Emmanuel Macron fait revenir auprès de lui Paul Soler qui fut, avant un séjour en Jordanie, son « Monsieur Libye » en 2018 et 2019 et dont le profil suscite beaucoup d’interrogations.
Les échecs de la politique libyenne d’Emmmanuel Macron, qui à la fin 2019 avait convoqué les principaux protagonistes de la crise libyenne à Paris pour programmer d’improbables élections qui n’eurent jamais lieu, doivent beaucoup à son conseiller, Paul Soler, dit encore « Monsieur Paul » ou « Paul Said » dans les milieux du renseignement, dont les réseaux sont tout sauf transparents. Passé par le 13e régiment de dragons parachutistes où il était spécialisé dans le renseignement, Paul Soler a rejoint la cellule diplomatique en 2018, mais sans provenir du Quai d’Orsay. Dans une vie antérieure, « Monsieur Paul », rapporte « Le Monde », avait beaucoup voyagé, sans qu’on connaisse très bien ses fonctions d’alors, en Afghanistan, au Kurdistan irakien, au Mali ou encore en Libye en 2011 lorsque le colonel Khadafi est forcé à quitter le pouvoir.
Lors de son premier séjour à l’Elysée, Paul Soler était très proche du célèbre Alexandre Benalla, le garde du corps de Macron devenu son conseiller écouté avant d’être exfiltré en raison de ses interventions intempestives en matière de maintien de l’ordre. « La question est désormais de savoir, notait alors l’hebdomadaire « l’Obs », ce qu’Emmanuel Macron et ses conseillers en diplomatie savaient des activités menées par (…) Paul Soler aux côtés d’Alexandre Benalla et ses mentors – parfois sulfureux. Ces membres de l’Etat-major particulier du président de la République ont-ils cherché à établir des canaux parallèles de communication ? L’ont-ils fait à l’insu de la cellule Afrique de l’Elysée ? «
Un coup diplomatique sans lendemain
Le journaliste Marc Endelwels dans son excellent livre « Grand Manipulateur », était revenu sur la stratégie libyenne d’Emmanuel Macron et de son influent conseiller, Paul Soler, ces faiseurs de paix éphémères:« Dans le plus grand secret, [Macron] prépare à l’Élysée avec ses quelques hommes de l’ombre un ‘’ coup diplomatique’’. Il souhaite mettre autour d’une table les principaux protagonistes de la crise libyenne, notamment Sarraj et Haftar. Les planètes diplomatiques sont alors alignées, avec l’absence des États-Unis sur la scène européenne et africaine, et la fragilisation de l’Italie du fait de son soutien indéfectible au gouvernement de Tripoli, une posture qui joue en la défaveur du pouvoir rival de Benghazi (celui de Haftar). À l’Élysée, les deux « chargés de mission » qu’il a placés auprès du chef d’état-major particulier, Ludovic Chaker et Paul Soler, sont mandatés pour gérer ce dossier, ainsi qu’Aurélien Lechevallier de la cellule diplomatique. Soler comme Lechevallier vont multiplier les déplacements en Libye, sans en référer dans un premier temps au Quai d’Orsay. La diplomatie sous Macron est redevenue clairement un ‘’domaine réservé’’. »
La proximité française avec Haftar
Une nouvelle page se tourne en effet avec la nomination d’un nouveau gouvernement d’union nationale à Tripoli, le rôle offensif de la Turquie et et de la Russie sur le théâtre d’opérations et l’élection du président Joe Biden bien décidé à se saisir de ce dossier comme de beaucoup d’autres. Si la diplomatie française a pris quelques distances avec un Haftar qui a échoué à mettre au pas l’ensemble de la Libye, elle reste très réserve sur le nouveau gouvernement d’union nationale de Tripoli, aidée par la Turquie d’Erdogan devenue pour la France l’ennemi public numéro
Ce n’est pas un hasard si Paul Soler, lorsqu’il quitte l’Élysée en 2020, est envoyé à Amman en tant que premier conseiller de l’ambassadeur, un poste d’observation essentiel. La Jordanie est en effet l’un des principaux alliés de Khalifa Haftar, qu’en sous main la diplomatie française a constamment soutenu, sous l’impulsion du ministre français des Affaires Etrangères, Jean Yves Le Drian et avec l’aval d’Emmanuel Macron. Sous le couvert de la lutte contre les groupes djihadistes, les services français sous l’impulsion de ce dernier ont constamment soutenu Haftar par des vols de reconnaissance identifiant des cibles considérées comme terroristes.
Assiste-t-on au retour de la diplomatie parallèle à l’Élysée? En tout cas, c’est bien un conseiller discret, mystérieux resté très proche de certains réseaux d’affaires en Afrique, que le Président français a rappelé auprès de lui pour l’aider dans la nouvelle phase qui s’ouvre en Libye, » un domaine réservé » d’Emmanuel Macron.