Le Président algérien Tebboune voit plutôt d’un bon oeil le « succès » électoral annoncé des islamistes du Mouvement pour la société et la paix (MSP), présidé par Abderazad Makri, qui sous le long rêgne de Bouteflika, a montré qu’il était capable de plier l’échine face au Pouvoir.
Finalement tout le monde est content en Algérie. Les aautorités algériennes, puisque les élections ont eu finalement lieuà l’arrachée; les pseudo élites politiques, puisque le FLN, le mouvement historique issu de l’Indépendance, a sauvé les meubles; les islamistes de cour puisque leur principale formation, le MSP, totalement émasculé, arrive en tète de tous les partis; enfin le Hirak, puisque l’abstention a été massive pour ce qui s’apparente à une mascarade électorale.
Le mouvement protestataire qui appelait au boycott des élections législatives, peut afficher sa satisfaction : le taux de participation oscillerait entre 17 et 20% maximum. Le président de l’Autorité nationale des élections, le très officiel Mohamed Charfi, a bien osé une approximation de « 30% de taux de participation moyen ». Vous avez dit un « taux moyen »? La créativité de la bureaucratie algérienne est sans limites. Sauf que les hirakistes partisans du boycott ont dégainé leurs calculatrices pour renvoyer Mohamed Charfi dans ses cordes.
Le journaliste et écrivain, Akram Belkaid, connu pour sa totale indépendance, dénonce « une manipulation ».« Parler de taux moyen de participation, en lieu et place du taux national de participation, est une manipulation destinée à masquer l’importance de l’abstention » a-t-il posté en illustrant son propos avec des additions et des soustractions implacables.
Les islamistes du parti légal MSP sont tout aussi contents. Qu’importe le taux de participation, l’important est que les rares votants les ont préférés aux « indépendants ». Sans attendre les résultats officiels, le MSP a proclamé sa victoire. « Nous remercions les citoyens qui ont voté pour nos listes », a déclaré le parti islamiste dans un communiqué signé par son président Abderazak Makri.
L’immobilisme en marche
La « victoire » islamiste obtenue lors de ces législatives n’est qu’un remake d’un scénario connu. Lors de son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika avait convaincu les frères musulmans du MSP, créé par feu Chekih Mahfoud Nahnah, de s’associer avec lui pour diriger l’Algérie. La posture affichée alors par la présidence avait été de fermer la parenthèse d’une décennie noire marquée par les violences sanglantes. Le MSP, à l’époque la deuxième force politique algérienne, vit certains des siens accéder aux responsabilités, perdant ainsi l’essentiel de sa combativité. Le piège se refermait sur ces notables pieux happés par un exercice très partiel du pouvoir en échange de leur soutien.
Lors des élections de samedi dernier, seul le secrétaire général du Front de libération national (FLN), Abou El Fadhl Baadji a relativisé la victoire des islamistes en affirmant, lui aussi, que sa formation politique avait décroché « la première place dans la majorité des wilayas ».
Une certitude, deux mouvements très « vintage », l’ancien parti unique et un mouvement islamiste dans les mains du pouvoir, remportent donc cette pseudo élection.Barbe en dessous ou barbe au dessus du drap ? Telle est la seule question qui se pose, peut-on ironiser, au terme de ce scrutin inédit.
Paradoxalement au diapason avec les islamistes du MSP ou du FLN et quelques porte paroles auto proclamés du Hir, le pouvoir militaire et sa façade civile, le président Abdelmajid Tebboune, sont satisfaits de l’issue du scrutin. Peu importe le flacon, pourvu que les apparences soient sauves face à l’opinion internationale, alors que les réserves en devises sont à sec et que le pays va devoir négocier avec les autorités monétaires internationales.
Le président Tebbpune s’est même payé le luxe à la sortie du bureau de vote de dire qu’il « respectait le droit de boycott »- exercé par plusieurs partis politiques de l’opposition. Tout en rappelant doctement que le taux de participation aux élections législatives « ne lui importait pas ».
« Ce qui m’importe c’est que les gens élus auront, à l’issue du scrutin, la légitimité nécessaire pour prendre en main le pouvoir législatif » a-t-il déclaré le plus normalement du monde.
Tout le monde est content, mais les premiers risquent de bientôt déchanter…
Objectivement si c’est une mauvaise nouvelle pour l’Algérie ce scrutin est une éclatante victoire pour le président Tebboune qui vient de prouver qu’il peut exécuter la feuille de route des militaires sans avoir à bourrer les urnes : faire triompher l’immobilisme et la sauvegarde des apparences.
L’exemple marocain
En s’apprêtant à mettre à la tête du gouvernement le MSP le pouvoir incarné par le président Tebboune gagne sur tous les tableaux.
Vis à vis de l’opinion internationale il pourra légitimement se targuer d’avoir respecté « le choix des urnes ». Au passage, et plus particulièrement aux puissances occidentales un peu trop regardantes sur ses méthodes en matière de respect des droits de l’homme, il envoie le fameux signal rouge : plus de démocratie aboutit à plus d’islamistes aux commandes.
Sur le front intérieur, le pouvoir va désormais utiliser le bouclier des islamistes « légaux » pour diviser encore d’avantage le camp des démocrates qui espèrent toujours en finir avec le régime. Ce n’est pas un mauvais calcul : les islamistes du MSP ne représentent pas, à l’heure actuelle du moins, une quelconque menace au pouvoir réel. Leur but est d’islamiser par paliers la société algérienne sans gêner les intérêts du l’oligarchie militaire. Ce qu’ils ignorent c’est qu’ils vont devoir aussi gérer la gestion des mécontentements sociaux et les conséquences économiques de la pandémie.
Résumons : le régalien et la gestion de la rente pétrolière resteront toujours aux mains des militaires et aux islamistes la gestion des us et coutumes, de l’éducation et des colères du pays.
Surtout ne dites pas aux généraux que l’Algérie se marocanise, ils sont très susceptibles. Pourtant les islamistes marocains du PJD gouvernent depuis presque dix ans le pays, tout en étant sous la tutelle du Palais royal qui a conservé la main sur les dossiers régaliens, qu’il s’agisse de l’Armée, de la diplomatie ou des gros dossiers industriels et financiers. Ce qui pourrait être un modèle pour les « décideurs » algériens….
– France 24 privée de correspondant à Alger. Ce dimanche 13 juin, l’accréditation vient d’être retirée aux correspondants à Alger de la chaîne télévision d’information française « France24 ». La nouvelle Algérie a des beaux restes.
https://mondafrique.com/abdelaziz-bouteflika-fossoyeur-de-lislamisme-politique-algerien/