Lors de la prestation de son serment de président de la république du Niger, Mohamed Bazoum a tenu à prendre ses distances de son prédécesseur et mentor Mahamadou Issoufou, sans revendiquer un droit d’inventaire.
Ce n’est pas encore l’engagement d’exercer un droit d’inventaire. Mais les propos du nouveau président nigérien Mohamed Bazoum, investi vendredi à Niamey en présence d’une dizaine de chefs d’Etats africains, avaient le parfum d’un réquisitoire implacable contre certains aspects de la gouvernance de son prédécesseur et mentor, Mahamadou Issoufou.
En rappelant les très mauvais taux de réussite des élèves nigériens au Baccalauréat (26,56%) et au Brevet d’études du premier cycle (BEPC) pour l’année 2020, le nouveau président a fustigé l’agonie de l’école nigérienne.
« Nous n’avons pas construit des établissements scolaires pour en faire le lieu de l’échec de nos enfants », a-t-il martelé avant de promettre de s’occuper personnellement de la réhabilitation l’école nigérienne.
La lutte contre la corruption réhabilitée
Même constat d’échec des années Issoufou en matière de lutte contre la corruption. De l’affaire Africard portant sur un marché de près de 25 milliards de FCFA de cartes d’identité nationale biométriques jamais exécuté au détournement de près de 78 milliards de FCFA (environ 118 millions d’euros) au ministère nigérien de la défense en passant par des marchés de grès à grès chiffrés en dizaines de milliards de FCFA accordés à des sociétés turques, les dix années de gouvernance de l’ancien président Issoufou ont été marquées par une corruption endémique.
Bien que des enquêtes conduites par des services de l’Etat aient établi des actes de corruption caractérisée, le pouvoir sortant a tenu à protéger leurs auteurs en raison de leurs liens de famille, de leur appartenance politique ou de leur position sociale.
« Je m’engage à lutter sans relâche contre la corruption qui est un poison pour le développement. Je veillerai à ce qu’aucun acte de corruption ne reste impuni. Personne ne sera au-dessus de la loi à cause de sa base, de son ethnie ou de sa filiation politique », a promis le nouveau de l’Etat nigérien.
Autre point de rupture avec son mentor, les nominations aux hautes fonctions de l’Etat pour lesquelles le président Bazoum a assuré que le seul critère de désignation sera désormais la compétence des cadres nigériens.
L’ancien président avait poussé les dérives dans les nominations aux emplois de l’Etat jusqu’à nommer son fils Sani Mahamadou Issoufou dit Abba directeur de cabinet adjoint à la présidence de la république alors même qu’il n’a aucune expérience du fonctionnement de l’appareil d’Etat.
Le partage du gâteau
Des centaines de Nigériens se sont vu récompenser par des décrets ou arrêtés de nomination en qualité de conseillers spéciaux avec rang de ministre, chargés de missions, conseillers techniques à la présidence de la république sans fournir le moindre le travail en contrepartie des salaires et aux autres avantages, dont le passeport diplomatique ou de service, qu’ils recevaient.
C’est d’ailleurs cette logique de partage sans commune mesure avec les difficultés du Niger (dernier pays du monde au classement de l’indice du développement humain des Nations unies) qui explique la taille du gouvernement sous le président Issoufou.
Une équipe gouvernementale de 43 ministres a en effet été constituée afin que chaque parti politique membre de la majorité présidentielle ait son ministre. A en croire le nouveau président, qui se sait très attendu pour faire accepter les conditions controversées de son élection, la page des nominations de complaisance, de la corruption et de l’abandon de l’école nigérienne est tournée avec son entrée en fonction le 2 avril. Les Nigériens entendent de juger cette promesse sur des actes.