Nommé Premier ministre de Abdelaziz Bouteflika de mai à août 2017, le nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui a été élu le 12 décembre 2019 dans des conditions contestées, ne tardait pas à se brouiller avec le clan de l’ancien président.
Mondafrique revient sur cette rupture où le tout nouveau président algérien bénéficia -déja!- du soutien discret des militaires
Pourquoi le Premier ministre de Bouteflika a-t-il été remercié brutalement durant l’été 2017 de son poste?Abdelmadjid Tebboune, non sans courage, avait joué avec le feu en croyant s’imposer comme un chevalier blanc. « L’erreur de Tebboune aura été sa brutalité contre les hommes d’affaires et à leur tête Ali Haddad », confie un proche de l’ancien Premier ministre. « Fraîchement nommé, il a voulu démontrer qu’il est le véritable patron en écartant trop hâtivement les oligarques les plus influents. Il n’a même pas essayé de ménager quelques-uns ou de pactiser avec certains d’entre-eux. Il avait tout simplement déclaré la guerre à tout le monde », nous explique la même source.
Un « donquichottisme » populaire.
Après avoir senti l’adhésion populaire, Tebboune avait encore accentué ses attaques contre ces oligarques qui s’impliquaient ouvertement dans les affaires du gouvernement. Il tente de paralyser Ali Haddad, la patron des patrons algériens et un des plus puissants hommes d’affaires du pays, à coups de mises en demeure. Il balaie d’un revers de la main l’héritage d’Abdesslam Bouchouareb, longtemps ministre de l’Industrie et l’homme des Français, condamné récemment à vingt ans de prison. Ce qui explique que le nouveau chef d’état algérien aie de fort mauvaises relations avec Paris.
Ce n’est pas tout. Tebboune bloque ainsi plusieurs projets d’usine de montage des véhicules. Il s’en prend enfin au très juteux secteur agroalimentaire en ciblant la richissime famille des Benamor.
La pugnacité de Tebboune lui vaut un succès populaire, mais provoque indirectement le regroupement hostile de tous les oligarques qui ont actionné leurs relais dans le pouvoir algérien. « Derrière chaque oligarque, il y a un clan politique. Ses riches hommes d’affaires redistribuent le gâteau à leurs amis politiques qui les protègent et soutiennent. Tebboune a sous-estimé cette dimension politique et tout un appareil au sein de l’Etat s’est mis en branle pour le déstabiliser », révèle anonymement le membre du bureau politique d’un parti très influent à Alger.
C’est, ensuite, Saïd Bouteflika qui est monté au créneau pour exprimer son désaccord avec le « cavalier solitaire » Tebboune. Le frère du Président, confient ses proches, a surtout été scandalisé par le « populisme économique de Tebboune ». « Dans les ports, les marchandises étaient bloquées suite à des mesures radicales prises sans aucune concertation. Les banques ne savaient plus à quel saint se vouer. Les partenaires étrangers ont pris peur et les chancelleries ont réclamé des éclaircissements à la Présidence. Saïd Bouteflika ne pouvait plus se taire et rester silencieux », nous assure un homme d’affaires ami et habitué des salons fréquentés par les membres du clan présidentiel.
Une bronca générale
Les oligarques finissent par convaincre Saïd Bouteflika d’entrer en jeu. Tebboune a commis l’erreur stratégique d’ ignorer Saïd Bouteflika. Pis encore, il explique à son entourage qu’il n’a aucun compte à lui rendre. Les diplomates français ne comprennent guère le choix de Tebboune comme Premier ministre, alors que son prédécesseur Sellal, si bienveillant avec les Français, semblait solide et fiable.
Sentant le danger, Tebboune tente une ultime parade en rencontrant Edouard Phillipe le 7 août dernier. Histoire de rassurer les Français et leur promettre de belles perspectives de collaboration. Mais cette rencontre n’a pas suffi pour calmer les craintes des partenaires français. Les chinois sortent de leur silence et rencontrent des ministres algériens ainsi que des conseillers de la Présidence pour obtenir des explications sur le nouveau cours de la politique économique.
De l’étranger, Tebboune minimise les risques de sa chute. Il croit savoir que l’institution militaire dirigée par le général-major Ahmed Gaïd Salah le « protégera de manœuvres clandestines de ses ennemis », croit savoir un responsable au FLN. Il faut dire que Gaïd Salah n’aime guère le parvenu qu’est Ali Haddad, non sans de solides raisons, et les autres oligarques nouvellement riches.
La guerre de succession, déja
Plus généralement, le patron de l’armée algérienne manifeste de plus en plus son désaccord avec les partisans de Saïd Bouteflika. Le vieux général ne veut pas d’une succession de type monarchique, où le frère du président jouerait un des tout premiers roles.
Comme un certain Amar Saâdani, ancien secrétaire général du FLN, Tebboune a cru que son rapprochement avec Ahmed Gaïd Salah pourra lui permettre de résister aux assauts de son adversaire. Saïd Bouteflika ainsi que ses alliés finissent par exécuter Tebboune avant même la rentrée sociale qui s’annonce chaude pour éviter tout risque de débordements.
Pour ménager une partie de la hiérarchie militaire, la présidence algérienne nommait alors comme Premeier ministre Ahmed Ouyahia, qui a eu longtemps un talent indéniable pour ne se brouiller avec personne. Du moins jusqu à ces dernières semaines où il fut arrèté, jugé puis condamné à quinez années de prison pour corruption