Les Algériens ont vécu dans la plus grande indifférence ce 1er novembre qui marque l’anniversaire du déclenchement de « la guerre de libération ». Une chronique de Cherif Lounes
Il y a bien longtemps que la population ne commémore plus cette date du 1er novembre 1954 qui marque le début de la révolution contre la puissance coloniale française après plus d’un siècle d’occupation. Paradoxalement, elle est de plus en plus vue par beaucoup comme la conséquence de leur triste situation d’aujourd’hui. Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause l’indépendance confisquée par un clan du FLN totalitaire et illégitime dont est issu le pouvoir actuel, ni de faire l’éloge de la période coloniale même si celle-ci rappelle toujours aux anciens une époque révolue.
D’autre part, le régime aux abois surtout depuis les énormes manifestations du « Hirak », ce mouvement du 22 février 2019 contre le système de 1962, a cherché à faire diversion en proposant en ce jour symbolique un référendum portant modification de la constitutionlargement boycotté par les algériens. A Alger des manifestants contestant la mascarade électorale aux cris de « vous avez détruit le pays bandes de voleurs » ont tenté d’investir le Parlement situé au-dessus du port qu’ils dénoncent comme étant occupé par des « imposteurs ».
Avant le déclenchement de la lutte armée lancée le 1er novembre 1954 par le FLN (Front de Libération National) groupe dissident du parti du chef nationaliste Messali Hadj, Albert Camus n’avait cessé d’avertir le Gouvernement Général d’Algérie et la composante française de la population mais sans être entendu. Il en sera de même durant le conflit.
En 1939 : misère dans l’arrière pays
Albert Camus né en 1913 à Mondovi dans le Constantinois avait adhéré au Parti Communiste Algérien en 1935 pour lutter contre le statut social défavorisé des autochtones. Il le quittera deux ans plus tard en 1937 quand le PCA « ne défendra plus les militants algériens ». Lors d’un reportage en Kabylie en 1939 il alerte sur les conditions de vie misérable de la population. Les écrits de Camus sont publiés par Alger Républicain journal créé par son ami Pia. Les articles sont intitulés : « Misère en Kabylie ». A ce propos Jean Daniel, juif d’Algérie et futur directeur de l’hebdomadaire « Le Nouvel Observateur », écrira dans son livre « L’ami anglais » que c’est grâce à la lecture de « la série d’articles d’Albert Camus dans Alger Républicain – un quotidien qui n’entrait jamais chez mes parents – j’avais fini par trouver scandaleuse l’injustice dont les Arabes étaient les victimes. Mais … je comptais sur la République pour leur procurer les réparations éclatantes qui leur étaient dues ». Plus tard, Jean Daniel en opposition avec Albert Camus malgré leur amitié prendra le parti des indépendantistes rejoignant J. Paul Sartre. Une fois l’Algérie indépendante il préférera quitter le pays qui l’avait vu naître pour gagner la métropole.
A la même période Albert Camus, homme de dialogue, connaissait les nationalistes algériens et les défendait quand ils étaient inquiétés par les autorités coloniales ou traduits en justice. En effet, il prendra attache avec le PPA (Parti populaire Algérien) de Messali Hadj, dont on apprendra qu’il en avait été membre s’occupant de leur journal. Il est aussi en relation avec Ferhat Abbas du Parti du Manifeste. Ces deux nationalistes au départ modérés étaient contre le statut de l’indigénat et réclamaient l’égalité des droits. Camus était également proche de l’honnorable chef religieux très estimé le cheikh El Okbi. Ce derniervictime d’une fausse accusation était traduit devant un tribunal sous le chef d’inculpation d’avoir commandité un crime celui d’un autre religieux le mufti d’Alger (imam officiel reconnu par l’administration coloniale). Grâce à son innocence et aux articles d’Albert Camus, chroniqueur judiciaire d’Alger Républicain, le religieux sera acquitté. Lors du procès Albert Camus avait écrit : « Il n’y a pas de spectacle plus affligeant que celui d’hommes ramenés au-dessous de leur condition d’homme ».
Toutes ces prises de position vaudront à A. Camusl’animosité du Gouvernement Général. Il sera fiché et suivi pour finalement être le premier journaliste expulsé d’Algérie.
En 1945 : évènements de Sétif
Le 8 mai 1945 à la suite d’une manifestation populaire à l’initiative de nationalistes algériens qui réclamaient leur part de reconnaissance citoyenne après la victoire sur l’Allemagne nazie que beaucoup d’algériens avaient combattue au sein des troupes indigènes de l’Armée d’Afrique, celle-ci va dégénérer et des exactions seront commises contre des fermes et plus d’une centaine de civils français seront tués. En réaction, de Gaulle donnera l’ordre de la répression qui va être terrible : plusieurs villages détruits et des dizaines de milliers de victimes.
Là encore, Albert Camus meurtri par cette nouvelle fracture entre les populations d’Algérie, sera l’un des rares à avoir exposé lucidement le problème politique majeur qui se posait suite par les événements dramatiques de Sétif. Dans une série d’articles dans le journal de la résistance « Combat » dont il était rédacteur il demande pour les algériens autochtones le « régime démocratique dont jouissent les français ». Il précise que le « peuple arabe existe » et qu’il « n’est pas inférieur sinon par les conditions où il se trouve ». Camus qui dénonce la misère, le dénuement, la famine, écrit « la crise la plus apparente dont souffre l’Algérie est d’ordre économique ». Pour lui « l’Algérie et ses habitants sont à conquérir une seconde fois par la force infinie de la Justice » en accordant l’accession aux droits civils et politiques. Il veut une égalité sociale effective. De leur côté les nationalistes algériens demandent une autonomie.
En 1953 : préface du premier livre d’un juif tunisien Albert Memmi
Dans une préface du livre «La statue de sel » d’Albert Mémmi juif tunisien de culture française à la vie un peu similaire à Albert Camus ce dernier écrit : « Nous tous, Français et indigènes d’Afriques du Nord, restons ainsi ce que nous sommes, aux prises avec des contradictions qui ensanglantent aujourd’hui nos villes et dont nous ne triompherons pas en les fuyant, mais en les vivants jusqu’au bout. »
Les deux hommes s’éloigneront l’un de l’autre selon leur engagement respectif. Albert Camus rejetant les extrêmes proposera une troisième voie quand Memmi choisira de son côté de soutenir les indépendantistes tunisiens. Mais une fois la Tunisie indépendante ce juif tunisien ne trouvera pas sa place et quittera son pays d’origine pour la France.
En 1956 : appel pour une trêve civile
Il est manifeste qu’avant le déclenchement de la lutte armée le 1er novembre 1954 et la guerre qui s’en est suivie, Albert Camus avait critiqué les maladresses des gouvernements qui ont conduit au désastre à cause de l’incapacité de bâtir des bases égalitaires.
Fidèle à ses engagements Albert Camus va de nouveau dépenser toute son énergie au service de la justice et tenter de s’opposer à la folie meurtrière des hommes. D’où son appel pour une trêve civile lors d’une conférence à Alger tenue le 22 janvier 1956 dans des conditions difficiles grâce à la salle du Cercle du Progrès siège de l’association des Oulémas (mouvement religieux algérien). Il s’agissait d’encourager les belligérants au dialogue. Pour lui la révolte des arabes était la réponse à l’oppression qu’ils subissaient et la peur des français ne justifiait pas la répression. Il crie son indignation et sa colère devant les dérives absurdes de la violence qui s’en prend aux civils et ne mène qu’à la destruction. Se plaçant au dessus de la mêlée il n’a eu de cesse d’adjurer les uns et les autres de s’unir et de cesser le massacre et le meurtre des innocents. Face aux extrémistes des deux camps Albert Camus propose une 3ème voie celle d’une paix juste et fraternelle où Arabes et Français œuvreraient ensemble pour le progrès, la justice et la liberté. Il voulait une Algérie peuplée de toutes ses communautés respectives soutenue par la France pour un avenir commun. Il propose une Fédération avec la France qui permettrait à l’Algérie d’éviter le marasme et la misère. Indéniablement, Albert Camus défend les intérêts partagés des deux peuples pour une politique généreuse mais les extrémistes des deux côtés s’opposent à cet effort de compréhension pour un règlement pacifique.
Dans le même temps Albert Camus qui connaissait le leader Messali Hadj, favorable aux intérêts commun des deux communautés, n’ignorait pas la guerre fratricide qui opposait le parti de ce dernier MNA (Mouvement National Algérien) aux méthodes expéditives du FLN. Plusieurs villages pro MNA subirent les massacres de groupes FLN (comme celui de Mélousa) et des exécutions eurent lieu aussi en France notamment de syndicalistes proches de Messali Hadj. Dans Le Monde Libertaire de décembre 1957 Albert Camus dénonce : « Allons-nous laisser assassiner les meilleurs militants syndicalistes algériens par une organisation qui semble vouloir conquérir, au moyen de l’assassinat, la direction totalitaire du mouvement algérien ? Les cadres algériens, dont l’Algérie de demain, quelle qu’elle soit, ne pourra se passer, sont rarissimes (et nous avons nos responsabilités dans cet état des choses). Mais parmi eux, au premier plan, sont les militants syndicalistes. On les tue les uns après les autres, et à chaque militant qui tombe, l’avenir algérien s’enfonce un peu plus dans la nuit. Il faut le dire au moins, et le plus haut possible, pour empêcher que l’anticolonialisme devienne la bonne cause qui justifie tout, et d’abord les tueurs »**.
Albert Camus est visionnaire : c’est ce clan du FLN qu’il nomme « les tueurs » qui prendra le pouvoir en 1962après le départ de la France. De Gaulle laissera l’Algérie dans une anarchie telle qu’encore aujourd’hui elle ne s’en remet toujours pas.
En 1957 : lauréat du prix Nobel de littérature
Albert Camus journaliste de renom, écrivain reconnuavec nombre d’œuvres qui ont pour thème l’Algérie et homme de théâtre apprendra le 17 octobre 1957 qu’il a obtenu le prix Nobel de littérature. Lors de son discours devant l’Académie de Suède, Albert Camus, un des plus jeunes lauréats de cette distinction de la littérature moderne, aura des mots très forts et il fera allusion au déchirement que connaissait son pays. Parlant de lui-même il dira : « De quel cœur…pouvait-il recevoir cet homme où…sa terre natale connaît un malheur incessant. ». Et aussi ce cri qui marquera son discours : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. ». En effet, au même moment l’Algérie était en train de se défaire et les énormes efforts d’Albert Camus ne parvenaient malheureusement pas à l’empêcher. C’est donc loin de l‘Algérie livrée à la démesure de la violence que l’orphelin de Belcourt avait reçu cette haute distinction, lui qui disait « j’ai appris la liberté dans la misère ».
-La polémique : choisir la justice ou sa mère ?
A Stockholm le 14 décembre 1957 à l’issue de la cérémonie de remise du prix il tient une conférence de presse quand un jeune algérien le somme de prendre parti dans le conflit qui ensanglante l’Algérie. Dans sa réponse, avant d’aborder le fond de la question Albert Camus, excédé, commence par donner une leçon de politesse à l’étudiant sur sa manière de le questionner : « Je n’ai jamais parlé à un arabe ou l ‘un de vos militants comme vous venez de me parler publiquement. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie grâce à des actions que vous ne connaissez pas**… J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi le terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les rues d’Alger. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère** ». Pour le nouveau prix Nobel, la justice et sa mère ne peuvent être dissociées. C’est ce qu’aurait compris tout algérien si les propos d’Albert Camus n’avaient pas été déformés. C’est cette même justice que Camus fut le premier à réclamer pour les algériens. Comment pouvait-il prendre parti devant les destructions inutiles, les cris de torture, les explosions des bombes dans les rues d’Alger tuant des femmes et des enfants et la violence aveugle de part et d’autre. Non, Albert Camus s’en est indigné de toutes ses forces et il a toujours mis en évidence cette notion de justice. Dans sa première « lettre à un ami allemand » en 1943 il écrivait déjà : « …je voudrais pouvoir aimer mon pays tout en aimant la justice … C’est en faisant vivre la justice que je veux le faire vivre ».
En 1958 : le silence de Camus
Le sentiment « d’algérianité » qui habite Albert Camus lui fera dire : « Je m’entendrais toujours mieux avec un instituteur kabyle qu’avec un professeur parisien. ». Faisait-il référence à son ami l’écrivain Mouloud Féraoun qui était un instituteur ? On peut évidemment le penser.
Le journaliste engagé plaida passionnément pour les Arabes déracinés et privés de leur patrie. Il prêcha près de vingt ans à l’avance en faveur d’une intégration qui ne fut accordée que lorsqu’il état devenu trop tard. En combattant sur deux fronts les deux extrêmes il n’ignorait pas le rôle ingrat qu’il avait choisi de travailler à l’apaisement des cœurs. Mais ce rôle il l’a fermement et courageusement assumé. Il reste un vivant exemple de cette troisième voie faite de justice et de liberté contre la violence absurde. Cette voie du milieu qui si elle avait été entendue aurait pu éviter à l’Algérie le marasme qu’elle vit depuis des décenniesaux mains « d’usurpateurs« .
Après l’obtention du prix Nobel Albert Camus va s’enraciner à Lourmarin à proximité du château acquis par un humaniste Laurent-Vibert qui en fit une Fondation pour « le maintien de l’esprit méditerranéen et la sauvegarde des élites intellectuelles ». Dans ce lieu de Provence se rencontraient chaque année dès 1929 des jeunes artistes peintres et musiciens, mais aussi des écrivains et des philosophes dont son ami Audisio et celui qui était son professeur de philosophie au lycée d’Alger Jean Grenier à qui il dira « Je suis sur la trace de vos pas ». C’est de cette terre liée à sa chère Méditerranée, à son soleil et à proximité de la mer qu’Albert Camus va s’astreindre au silence sur l’Algérie. Est-ce le même silence qu’il connaissait depuis toujours, celui de sa mère sourde qu’il aimait profondément ?
Pour expliquer ce silence il écrit dans l’Avant propos de son livre testament « Chroniques algériennes (1939-1958)» publié en 1958 : « Mais, averti depuis longtemps des réalités algériennes, je ne puis non plus approuver une politique de démission qui abandonnerait le peuple arabe à une plus grande misère, arracherait de ses racines séculaires le peuple français d’Algérie … Une telle position ne satisfait personne aujourd’hui, et je sais d’avance l’accueil qui lui sera fait des deux côtés. Je le regrette sincèrement, mais je ne puis forcer ce que je sens et ce que je crois. Du reste, personne, sur ce sujet, ne me satisfait non plus. C’est pourquoi, dans l’impossibilité de me joindre à aucun des camps extrêmes, devant la disparition progressive de ce troisième camp où l’on pouvait encore garder la tête froide, doutant aussi de mes certitudes et de mes connaissances, persuadés enfin que la véritable cause de nos folies réside dans des mœurs et le fonctionnement de notre société intellectuelle et politique qui n’ont eu d’autre effet que de durcir en Algérie les intransigeances aux prises et de diviser un peu plus une France déjà empoisonnée par les haines et les sectes. ».
En 1960 : décès d’Albert Camus
Le 4 janvier 1960 Albert Camus se tue dans un accident de voiture ainsi que son ami Gallimard avec lequel il avait décidé de voyager vers Paris alors qu’il avait son billet de train en poche. Tragique destin. La mort rendra définitif le silence qu’il s’était imposé sur l’Algérie. La tombe du prix Nobel de littérature setrouve pas loin de l’église et du temple protestant au cimetière de Lourmarin. Ce village provençal ensoleillé où vit encore sa fille Catherine.
En 1962 : les Accords d’Evian
Albert Camus ne connaîtra pas les Accords d’Evian du 18 mars 1962 qui prévoient le cessez le feu pour le lendemain, l’interdiction des exactions et la protection des biens et des personnes. Malheureusement, rien ne sera respecté. D’un côté l’OAS (Organisation Armée Secrète) composé de soldats perdus et de jusqu’où boutistes criminels va commettre d’horribles attentats aveugles visant la population algérienne et les biens publics. De l’autre, on aura des bandes révolutionnaires incontrôlées s’en prenant aux français d’Algérie et aux musulmans soupçonnés d’être pro français. La situation est dramatique, la spirale de l’horreur va s’emballer et rien ne pourra ni justifier ni arrêter ces crimes.
On peut se demander quelles auraient été les réactions d’Albert Camus qui écrivait en 1948 « Je ne déteste que les bourreaux » face au sort réservé aux Pieds Noirs et Harkis obligés de quitter leur terre en 1962 dans la débandade. Près de 3000 civils français d’Algérie seront enlevés, disparus ou assassinés. Quant aux supplétifs français musulmans de l’armée française, ces Harkis enrôlés pour la défense de leurs villages, ils seront désarmés et abandonnés sur ordres du gouvernement de de Gaulle et de ses ministres Messmer et Joxe. Le FLN et les combattants de la dernière heure aidés de foules excitées ne feront pas de quartier. Les Harkis sans protection seront massacrés en masse sans aucune forme de justice et sans que soient épargnés des membres de leurs familles. Ces tueries vont desservir la cause des révolutionnaires qui ont tué ou laissé tuer hommes, femmes et enfants. Ces actes abominables seront accompagnés de leurs affreux lots de tortures, de viols et de lynchages. L’armée française cantonnée dans les casernes n’interviendra pas pour arrêter les tueries. Les rescapés ramenés en France, dont certains par des officiers désobéissant aux ordres, seront installés dans des camps de fortune ou des hameaux de forestage un peu partout en France surtout dans le Sud.
Oui on peut s’interroger sur comment aurait réagi « l’homme révolté », Camus, s’il avait connu le récit de ces tragédies ? On se rappelle cette citation : « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle sera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente ou le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant.*». (A.C dans « Avant Propos », O.C. IV, p.300)
Depuis l’indépendance de l’Algérie confisquée par un clan du FLN il y a 58 ans ce sont plusieurs millions d’algériens qui ont fuient le pays pour s’installer en France rejoignant ainsi les Pieds Noirs et les Harkis qui avaient été arrachés à leur terre. Pire, ce sont aussi des centaines de milliers d’algériens qui ont trouvé la mort surtout dans les années 90 provoquée par la dictature des généraux décidés à conserver le pouvoir coûte que coûte empêchant ainsi l’instauration de la démocratie et de la liberté que réclament aujourd’hui encore les millions de manifestants du hirak. En attendant, les migrants clandestins algériens continuent d’affluer par milliers vers l’Europe et se jeter à la mer au péril de leur vie pour gagner les terres chrétiens d’Espagne ou d’Italie. La fuite de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qu’on appelle les « haraga » n’est pas finie. Les dirigeants et militaires algériens du FLN viennent eux-mêmes par milliers depuis de nombreuses années pour se soigner et vivre en France où ils ont acheté des biens et ouvert des comptes bancaires. Beaucoup d’entre eux ont aussi acquis la nationalité français que pourtant ils honnissaient et pour laquelle ils qualifiaient de « traîtres » les Harkis qui l’avaient conservée. Un retournement de l’histoire !
Le révolutionnaire indépendantiste Mandela tirera leçon de l’échec de l’expérience algérienne quand à sa sortie de prison après 23 ans de détention il dira : « Les blancs ne partent pas ! ».
Beaucoup d’algériens, de français d’Algérie et les français musulmans rapatriés qui ne souhaitaient pas rompre avec la métropole se sont désolés que la voie proposée par Albert Camus n’ait pas été suivie. Le prix Nobel avait désespérément appelé à une Algérie indépendante fédérée à la France et inscrite dans l’Europe. Si tel avait été le cas on aurait eu une Algérie, pays immensément riche possédant une jeunesse prometteuse, développée liée à l’Europe et aussi au monde arabo-musulman dont elle aurait été un exemple de modernité. Le rêve de tout algérien aujourd’hui.
Que n’a-t-on pas entendu le visionnaire Albert Camus.
Espérons toutefois qu’il ne sera pas oublié dans le travail de mémoire sur « la colonisation et de la guerre d’Algérie » qu’a confié le 24 juillet 2020 le Président de la République à un historien de cette guerre M. Stora contesté pour son parti pris qu’on peut lire en parcourant ses livres. Du côté algérien, il n’y a rien à espérer en la personne appartenant au FLN nommée pour un même travail par le Président actuel d’un pouvoir illégitime.
Chérif Lounès
*Extraits cités par Alessandro Bresolin dans « Albert Camus : l’union des différences », Presse fédéraliste, 2017
**A. Camus connu pour être contre la peine de mort menait des actions pour l’amnistie et demandait la grâce de militants algériens. Il l’avait obtenue pour un certain nombre d’entre eux ce que l’étudiant algérien qui l’interrogeait en Suède ignorait probablement.
***Propos rapportés par le traducteur C. G. Bjurströmtémoin de l’échange : « Discours de Suède », Paris, Gallimard, coll. Folio, 1997
Cet article, on ne peut pas le qualifier autrement que de révisionniste voire de négationniste. Parler à chaque fois « d’extrémistes des deux bords », c’est établir une injuste équivalence entre l’oppresseur et le résistant à l’oppression, entre l’agression et la légitime défense.
Battre le rappel des positions morales de Camus sur la guerre d’Algérie et de ses écrits sur la misère des indigènes, ne changera rien au fond du problème : les Algériens voulaient légitimement retrouver la liberté et la dignité chez eux, tandis que le système colonial s’y refusait obstinément. Ce face à face n’a pas duré un mois, une année, une décennie, mais largement plus d’un siècle. Le pouvoir colonial n’a donc pas été pris au dépourvu, il a eu suffisamment le temps de tirer les conséquences de la dramatique situation dans laquelle se trouvaient les indigènes, et il ne l’a pas fait. Comment dans ces conditions mettre sur un pied d’égalité celui qui cherche à relever la tête et celui qui veut la lui maintenir baissée ? Que cette lutte pour recouvrer ses droits se soit accompagnée de victimes, c’est dans l’ordre des choses. Rien ne s’obtient gratuitement. Que par la suite, une fois l’indépendance acquise, des déviations se soient produites, c’est évidemment regrettable et même condamnable, mais ça ne remet nullement en cause la légitimité du combat libérateur.
Je me demande à ce propos pourquoi, en France, toute idée, toute allusion même pouvant insinuer que la résistance à l’occupation allemande avait été coûteuse est impensable, alors que s’agissant de l’Algérie on se permet des imbécilités du genre « le FLN aussi a commis des atrocités… ». Vous auriez aimé peut-être qu’il tendît l’autre joue… ».
Mon arrière grand-mère maternelle était de Mondovi.Je suis de Constantine.J’ai pris le chemin de l’ exil avec la famille le 18 octobre 1962. Et cela colle à la peau. Et chose rare, je suis un pied noir de confession protestante.Ma famille maternelle était présente depuis 5 générations.Je suis la 6ème.Quant à la branche séfarade par alliance, elle y était depuis le XVIème siècle..
Comme nous sommes de la même terre, je partage en très grande partie ce que vous avez écrit.Mektoub?
JM Leray
Victorine, c’était ma grand-mère maternelle.