Les relations compliquées entre Emmanuel Macron et Alassane Ouattara n’ont pas empêché le Président français de voler au secours de son homologue ivoirien pour le sortir de son pétrin post-électoral. « ça a été une déception ! Je lui ai dit. En même temps, quand je regarde les choses avec recul : on a travaillé pendant deux ans pour qu’il y ait une alternance. (…) Après je ne peux pas occulter, factuellement, un événement majeur est survenu. Comme je lui ai dit, la stabilité de son parti est moins importante que l’alternance démocratique dans son pays. » Dans l’entretien accordé à Antoine Glaser et Pascal Airault, auteurs du livre Le piège africain de Macron. Du continent à l’Hexagone, publié en mars dernier, le président Macron ne fait pas dans la nuance pour critiquer son homologue ivoirien Alassane Ouattara. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, je ne peux pas me substituer à lui, ajoute Macron. (…) C’est à lui- un grand dirigeant souverain- d’agir. Je pense que cela aurait pu se faire autrement. Je regrette ce qui se passe là. » Au-delà de l’épisode des tenions post-électorales, les relations entre Macron et Ouattara ne sont pas aussi chaleureuses et spéciales que celles que le président ivoirien entretenait avec son Nicolas Sarkozy, son ami intime ou même François Hollande son successeur socialiste. Après l’installation de Macron à l’Elysée, Ouattara avait pris la mesure du changement de cap dans ses relations avec la France lorsque les nouvelles autorités françaises avaient refusé de prolonger le mandat de son ami George Serre comme ambassadeur de France à Abidjan. Ce qu’il aurait pu obtenir très facilement sous Hollande ou Sarkozy. Une relation ambivalenteParadoxalement, ce sont les tensions socio-politiques pré-électorales et la crise qui a suivi la présidentielle du 31 octobre 2020 qui vont rapprocher Macron et Ouattara. Le président français ne veut pas voir la Côte d’Ivoire sombrer dans le chaos de 2010. Tant les enjeux sont importants pour la France qui compte 25000 ressortissants sur le territoire ivoirien où les entreprises françaises contrôlent des secteurs stratégiques allant des banques (BNP, Société générale, Crédit lyonnais) à la grande distribution (Carrefour, Casino, Leader Price) en passant par les BTP (Bouygues, Vinci) et les services (Orange, FNAC, Air France, Corsair). Le président français se pose en conseiller stratégique de son homologue ivoirien empêtré dans sa victoire à la présidentielle avec près de 95% des voix mais aussi des violences qui ont fait 85 morts. Alternant pressions et conseils, Macron impose au président ivoirien des gestes d’ouverture notamment la libération des proches de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro. « On ne peut pas lui enlever ça, mais il faut aller au bout. Aller beaucoup plus loin, aller au bout de la réconciliation », a expliqué Macron à nos confrères Glaser et Airault. A la manœuvre à Abidjan, l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Jean-Christophe Belliard relaie auprès de Ouattara les desideratas de Macron en faveur d’un apaisement et d’un dialogue avec l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Bédié et Ouattara se rencontrent pour la première fois en novembre 2020 alors que de nombreux opposants ivoiriens dont l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan sortent de prison. Ouattara consent finalement à organiser en mars 2021 des législatives transparentes, ouvertes et inclusives. La Côte d’Ivoire, première économie d’Afrique francophone, retrouve ainsi la stabilité politique. A Paris, Macron est soulagé d’avoir épargné aux entreprises et citoyens français les conséquences de violences à grandes échelles comme celles de 2010-2011. Côte d’Ivoire (2), l’instrumentalisation par Ouattara du retour de Gbagbo !
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