Notre chroniqueur Djaffar Amokrane, après avoir dressé dans un premier papier le tableau d’une Algérie dans l’impasse, explore des voies de sortie de crise en Algérie et dans les pays voisins: le Soudan, l’Irak, le Liban
« L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire » Henri Bergson
De nombreuses initiatives populaires ont vu le jour en Algérie que l’Etat Major a balayées par un revers de la main. La sortie de crise par voie constitutionnelle est soutenue contre vent et marée par un système déterminé à forcer le passage. La mise à l’écart de la phase transitionnelle devient une bataille consubstantielle à l’existence du système dont le Hirak réclame le départ.
Des personnalités issues de la société civiles prirent des initiatives de sortie de crise. Les forces influentes au sein système les ont tous capotés sans faire de propositions de change. L’élection présidentielle imposée devient ainsi seule issue possible, le crédo des tenant de cette solution est au coûte que coûte et quelles que soient les conséquences. Entre la détermination des uns et le bon sens des autres, proposant des solutions de sortie, il ne reste aucun passage à un dénouement durable.
De la proposition de Taleb, Ali Yahya, Benyelles jusqu’à la dernière offre des Oulémas, des initiatives qui restent lettres mortes. Elles n’ont même été soumises au débat public. Le 12 prochain décembre sera-t-il un jour de délivrance ou de complexification de la crise ? Tout dépend dans quel camp se situe la force. Ce n’est pas les revendications mobilisatrices, ni la force institutionnalisée qui vont sortir le pays du gouffre. Des solutions inclusives restent seul recours salvateur, loin des enchères politiques, idéologiques, en doctrinales, institutionnelles.
Il est temps « d’agir en homme de pensée et penser en homme d’action », loin des Badissia novembaria contre Soummamia, et de l’Etat civil contre l’état militaire. Il est temps de voir loin à l’horizon pour pouvoir déterminer le chemin à emprunter. Rester dans l’indéterminé revient à accepter d’affronter l’incertitude avec tous les risque encourus et subir en conséquence ses effets. L’Algérie vaut plus que des slogans confrontationnels.
Changements géopolitiques en Afrique du Nord
L’épicentre de l’onde séismique en Afrique du nord est situé en Algérie. Les secousses ainsi propagées peuvent atteindre d’autres pays de la sphère Africaine. L’évolution de la situation géopolitique dans cette partie du continent augure bien une reconfiguration de l’échiquier existant en s’articulant sur trois événements majeurs. L’Algérie jouant le rôle de leitmotiv du changement, le Soudan affecté par des considérations géostratégiques, la Libye terrain de confrontation doctrino-géopolitique entre les frères musulmans, parrainés par la Turquie et le Qatar au pouvoir à Tripoli et le Madkhalisme, soutenu par la paire Saoudo émirienne dirigé à partir de Benghazi.
Nombres d’experts s’attendait à une contamination du hirak au pays voisin de l’Algérie. Loin de cet optique, Le Maroc comme la Tunisie ont suivi avec attention et préoccupation l’évolution de la crise algérienne, sans être affecté par ses effets. Le Maghreb des peuples existe bel et bien, il est fébrile au changement géopolitique. Quant à la Libye, elle perdure dans l’instabilité inhérente au changement par l’intervention extérieure du régime de Khaddafi. Elle demeure source d’inquiétude à travers le risque de débordement des groupes islamistes incontrôlés sur des frontières limitrophes.
Le déroulement du Hirak algérien, son déploiement et son maintien dans la durée, suscite des émules. Le caractère non violent, son civisme, son organisation, et ses satires savamment déployées imposent respect et admiration. Nombres d’observateurs parièrent sur essoufflement d’autres sur sa radicalisation. Or, rien n’en est, bien au contraire il s’est renforcé sur les quatre saisons passées. Il est ainsi perçu de l’extérieur comme modèle de revendication le plus adapté contre tout ordre établi, ou système répressif. Il prend sens dans le cadre de manifestation citoyenne et démocratique.
Soudan, deux protagonistes, et deux seulement
La contagion, tant attendue aux pays voisins de l’Algérie, s’est manifestée au Soudan. Beaucoup d’expert se sont précipités à faire des similitudes entre Alger et Khartoum. Les premiers manifestants de Khartoum se revendiquaient du modèle algérien. La réalité est autre.
A première vue, des similitudes sont apparentes dès les premiers mouvements. Un président, Omar Al Bachir, au pouvoir depuis 30 ans, est renversé par un coup d’Etat militaire dirigé par son vice-président et ministre de la défense, le lieutenant général Ahamd Awad Ibn Auf.
Contrairement à Gaid Salah, il dissout la présidence et met en place un conseil militaire de transition. Le chef de l’armée algérienne, lui opte pour une transition dans un cadre strictement constitutionnel. Le cas soudanais a trouvé un dénouement à sa crise grâce à l’existence des relais issus de la société civile qui ont joué le rôle d’interface avec les manifestants. Ainsi, le syndicat des médecins, d’ingénieurs, du transport sont devenus les interlocuteurs des militaires.
En Algérie, le Hirak refuse de dégager des représentants par peur d’infiltration, de récupération et de cooptation de ses éléments. Le succès du dénouement de la crise soudanaise est dû à l’existence de deux protagonistes sur le terrain. En Algérie, la triangularité des protagonistes (armée, Hirak, DRS) aux objectifs diamétralement opposés, est un handicap majeur.
Irak, plus de 100 tués et 6000 blessés
Les manifestations d’Alger furent marquées par une communion entre tous les segments de la société : Isamistes, laïcs, démocrates, Berbères et Arabes, tous unis pour une juste cause. Il en est de même de la jeunesse Irakienne, sunnite, chiite, assyro chaldéens, kurdes ont sillonnés ensemble les rues de Baghdad.
Les bons offices de la méthode du Hirak algérien ont marqué le pas face à la répression disproportionnée des policiers et militaire Irakiens, plus de 100 tués et 6 000 blessés. A Baghdad comme à Khartoum, les considérations géopolitiques et stratégiques ont eu raison d’un Hirak naissant. L’alliance naturelle de Moqtada Sadr avec l’Iran chiite suivie d’une contre alliance avec l’Arabie Saoudite sunnite ont été la principale cause d’un processus de déstabilisation. Le Hirak irakien n’a secrété de solutions, le pays reste marqué par la violence, des trente dernières années.
Le Hirak peut faire partout objet de convoitise mais peut devenir une arme fatale de subversion et d’ingérence. Sa transposition sur d’autres pays ne donnerait pas forcément les mêmes objectifs escomptés. Chaque pays dispose de spécificités et des considérations qui lui sont propres.
Le Liban, un clone du Hirak algérien
L’ambiance festive et consensuelle déployée à Beyrouth ressemble étonnamment à celle d’Alger mais les facteurs déclenchants sont sociaux et politiques. Néanmoins, les slogans avec ses expressions satiriques ressemblent à la révolution du sourire à Alger. Le caractère unificateur entre les 17 communautés religieuses composant le pays est un signe de bonne santé de la démocratie libanaise. La non-violence imposait comme critère de référence ce qui obligea le gouvernement à réagir au plus vite dans le bon sens.
Une solution est à l’oeuvre au Liban marquée par une élection législative anticipée accompagnée de réformes structurelles sur le plan politique.