Béchir Ben Yahmed est décédé ce lundi 3 mai à l’hôpital Lariboisière, à Paris, des suites du Covid-19. Jusqu’à son hospitalisation, fin mars, ce natif de l’île tunisienne de Djerba, qui défendit constamment la dictature de feu le président Ben Ali, était encore aux commandes de ce magazine. Lequel vit de la manne publicitaire négociée, sans vergogne, avec les régimes africains, y compris les moins recommandables et dont dépend le traitement éditorial du journal.
Il est juste extravagant que dans ces conditions, les dirigeants français, de Manuel Valls à Emmanuel Macron, aient choisi « Jeune Afrique », ces dernières années, pour exposer leurs vues sur la politique africaine de la France.
Les éloges que Béchir Ben Yahmed reçoit aujourd’hui y compris dans « le Monde » de la part d’un ancien de Jeune Afrique, sont à l’image du traitement convenu que souvent la presse française réserve à l’actualité africaine et arabe. Il est vrai que beaucoup de journalistes de talent intéressés par le continent africain ont été amenés, dans des moments difficiles de leurs carrières, à travailler pour un des rares supports qui traitait, et avec une réelle expertise, de l’actualité de l’hémisphère sud.
Il faut bien l’admettre même si le compliment nous coute. Béchir Ben Yahmed, au delà de son affairisme, avait un vrai talent de plume, une absence de conformisme parfois et une connaissance réelle des problématiques africaines. Ce qui explique aussi la pérennité pendant soixante ans de son titre de presse.
« Jeune Afrique », une vieillesse française
Véritable autocrate à l’image des dictateurs africains dont son journal chantait les louanges, Béchir Ben Yahmed est mort comme il avait vécu, avec une totale arrogance. Le fondateur de « Jeune Afrique » aura délibérément refusé de porter le masque et de se faire vacciner, tout en continuant de vouloir serrer la main à ses interlocuteurs. Ce patron de presse sans états d’âme traitait durement ses collaborateurs, dont le turn over est remarquable, et les payait encore plus mal.
Longtemps sur les murs de la rédaction qu’il dirigeait, figuraient quelques morceaux choisis de quelques grands noms de la politique ou de la littérature, ainsi que des maximes de son propre cru.
« Jeune Afrique », une vieillesse française