Législatives Maroc, les islamistes en pleine turbulence

Sanctionné pour son bilan et ses tergiversations, le Parti justice et développement (PJD) doute de la capacité de son leader, Saâdeddine El Othmani , à conduire en septembre la bataille électorale des législatives qui s’annonce très disputée.

A deux mois d’un double scrutin historique, le Parti justice et développement (PJD) se retrouve en zone de turbulence. Aux affaires depuis dix ans, la formation islamiste a certes goûté à l’ivresse du pouvoir mais a dû aussi mettre de l’eau dans son jus de raisin halal. « La ligne politique du parti a changé entre les deux mandats », souligne Bilal Talidi un des théoriciens du parti qui n’est jamais tendre avec les siens dans ses post sur les réseaux sociaux.

C’est que le PJD a laissé des plumes tout au long de ce dernier mandat de Saâdeddine El Othmani. Outre la fissure dans les rangs du parti laissée par le blocage gouvernemental et la guerre intestinale pour un 3ème mandat de secrétaire général pour Abdelilah Benkirane, la formation islamiste a dû avaler bien des couleuvres, au point de se discréditer auprès de ses sympathisants. Le double discours de Saâdeddine El Othmani vis-à-vis de la normalisation avec Israël qu’il a lui-même signé illustre bien comment le PJD ne sait plus sur quel pied danser.

Possible naufrage électoral

Conséquence, le parti islamiste vient de subir son premier revers pré-électoral. Durant le mois de juin, les élections des représentants des salariés et des commissions paritaires ont été marquées par la déroute de l’aile syndicale du PJD. L’Union nationale des travailleurs marocains (UNTM) a perdu des secteurs sociaux où elle était dominante. « Dans l’éducation nationale, le syndicat est arrivé sixième alors que sa Fédération nationale des fonctionnaires de l’enseignement avait l’habitude de tout rafler », confie une source du PJD qui affirme que les résultats de ce premier round électoral ont été perçus comme un signal d’alarme par la direction du parti.

Saâd-Eddine El Othmani en est allé jusqu’à réclamer la tête d’Abdelilah El Halouti, le patron de l’UNTM, après ce naufrage dans les élections syndicales. Des secrétaires généraux des fédérations actives dans certains secteurs sociaux sont aussi dans le collimateur du secrétaire général car il estimé qu’ils ont « déformé l’esprit de la politique du parti ».

Pour de nombreux observateurs, cette première déroute est prémonitoire quant aux résultats des futurs scrutins qui démarreront avec les élections des chambres professionnelles mi-juillet et se finiront avec le double scrutin communal et législatif le 8 septembre prochain. « Si le PJD avait tiré profit du vote sanction en 2011, aujourd’hui après 10 ans au pouvoir, c’est à son tour de le subir », explique ce politologue qui estime que « le temps d’une nouvelle alternance est venu ».

Naufrage électoral

Néanmoins même si le PJD perd une partie des 1,8 million de voix qu’il a pu récolter lors des derniers scrutins, il y a de fortes chances qu’il arrive en tête des législatives si le taux de participation reste aussi modeste que lors des dernières élections (autour de 52%). Sauf que la formation islamiste ne pourra pas réitérer l’exploit de creuser un grand écart avec ses poursuivants. « La suppression du quotient électorale rend quasi-impossible de remporter plus qu’un siège par circonscription. De son côté, le remplacement des listes nationales par des listes régionales permet de diluer le poids des fiefs électoraux », explique notre source.

Une victoire électorale confortable qui permettrait au parti islamiste de rempiler pour un nouveau mandat à la tête du gouvernement semble s’éloigner pour le PJD. Au sein même du parti, on doute des capacités de Saâdeddine El Othmani de conduire la prochaine campagne électorale et encore moins de mener les négociations pour la formation d’un futur gouvernement.