Annoncée par Al Qaida au Maghreb Islamique, la succession de l’émir tué par l’armée française en juin dernier incarne une volonté de continuité de l’organisation.
Originaire d’Annaba, sur la côte Est de l’Algérie, Abou Oubeida Youssouf, de son vrai nom Mibrak Yezid, est le nouveau chef d’AQMI, le deuxième émir après Abdelmalek Droukdel qui a dirigé l’organisation pendant seize ans, depuis sa création.
C’est le cheikh Ghouteiba Abou Nomane Echinguitty, un haut responsable mauritanien du mouvement, qui a annoncé la nomination du nouvel émir et fait l’éloge de son prédécesseur dans une vidéo diffusée le 21 novembre par Al Andalous, le media d’AQMI. La vidéo présente quelques rares images de Droukdel au combat et une photo de son visage ensanglanté après sa mort. Il avait été pris à partie par l’armée française lors d’une embuscade, alors qu’il circulait dans un 4×4. Cet hommage annonce vraisemblablement, selon les traditions de l’organisation, une prochaine vengeance.
Abou Oubeida Youssouf incarne la continuité à la tête d’AQMI. En effet, malgré le recul très important de l’organisation en Algérie et au Maghreb, et sa montée en puissance spectaculaire au Sahel, son leadership va rester algérien.
Une vie dédiée au djihad algérien
Abou Oubeida trouve sa légitimité dans sa position de vétéran du Djihad. Il a combattu en Afghanistan, puis en Algérie, successivement au sein de l’Armée islamique du Salut (en 1993), du Groupe Islamique Armé (GIA) puis du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC), dont il fut l’un des fondateurs, en 1998. Le GSPC, créé lors d’une scission du GIA, devient AQMI en 2007. Président depuis dix ans du conseil des notables d’AQMI, il est le successeur logique de Droukdel.
Il fait également partie des fondateurs du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans, le GSIM malien, en 2017. Avec un pied dans le Djihad global, auprès d’Al Qaida, et un pied dans le Djihad local, Abou Oubeida apparaît comme un politique et un pragmatique, prompt à s’emparer des opportunités offertes, par exemple, ces derniers mois, par la contestation du hirak.
Dans les années 2000, il aurait été impliqué dans des attentats en Algérie, notamment la sanglante attaque d’In Amenas, menée par le groupe de Belmokhtar en 2013. Le quotidien El Watan estime qu’il a été « l’un des principaux planificateurs des attentats et enlèvements menés durant la dernière décennie, à l’instar du rapt de deux Français en 2011 au Niger. »
Abou Oubaïda Youssouf al-Annabi est condamné à mort par contumace en Algérie et fait l’objet de sanctions publiques du Conseil de Sécurité des Nations Unies depuis février 2016. Le journaliste Wassim Nasr l’avait interviewé il y a un an pour France 24.
L’étroitesse des relations entre le GSIM et l’organisation mère ne fait pas de doute, malgré le pouvoir accru accumulé ces dernières années au Mali par le chef touareg Yiad Ag Ghali. Droukdel a été tué hors d’Algérie, en compagnie, révèle Wassim Nasr, d’un émir dogon. Le voyage de Droukdel au Sahel aurait duré au moins quatre à cinq mois, selon des informations parvenues à Mondafrique. Les circonstances de sa mort semblent attester de sa proximité, y compris géographique, avec les combattants sahéliens, du Niger et du Mali.
La montée en puissance militaire et politique du GSIM est absolument stratégique pour AQMI, surtout à l’annonce de négociations de paix avec le gouvernement malien de transition. L’Algérie, grand voisin du nord du Mali, berceau de ces mouvements, et, selon certaines sources, sanctuaire d’Yiad Ag Ghali, est également intéressée de près par ces dynamiques. Son influence diplomatique au Mali s’est accrue avec le coup d’Etat qui a renversé Ibrahim Boubacar Keita en août dernier. Le jeu se complexifie, en revanche, pour la France et son engagement militaire.