C’est sans surprise aucune que la Cour Constitutionnelle a validé l’élection de Denis Sassou N’Guesso à la Présidence. D’autant plus que son principal opposant, Parfait Kolelas, le soir même du scrutin, meurt dans l’avion qui le transporte malade jusqu’en France !
Avec un souci d’exactitude qui mérite d’être salué, elle a poussé le détail à revoir à la baisse le score du Président congolais : soit 88,40 % des voix au lieu des 88,57 % initialement annoncés par le ministre de l’Intérieur. Du sérieux donc.
Un scrutin, marqué rappelons-le, par la disparition « en plein vol » du principal candidat de l’opposition Guy Parfait Kolelas et déclaré officiellement mort quelques minutes seulement après l’atterrissage au Bourget de l’avion qui avait procédé à son évacuation « sanitaire » vers Paris.
Le mystère le plus total continue de planer sur les conditions d’évacuation, comme aux circonstances précises du décès. Soit l’heure du départ de l’appareil au Congo, la durée précise du trajet, celle des escales, autant d’éléments permettant d’apprécier si, au regard de son état de santé, Kolelas n’a pas été évacué avec pour unique objectif de le déclarer mort APRES le scrutin, soit le lundi 22 mars à 1H40 du matin, quelques heures seulement après la fermeture des bureaux de vote.
Ceci avec l’intention évidente de mettre de la distance entre cette disparition brutale et l’article 70 de la Constitution congolaise, lequel, formel, stipule qu’en cas de « d’empêchement » définitif ou de « décès » d’un des candidats lors du premier tour, la « Cour constitutionnelle prononce le report de l’élection ».De quoi mesurer – face à un texte aussi précis et dépourvu d’ambiguïté – l’embarras du pouvoir à Brazzaville mais aussi à Paris où l’on souhaite avant tout, faire durer le moins longtemps possible la mascarade électorale qui tient lieu de Présidentielles.
Rappelons que le candidat s’était lui-même déclaré mourant dès le samedi 20 mars, veille du scrutin, dans une vidéo très largement diffusée sur les réseaux sociaux, et où il apparaît dans un très piteux état.
Video des dernières paroles publiques ici : https://www.youtube.com/watch?v=EWG46mfDVn8
Parfait Kolelas cumule donc indiscutablement les deux conditions requises par la Constitution imposant un report de l’élection : Il a été « empêché » de mener à terme sa candidature, il est décédé avant la proclamation des résultats du premier tour.Plusieurs recours ont été déposés en conséquence par l’opposition devant la Cour Constitutionnelle demandant à celle-ci d’appliquer ses propres textes.Sans surprise encore, ils viennent d’être rejetés.
Une lettre à Macron
Mais avec une argumentation qui laisse pantois.
Selon « Les Dépêches de Brazzaville », la dite Cour, si elle a jugé « recevable » l’un de ses recours sur la forme, le rejette au motif qu’il aurait dû être formulé « avant le 21 mars », soit avant même que le décès de Kolelas ne soit connu, acté : une centaine de petites minutes postérieurement au 21 mars !
C’est dans ces circonstances que le député français Sébastien Nadot et trois de ses collègues de l’Assemblée nationale ont saisi Emmanuel Macron dans un courrier dans lequel ils demandent à ce que « toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce décès ».
Dans ce courrier, Sébastien Nadot apporte des précisions intéressantes.
Il indique avoir longuement échangé avec la veuve de Kolelas : « Cette dernière lui a raconté en détail les conditions d’évacuation sanitaires de son époux : choix d’un avion manifestement pas adapté pour un patient nécessitant des soins d’urgence, nombreuses escales ».
Et le député Nadot de poursuivre : « Mais plus grave, les conditions d’arrivée de M. Kolelas sont entourées d’importantes zones d’ombre. A son atterrissage (…) un médecin dépêché par le gouvernement congolais, depuis Brazzaville, a exigé que Mme Kolelas sorte de l’appareil. Elle finit par obtempérer, son mari est vivant. Cinq minutes plus tard, le médecin ressort : son mari est décédé. »
Une veuve sous haute pression
Le témoignage ainsi rapporté de Mme Kolelas est certes important. Il vient conforter, épouser, l’hypothèse d’un décès de Kolelas le 22 mars, sur le sol français.Il mérite pourtant d’être accueilli avec une grande prudence et ne pas se substituer à une enquête en bonne et due forme, tant les pressions susceptibles de s’exercer sur la veuve, sa famille, sont potentiellement considérables.
Nathalie Kolelas est originaire de Boundji, département de la Cuvette centrale et fief du clan SassPar ailleurs, si Kolelas était dans cette élection le principal rival électoral de Sassou, il avait aussi été son ministre de 2008 à 2015.Son frère Euloge Landry et sa sœur sont ou on été des ministres du gouvernement Mouamba.Sassou « compatibles » donc. Leurs destins politiques sont étroitement liés au bon vouloir du « nouveau » Président.
Autant dire que les moyens de pression ne manquent pas.
Pour l’heure, le porte-parole de Denis Sassou N’Guesso, le ministre Anatole Collinet Massoko, s’est longuement épanché dans les colonnes des « Dépêches de Brazzaville » (6 avril) sur la nouvelle performance électorale de son candidat. Il y voit la résultante d’un « charisme qui a réussi à faire l’unanimité autour de sa personne et de sa gouvernance (…) Sassou, poursuit-il, est apparu comme une « référence morale » et « le bilan de son action reste une référence pour le peuple congolais ».
Dans le même temps et pour se convaincre ce bilan, on apprend ,dans le même journal, que le CHU de Brazzaville, qui fut longtemps le plus grand hôpital universitaire d’Afrique centrale, ne dispose plus « de toilettes, d’eau potable et d’électricité ».
Très concrètement, cela signifie que les malades sont invités à faire leurs besoins dans la cour de l’hopital.
C’est pourtant vers ce même CHU, notoirement rebaptisé « le ch’tue » par le petit peuple congolais, qu’a été inexplicablement transféré dimanche 21 mars Parfait Kolelas, alors qu’il séjournait dans une clinique privée haut de gamme de Brazzaville, Securex.
D’où cette question : mais pour y faire quoi précisément ?