucieux d’une carrière lucrative entre Oxford et Doha que du sort des lascars des cités. Ses lamentables frasques privées l’ont définitivement privé de la crédibilité qu’il avait acquis auprès de classes moyennes éduquées et relativement intégrées.

Une laïcité dévoyée

Du coup, au nom d’une laïcité dévoyée, un courant laïque brandit comme un étendard la menace de l' »islam politique » qui tenterait de s’en prendre aux institutions de la République.

Ce qui est vrai, c’est que des lobbys musulmans existent comme « UAM 93 » en Seine Saint Denis. Des médias influents – le site « oumma.com » par exemple- s’engagent pour défendre une communauté musulmane trop souvent malmenée. Les conseillers municipaux issus de « la diversité », souvent un quart des conseils municipaux en banlieue, tentent de peser sur la vie publique. Et parfois, ils y parviennent !

Est-ce illégitime? Certainement pas. Le débat est indispensable entre les partisans d’une laîcité ouverte, sensible au mode de vie de la deuxième religion de France, et les défenseurs d’une laîcité pure et dure. La société française doit trouver la ligne de crête qui permette une cohabitation apaisée entre les communautés.

L’islam politique structure le Maroc
dont le monarque, Mohamed VI,
est « commandeur des croyants

Des sociétés structurées par l’Islam

Tout autre est la vision de l’islamisme dans le monde arabo-musulman, et notamment au Maghreb d’où provient une grande partie des communautés immigrées de France. Dans ces pays, l’islam politique structure l’ensemble du champ politique. Aussi bien les pouvoirs en place que les mouvements d’opposants instrumentalisent à leur profit le champ religieux.

Au Maroc, le Roi Mohamed VI est commandeur des croyants. Et le mouvement islamiste, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) dirige le gouvernement depuis presque dix ans dans une cohabitation réussie avec la monarchie.

En Algérie, l’islam est la religion de l’Etat. Dès sa création en 1954 pour lutter contre le colonisateur français, le FLN algérien, le parti dominant, se référait certes à des « valeurs démocratiques », mais dans le cadre de « préceptes coraniques ».

Même l’ex chef d’état tunisien aujourd’hui décédé, le général Ben Ali, qui passait à l’époque pour « un rempart » contre l’intégrisme aux yeux des occidentaux, va se rapprocher de la très conservatrice Arabie Saoudite, qui impose l’absence d’alcool dans les quartiers résidentiels de la ville de Tunis. Le même Ben Ali libère l’ensemble des leaders islamistes en 2008-2009, avant d’être chassé du pouvoir quelque temps plus tard.

« Cette idéologie qui verse le sang »

Le débat sur la démocratie dans le monde arabe et sur la laïcité en France est désormais pollué par la question du terrorisme. Lequel, pour l’essentiel, est le fait de soldats perdus du djihad qui habillent leur désespoir par une mise en scène macabre. Dans son discours fondateur des Mureaux, Emmanuel Macron, qui a la volonté de ne pas stigmatiser la communauté musulmane, ne résiste à la tentation. Avant de développer une philosophie équilibrée de la vie en commun, le président français débute sa longue intervention en dénonçant « l’idéologie islamiste qui verse le sang ».

En quoi les utiles débat sur la viande Hallal dans les cantines, sur les certificats de virginité, sur la scolarisation des enfants de trois ans ou sur l’interférence des États étrangers sur l’Islam en France, ont un lien avec les menaces terroristes qui pèsent sur la France? Pourquoi l’affirmation identitaire d’une partie de la communauté musulmane, mettrait en péril la République qui en a vu d’autres?

 

 

 

 

 

fopu 1

15 Commentaires

  1. La France a le droit de gérer le culte musulman selon ses références constitutionnelles. C’est un problème interne à l’Hexagone.

  2. Un peu d’histoire
    Avant c’était les arabes et les maghrébins pour les premières générations qui étaient majoritairement de nationalité étrangères. Maintenant que leurs enfants sont devenus français on sort du chapeau le terme Islam, islamisme, islamiste, musulmans …..
    Mais en désigne toujours les mêmes population

    Pendants presque 150 ans de colonisation les français ne trouvaient aucune gène à vivre dans les territoires à 90% de musulmans.

    Pour AIT Tahar comme ton nom l’indique, je suppose que tu es d’origine kabyle….
    Tu es classé parmi les séparatiste musulmans même si tu change de peau et de religion …

    Cordialement

  3. La France fait la guerre a l’islam et non a l’islamisme c’est ça la vérité !! Mohamed merah était agent double je vous rappelle !!!

  4. S’ils veulent pratiquer un islam radical qu’ils partent dans un pays musulman! Ils feront ce qu’ils veulent, on ne les retient pas !

  5. Ne pas nommer le mal, c’est ne pas l’affronter et même le laisser avancer. Les séparatistes se moquent de nos valeurs et rient de ces chartes !!

  6. Cette loi ne changera absolument rien !!! Une bonne partie de la jeunesse maghrébine ne reconnait déjà plus les lois de la République comme supérieures à l’islam !!! Ce déni politique qui fait le jeu des annonce des lendemains tout sauf Charlie…

  7. Pas autre chose a foutre de faire passer une loi sur le séparatisme actuellement ??? Les étudiants qui crèvent de faim, des commerces dans le gouffre et des entrepreneurs qui se suicident…Bref revenir sur le burkini est juste pitoyable !!!

  8. Les lois ne sauraient être des échappatoires pour masquer les priorités : le chômage, la croissance économique, les mutations technologiques, le climat, l’insécurité dans les villes, la drogue, l’éradication définitive de la Covid ???

  9. L’islamisme a fait sa toile d’araignée depuis environ 46 ans !! Il faut arrêter avec ça et ils n’ont pas lieu d’être chez nous !!!

  10. Le vent tourne et le LR change d’orientation !! Après avoir fait copain copain avec les islamistes, voila qu’ils veulent leur faire la guerre !!

  11. Face à cette acharnement du gouvernement et des médias contre une catégorie de la population, en l’occurrence celles et ceux de confession et de culture musulmane, et face à ces atteintes aux droits et aux libertés fondamentales de toutes et tous il faut dire stop ! Stop à l’islamophobie !!!

  12. Ce n’est pas une loi contre « les séparatismes », mais contre un séparatisme très ciblé dont on peut se demander si ce n’est pas piloté par une communauté !!!

  13. Vous êtes vraiment un idiot utile avec votre analyse angélique de l’islamisme qui pense que les islamistes sont solubles dans la démocratie!!! c’est comme donner de la salade aux crocodiles et espérer qu’ils deviennent des végétariens!!! Ce cancer de ce siècle n’a pas encore de remède ni vaccin hormis sa circonscription dans la partie du corps déjà malade en attendant de l’amputer!

Les commentaires sont fermés.