Déjà conseiller de plusieurs chefs d’Etat africains autoritaires (Alpha Condé, Paul Kagame…) et à la tète d’un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, l’ex Premier ministre du Royaume Uni, Tony Blair, vient d’ajouter un nouveau client à son palmarès : le Président malien Bah Ndaw.
Mais qu’est venu faire Tony Blair au Mali? Officiellement, l’ancien Premier ministre anglais s’est rendu à Bamako pour aider les autorités de transition à élaborer la feuille de route des changements constitutionnels et de l’organisation des élections présidentielles. Quand on connait les éléments de langage que Tony Blair a distillés en Guinée, au Togo ou au Rwanda, on est inquiet sur le processus démocratique qui va se jouer à Bamako.
Réformes en eaux troubles…
Pourquoi diable, le président malien a-t-il besoin de l’Institut TBI de Tony Blair pour régler des problèmes institutionnels et surtout organiser des élections ? Après le coup d’Etat d’août 2020 et des négociations serrées avec la Cedeao, les colonels au pouvoir s’étaient engagés à organiser une présidentielle dans les 18 mois.
Or, les autorités de la transition n’ont montré jusqu’à présent aucun empressement à préparer ce scrutin. Les Maliens les soupçonnent de louvoyer pour faire durer le plaisir du pouvoir. Il a fallu que les Américains tapent du poing sur la table et leur demande de respecter leur calendrier pour que le Premier ministre, Moctar Ouane publie enfin un chronogramme.
Selon ce document, le premier tour de l’élection présidentielle couplé aux législatives aura lieu le 27 février 2022.
Un planning incertain
Est-ce à dire que ce planning sera tenu ? Rien n’est moins sûr et c’est précisément là où l’intervention de Tony Blair devient intéressante. Le président Bah Ndaw, son Premier ministre et les colonels ont corrélé l’élection présidentielle à un changement constitutionnel entériné par un référendum qui devrait avoir lieu à la fin de l’année 2021. En clair : pas de référendum, pas d’élection.
Notons en outre, qu’aucune date n’est fixée. Deux scrutins en moins de trois mois c’est beaucoup dans un pays qui ne contrôle plus qu’une petite partie de son territoire ; que les caisses de l’Etat sont vides … Mais ce n’est que le sommet de l’iceberg.
Modifier la Constitution est l’affaire de tout un peuple et de tous les partis politique. La société malienne ne demande qu’une chose : participer au débat. Or, ce dialogue est confisqué par les colonels au pouvoir qui ont créé un obscur Conseil d’orientation stratégique (COS) composé d’une cinquantaine de personnalités triées sur le volet, de six experts et d’un secrétariat permanent chargé de réfléchir aux réformes politiques et institutionnelles. Est-ce sur les conseils de Tony Blair que ce « machin » dispendieux a été créé ? A quelles fins ?
La stratégie, la voici: il s’agit de donner des gages de pseudo bonne volonté en étouffant tout débat. L’opposition refuse le changement de constitution et semble prendre la responsabilité du blocage de la dynamique démocratique. La boucle est bouclée: pas de référendum, pas d’élection. Tony Blair est un expert…
Des conseils douteux à Alpha Condé
L’ancien Premier ministre britannique conseille les chefs d’Etat habitués aux changements de constitution pour lever le verrou des deux mandats et s’éterniser au pouvoir, à l’instar de Paul Kagamé ou de Faure Gnassingbé. En 2013, Tony Blair est venu au secours de son ami Alpha Condé dont l’image avait été écornée par la très vilaine répression d’une manifestation de l’opposition qui avait fait 9 morts et plus de 130 blessés. Son Institut avait alors pondu une note stratégique qui avait malheureusement fuité sur internet.
Que proposait donc cette missive ? Un calendrier de négociations avec des concessions à l’opposition pour obtenir le report de l’élection !
Ce document reconnaissait en outre que ses propositions seraient, sans aucun doute, rejetées par ladite opposition, mais ajoutait-il « Nous devons ensuite être en mesure de répondre rapidement au rejet de cette offre par l’opposition et tout ce qui va s’en suivre, manifestations, etc., dans les jours qui suivent ». Tout un programme démocratique !
Bien entendu, ces cyniques conseils d’amis ne sont pas gratuits, TBI réalise bon an mal an 40 millions d’euros de chiffre d’affaire, quant aux émoluments personnels de son fondateur, mystère. Qui paye l’addition au Mali ? Le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, Josep Borell a déclaré lors de son récent passage à Bamako : « On est prêt à augmenter le soutien financier dans l’exigence mutuelle. Apporter plus de ressources financières pour financer les élections, pour financer les réformes structurelles, pour financer le déploiement de l’État, mais en échange de résultats tangibles dans un partenariat mutuellement exigeant. »
Manquerait plus que les impôts des Européens financent la prime au coup d’Etat et le recul démocratique…
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