Le concert de l’artiste congolais Fally Ipupa s’est tenu à Paris, ce vendredi 28 février, malgré les incidents qui l’on précédé.
Une chronique de Bedel Baouna
Fally Ipupa, s’il se dit « neutre » dans la crise politique qui secoue la République Démocratique du Congo, reste très « ami » avec les pilleurs du Congo-Brazzaville. Combien d’œuvres n’a-t-il pas composées en hommage aux kleptocrates de Brazzaville ? Anissa, Canne à sucre, et d’autres chansons encore, illustrent bien sa proximité avec la famille Sassou.
Fally Ipupa ne peut se soucier des femmes violées au Congo-Kinshasa, comme il le prétend, et encenser des « pilleurs » au Congo-Brazzaville. Une ambiguïté qui mérite d’être levée s’il veut être crédible !
Les Congolais, dehors!
Les autorités françaises le redoutaient : le concert de Fally Ipupa allait générer des incidents. Vendredi en début de soirée, les alentours de la salle de spectacle AccorHotel Arena, dans le secteur de la Gare de Lyon et de Bercy, ont été le théâtre d’incendies et d’affrontements entre les forces de l’ordre et les « combattants » congolais. Une grande fumée noire a voilé le ciel de l’est parisien, générée par des incendies de scooters et de poubelles.
Aussitôt la droite française souverainiste s’est enflammée. « Quelle image notre pays donne au monde ? Comment le gouvernement peut-il laisser se produire un tel CHAOS ? » S’est empressée de dire Marine Le Pen sur son compte Twitter. « Que ces « opposants » au régime du Congo, qui ont incendié des scooters et attaqué nos pompiers soient condamnés ! Et si des réfugiés sont parmi eux, qu’ils soient expulsés », a tranché Nicolas Dupont Aignon.
« La vie est belle »
Le concert a pourtant eu lieu. « Jour historique », a sous-titré l’hebdomadaire Jeune Afrique. Et de commenter : « Sa Majesté Fally, en peignoir et baskets, une couronne revisitée posée sur la tête, pouvait enfin commencer à chanter… après un long silence dans la capitale française. La chanson inaugurale « La vie est belle », sonnait comme un pied de nez aux combattants. » « Aujourd’hui est un jour historique, c’est une grande victoire pour le Congo ! », a conclu le musicien Dadju.
Mais l’adjectif « historique » pose problème. Il participe de l’implicite. Sous-entendu : lui, Fally Ipupa, a réussi là où les autres ont échoué. Etait-ce vraiment l’objectif de ce concert ? Or pendant des jours, des semaines, Fally Ipupa clamait urbi et orbi qu’une partie des recettes de son concert parisien seraient reversées à la Fondation du Docteur Denis Mukwege qui vient en aide aux femmes victimes de violences sexuelles au Congo Kinsasha. Un combat pour lequel ce dernier a eu le Prix Nobel de la Paix 2018. »Le combat juste »
Loin de lui faire un procès d’intention, Fally Ipupa savait pertinemment que son concert susciterait sinon le chaos, du moins du bruit. Pari gagné ! En tout cas, il fait parler de lui. Hier, aujourd’hui et demain.
Aucun doute, Fally Ipupa est l’un des meilleurs musiciens de sa génération ! Aucun doute, Fally Ipupa a du talent à revendre ! Excellent chanteur et grand danseur ! Très charismatique ! Son art vaut le détour. Mais avait-il besoin de ce concert, à hauts risques, pour faire un don à la Fondation Denis Mukwege ? Pourquoi ne pas inviter ses collègues-musiciens pour pondre un album ?
« Un combat juste », et après?
Quinze ou vingt ans sans concerts des musiciens congolais en Europe n’est pas dramatique en soi. Ce qui l’est, c’est le risque de chaos que cela comporte. Du reste, la Rumba congolaise ne dépend pas de la scène parisienne, non. Elle a existé et elle existera sans les salles de spectacle de Paris.
Un événement susceptible d’entraîner des violences constitue toujours « une expérimentation hasardeuse ». Et que si Fally Ipupa mène un « combat juste » en faveur de la Fondation Denis Mukwege, ce combat n’autorise pas tout. « Aucun d’entre nous ne détient le monopole de la pureté d’intention », dixit Saint-Exupéry dans Lettre à un otage. Et d’ajouter : « Je respecte celui qui parcourt une autre route, s’il peine vers la même étoile… » Une mise au point qui résonne comme un garde-fou contre l’utilisation du « combat juste » en faveur des « expérimentations hasardeuses ». Une mise en garde valable aussi pour les « combattants » qui se servent de la violence comme moyen de communication. Non, la fin ne justifie pas les moyens.